LO-LCR, le duo trotskiste qui inquiète la gauche
L'extrême gauche pourrait arriver au second tour dans quatre régions et faire chuter le PS.
Par Christophe FORCARI
mercredi 25 février 2004
«Le vote d'extrême gauche n'est plus un vote de témoignage.» Alain Krivine, dirigeant de la LCR O et LCR rêvent de lendemains électoraux qui chantent. Face à un PS qui n'a pas encore retrouvé les faveurs du «peuple de gauche», les listes étiquetées Laguiller-Besancenot espèrent recueillir les fruits de la mauvaise humeur des électeurs tant à l'égard du gouvernement Raffarin que de l'ex-gauche plurielle. Un vote sanction qui devra être massif pour franchir la barre des 10 % des suffrages au premier tour dans certaines régions et conserver des élus une semaine plus tard.
Par-delà cet objectif ambitieux, le duo LO-LCR risque de faire chuter nombre de candidats de gauche. D'abord en provoquant des quadrangulaires (droite-gauche-extrême droite-extrême gauche) très dangereuses pour la gauche réformiste, socialistes en tête, dans quelques rares régions. Le dirigeant historique de la LCR, Alain Krivine, en recense quatre : Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie, voire Midi-Pyrénées.
Fossé. Et même s'il ne peut se maintenir, le duo trotskiste pourrait causer des dégâts en poussant ses supporteurs à ne pas choisir au tour final entre droite et gauche. Inspirée par l'inflexible LO, la LCR a décidé de ne plus donner de consignes de vote, sauf en cas de (gros) risque de victoire de l'extrême droite. De quoi donner des sueurs froides à nombre de prétendants socialistes au vu du fossé qui s'est creusé entre les rescapés de la gauche plurielle et l'extrême gauche.
Un fossé déjà profond lors du premier tour de la présidentielle, le 21 avril 2002. A l'époque, le cumul des scores de LO et de la LCR avait flirté avec la barre des 10 % des suffrages. Depuis, les deux partis d'extrême gauche, qui ont conclu leur alliance électorale à l'automne, se sentent le vent en poupe. Krivine estime que la gauche de la gauche «bénéficie aujourd'hui d'un espace comme jamais». «Le vote d'extrême gauche n'est plus un vote de témoignage», se réjouit-il. Pourtant, certains membres du bureau politique de la LCR reconnaissent qu'elle peut «faire mieux en voix et en pourcentage, sans décrocher au bout du compte de siège d'élus» par la faute du nouveau mode de scrutin.
Sondages. A l'approche du 21 mars, l'extrême gauche commence à frémir dans les sondages. Créditées au départ de 3 % d'intentions de vote, les deux branches du trotskisme hexagonal atteignent 6,5 % selon un sondage Sofres (1). D'après CSA, 23 % des Français (2) jugent que l'extrême gauche possède les qualités nécessaires pour gérer les affaires d'une région. En Ile-de-France, Laguiller, tête de liste aux régionales, et Besancenot, numéro un de la section parisienne, plafonnent pour l'heure à 6,5 % des intentions de vote. «En début de campagne, nous avons déjà plus de monde à nos meetings qu'à la fin de la campagne des européennes de 1999», se rassure François Sabado, dirigeant de la LCR.
«Nous sentons que nos arguments trouvent un écho particulier dans la population», assure Roland Szpirko, élu LO de Picardie. Une région où, à la présidentielle de 2002, le total des candidats d'extrême gauche (Laguiller pour LO, Besancenot pour la LCR et Daniel Glückstein pour le Parti des travailleurs) avait atteint son meilleur cumul national avec près de 13 % des voix. Cette année encore, Roland Szpirko espère bien dépasser le couperet des 10 % malgré la concurrence de la liste PCF conduite par Maxime Gremetz (lire ci-contre). Dans le Nord-Pas-de-Calais, LO aura toutefois du mal à retrouver les huit sièges qu'elle occupe depuis six ans. Lucien Sanchez, conseiller régional LCR en Midi-Pyrénées, est plus optimiste pour sa région, même s'il juge que «tout dépendra du contexte des dernières semaines de la campagne». Cependant, il met en garde sur une éventuelle déperdition de voix causée par l'alliance : «Nous savons très bien que les voix de LO d'un côté et celle de la LCR ne s'additionnent pas», reconnaît-il.
Vincent Tiberj, chercheur au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof), ne voit pas se dessiner «une dynamique particulière en faveur de l'extrême gauche. Après la leçon du 21 avril, les électeurs de gauche risquent forts d'être tentés par le vote utile dès le premier tour. Le vote d'extrême gauche n'est pas un vote d'adhésion mais d'influence».
(1) Réalisé les 28 et 29 janvier auprès de 1 000 personnes.
(2) Sondage réalisé les 18 et 19 février auprès de 1 002 pers.