a écrit :Mes yeux se sont remplis de larmes de joie en te voyant écrire une chose pareille
Eh bien... Je savais que l'économie politique, ça pouvait faire pleurer. Mais de joie, ça, c'est une première !
Cela dit, Interluttant, plus on avance, plus on recule, et ça ne doit rien à la dialectique chère à ton coeur.
Je crois que tu commets deux séries d'erreurs, sur deux plans différents.
Premièrement, sur les définitions et les raisonnements propres à l'économie politique. Lorsque tu écris que :
a écrit :Si l'on admet que "oeuvre d'art" contient du travail humain, on est obligé d'admettre qu'elle a une valeur d'échange.
Je suis navré, mais c'est faux. Une oeuvre d'art possèderait une valeur d'échange si elle contenait du travail
social. Or un travail individuel (privé) ne peut être ramené à du travail social que si ce travail individuel est comparé par la société à d'autres travaux individuels, autrement dit si les productions des différents travailleurs sont considérées comme équivalentes. La notion de "travail humain", en plus d'être un pléonasme, évacue cette distinction entre travail individuel et travail social, essentielle en économie marxiste. A partir de là, effectivement, les mots perdent leur sens : tout est dans tout et réciproquement. Tu peux baptiser "marchandise" tout et n'importe quoi". Cela conduit à embrouiller les choses, pas à les comprendre.
Ta deuxième série d'erreurs concerne le résultat de toutes ces grandes manoeuvres, à savoir les rapports entre l'art et la société. Que tu considères, je crois, d'une manière beaucoup trop schématique. En fait, toutes les tortures que tu fais subir aux concepts de l'économie politique ont pour but de pouvoir affirmer que la bourgeoisie dicte le contenu (formel et social) de l'art au moyen de la validation des oeuvres par le marché. Ce que tu résumes par :
a écrit :Mais ce que je pense, c'est que l'oeuvre d'art tient ses traits sociaux de ce qu'elle est produite en vue de l'échange et qu'elle passe par le marché. C'est à dire que je pense que "le style" d'une époque est le résultat de la concurrence entre artistes. (...) Tout ça pour dire que l'on passe d'un style à l'autre sous le fouet du marché, que la concurence entre les artistes (qui est un fait purement économique) nous permet de décrire une chose qu'en esthétique on connait bien : le style.
Mais
tous les arts de
toutes les époques ont toujours reflété les aspirations, les idéologies, les valeurs, des classes dominantes. Pourtant,
seule l'époque bourgeoise a mis en place un "marché" de l'art... qui ne concerne d'ailleurs qu'une partie de la production artistique. La soumission de l'art - et des artistes - aux valeurs socialement dominantes passe par de multiples canaux, et pas seulement celui de la "concurrence" (pas toujours "purement économique", en plus). L'art antique ne produisait pas de marchandises, mais il reflétait avec une fidélité absolue les idéaux des esclavagistes grecs ou romains. Lorsque Louis XIV fait de Lully son musicien officiel, il n'a pas besoin de lancer un appel d'offres pour que la musique de la Cour réponde aux canons (c'est le cas de le dire) de la monarchie absolue. Lorsque Staline demande à Chostakovitch de réécrire sa huitième symphonie, jugée pas assez joyeusement patriotique, pas trace non plus de "marché" ou de "valeur d'échange". Et même pour prendre des exemples plus proches de nous, la psychologie des artistes, leurs fréquentations, le milieu social dans lequel ils baignent ou celui auquel ils aspirent, font au moins autant pour conformer l'art aux valeurs de la bourgeoisie que les stricts mécanismes du marché.
Vouloir expliquer les courants artistiques par les seuls mécanismes de marché est aussi réducteur que prétendre rendre compte de l'histoire du mouvement ouvrier par les variations du taux de chômage.