Une fraction à la LCR

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par emma-louise » 31 Déc 2002, 14:16

(wolf @ lundi 30 décembre 2002 à 19:54 a écrit :Mon esprit shakespearien?
:king: :

C'est un compliment, en fait, chère emma-louise?
:smileJap:

Mais l'essentiel dans cette affaire, je te rejoins, est de ne jamais basculer, comme disait "matti", dans la vision policière de l'histoire

Joyeux réveillon à tous. :party: :marsububu:

:wavey: wolf ...??? le film avec J.Nicolson ??? Rève-je ??? Un fan de bon cinoche ne saurait etre autre chose que :t3xla: ...un bon apprenti trotskisse avant de rejoindre (in fine) la grande , belle et rebelle ELLE - C - AIR bonne nanana bonne nannée!!! :wavey: :wavey: :wavey:
emma-louise
 
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Message par emma-louise » 31 Déc 2002, 14:26

(discufred @ vendredi 27 décembre 2002 à 09:23 a écrit :Bon, je ne suis pas spécialiste et je n'ai pas connu la glorieuse époque des années 70. Mais toutes ces histoires d'entrisme, citation de Trotsky à l'appui ou non, je trouve ça assez malsain.

Le seul entrisme qui compte à mes yeux, c'est celui en direction de la classe ouvrière. Arrêtez-moi si je me trompe, mais il me semble que c'est le prolétariat qu'il faut gagner au communisme. Peu importe ce que peuvent dire ou faire une poignée de gauchistes phraseurs.

En France, la classe ouvrière, même au sens le plus étroit du terme, c'est plusieurs millions de personnes. L'ensemble des organisations d'extrême-gauche, "vrais" et "faux" trotskystes mélangés, c'est quelques milliers de personnes. Si quelqu'un a envie de faire de l'entrisme à la LTF ou chez les trotskystes pro-martiens, grand bien lui fasse. Mais à mon avis ce n'est pas ainsi que l'on fera progresser la conscience de classe du prolétariat.

Alors, je suis peut-être un peu bebête et un peu primaire, mais je laisse l'entrisme à ceux que ça intéresse et je préfère répéter : "prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" :bounce: :bounce: :bounce:

la vérité...oui!!!!!!! :wavey: :wavey: :wavey:
emma-louise
 
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Message par Louis » 02 Jan 2003, 19:29

(stef @ jeudi 26 décembre 2002 à 21:47 a écrit :
a écrit :Ma question demeure en quoi cela peut-il être juste (tactiquement) d'entrer dans une organisation en cachant sa politique?


Réponse nette : à pas grand-chose.

Dans le cas qui te préocuppe - l'OCI - il faut différencier le travail mené dans le PS et celui mené dans la LCR. Etant entendu qu'un travail de ce type - "ouvert" ou pas - n'a de sens que si on ne s'automarginalise pas par des déclarations tonitruantes (ce qui est aussi le cas ailleurs me semble-t-il).

Pour le PS, c'est évoqué ailleurs.

Pour la LCR, les choses sont plus simples. Je ne pense pas que l'OCI ait envoyé plus de 4/5 militants au début. Et en 1979, c'est un quart de la Ligue qui fonde la LCI puis rejoint le PCI. D'où vient le miracle ? Des processus de crise du SU d'alors qui était tiraillé par ses propres contradictions : le guérillérisme, les capitulations devant les front-populisme, les pressions petites-bourgeoises (sexisme...), etc.

Dans ce cadre, un peu partout, des militants ont cherché la solution en recherchant une orientation authentiquement tkyste. D'où les succès de Moreno en Amérique latine. Mais en Espagne, la LCR s'est scindée dans ces années et une LC "orthodoxe" est apparue sans que quiconque de l'OCI n'y soit pour quoi que ce soit. Il suffit d'imaginer ce que signifiait le guérillérisme appliqué à l'Espagne franquiste...

Alors en France. Les militants "orthodoxes" se sont d'abord orientés sur le SWP qui dirigeait le combat contre cette orientation. Mais en même temps ils ne pouvaient ignorer les réels succès d'ailleurs de l'OCI et le fait qu'elle fournissait des réponses à nombre de questions qu'ignorait le SWP (les racines de la crise du tkysme, p. ex.). D'où le fait que des dizaines d'entre nous aient étés gagnés peu à peu et soient restés en fraction dans la LCR. D'autant plus qu'au même moment (1976) débutait l'évolution de la direction du SWP vers le castrisme. Bref, à la fin des années 70, seuls demeuraient opposés à la majorité du SU, les "lambertistes" européens et la fraction Moreno. La crise a débouché sur la rupture à propos du Nicaragua. Ca aurait pu être sur à peu près n'importe quoi, tant un monde nous séparait de Krivine-Bensaïd.

Alors les "agents" dans tout ça ? Et bien leur rôle a été somme toute limité. Sur nombre de questions, étant plus cohérents, ils pouvaient orienter notre réflexion. D'où l'autorité de nombre d'entre eux. Pas plus. Ce qui compte c'est le mouvement propre de ces militants. Pas le fait qu'il y ait des "agents" des X ou Y (il y avait aussi des spartacistes - ils ont étés marginalisés à toute vitesse : ce qui compte c'est l'orientation).

Mais comment considérer qu'ils étaient "planqués" ? Nemo était au SU et ses positions étaient un décalque de celle de l'OCI. S'il était resté "planqué", il n'aurait servi à rien ou à peu près ! Mais il est aussi vrai que s'il avait commencé par des déclarations tonitruantes, l'effet aurait aussi été nul.

Du point de vue de l'OCI, ce travail a donc eu un aspect bénéfique - puisqu'il l'a renforcée. C'est ça qui compte.

La suite de l'histoire de ces militants est évidemment totalement liée à celle du PCI et de sa dégénérescence. C'est une autre question.

on peut aussi penser que ces méthodes ont autant desservis leurs auteurs que nous. Cela n'a rien a voir avec un mouvement politique de certains de nos militants vers l'oci. Apres tout, des militants de lo sont passés chez nous, l'inverse s'est aussi produit, et cela n'a rien d'une "opération" Et c'est pour cela que les coucou de montpellier, c'est profondément différent, et ca n'a rien a voir avec un désacord avec le vote chirac Maintenant, on peut ne pas avoir envie de se faire avoir une seconde fois...

Maintenant (meme si c'est pas sur le meme thread) la polémique sur les jugements d'Ivan. Personnelement j'étais loin d'une télé ces derniers temps (histoire d'échapper aux voeux de JC) donc je ne saurait porter un jugement circonstancié. Lo serait peut etre un peu plus crédible si elle n'avait pas elle meme répandue (dans ses meetings) la calomnie difusée par libération disant que la ligue avait reçu le renfort du ps pour obtenir les signatures des présidentielles (ce que les stals ont reçu avec un ricanement d'aise)
Louis
 
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Message par pelon » 02 Jan 2003, 19:50

(LouisChristianRené @ jeudi 2 janvier 2003 à 19:29 a écrit :Lo serait peut etre un peu plus crédible si elle n'avait pas elle meme répandue (dans ses meetings) la calomnie difusée par libération disant que la ligue avait reçu le renfort du ps pour obtenir les signatures des présidentielles (ce que les stals ont reçu avec un ricanement d'aise)

Je n'ai jamais entendu cela dans un meeting d'Arlette. Peux-tu dire à quel meeting nous arions dit cela ?
pelon
 
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Message par Louis » 02 Jan 2003, 21:52

je vais te dire ou ça a été répété et qui l'a dit :


A la fête de lo de cette année par l'ex dirigeant de Chausson (mais qui est toujours a la direction de lutte ouvrière) Et il n'a pas dit que ca (mais je n'ai pas "enregistré" ses paroles, et peut etre que c'est mon interprétation ) il a aussi sous entendu que nous aurions été aidé au niveau fric

d'ailleurs si tu pouvais me rappeler son blase, a ce ....
Louis
 
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Message par pelon » 02 Jan 2003, 22:05

(LouisChristianRené @ jeudi 2 janvier 2003 à 21:52 a écrit :je vais te dire ou ça a été répété et qui l'a dit :


A la fête de lo de cette année par l'ex dirigeant de Chausson (mais qui est toujours a la direction de lutte ouvrière) Et il n'a pas dit que ca (mais je n'ai pas "enregistré" ses paroles, et peut etre que c'est mon interprétation ) il a aussi sous entendu que nous aurions été aidé au niveau fric

d'ailleurs si tu pouvais me rappeler son blase, a ce ....

Ecoute, cela fait un peu tiré par les cheveux comme source.
Arlette a fait des dizaines de meetings et je ne crois pas qu'elle ait dit quelque chose de désobligeant à propos de Besancenot. Par contre la LCR (et Besancenot) ont bien repris le terme de sectaire contre LO alors qu' une campagne de la presse bourgeoise sans précédent était menée contre nous. La LCR ne pouvait ignorer dans le contexte de l'époque qu'elle apportait de l'eau au moulin de journaleux qui voulaient nous dénigrer de la manière la plus dégueulasse : nous étions des timbrés dirigés par un gourou.
Je te fais remarquer (et c'est facile à vérifier avec internet) que les plumitifs les plus haineux contre LO (Monnot du Monde et surtout Forcari de Libération que je considère comme un flic) ont écrit des articles forts positifs pour la LCR et Besancenot.
pelon
 
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Message par Louis » 02 Jan 2003, 22:43

je ne sais pas si c'est tiré par les cheveux, mais j'y était ... et je me souviens de ce qu'il a dit avec précision , au moins pour la question des signatures C'est comme tout : c'est vrai que je n'ai jamais entendu Arlette traiter la ligue d'opportunistes, ni krivine traiter lo de sectaires (au moins en public)

Mais bon, cette connerie s'est terminée rapidement



Et c'est quand meme bizarre que l'on ait pas le droit de vous traiter de sectaire alors que vous nous traitez d'opportunistes a tous les coins de forum ! Ca ne me derange d'ailleurs pas plus que ca, ca me semble faire parti du débat politique (de part et d'autres), sauf que nous ne sommes opportunistes que pour les sectaires (et vice versa va dire rojo)

quand a forcari que je ne connais pas ses propos n'engagent que lui
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Message par Louis » 02 Jan 2003, 22:51

sinon, j'ai trouvé ce propos sur lo que je vous communique : il me semble plus juste (et plus redoutable, quelque part) que les tissus d'erreurs d'aproximations, de conneries etc que déversent la presse bourgeoise

a écrit :
Les médias de gauche et Lutte Ouvrière
 

Trois candidats trotskystes se sont affrontés durant les dernières élections présidentielles. Olivier Besancenot, postier, Arlette Laguiller, retraitée du Crédit Lyonnais et Daniel Gluckstein, permanent du PT. A la lecture de la presse de gauche, on n’a pu que constater une relative indulgence pour la LCR et une grande sévérité par rapport à LO et au PT . Cette différence de traitement était-elle seulement due à l’écart qui séparait les candidats dans les sondages ? Arlette Laguiller approchant les 8-10 % était-elle une cible plus importante à dénoncer que Besancenot qui a commencé à moins d’1 % ou Gluckstein qui plafonnait à 0,6 %? Une grande partie de ce que les journalistes ont reproché à LO s’appliquait aussi à la LCR : existence d’un appareil discret, bricolages en tout genre pour récolter des fonds, présence clandestine ou semi clandestine dans les syndicats et les entreprises, etc . Mais allons plus loin : si l’on considère le programme que défendent ces deux groupes, ils sont tout aussi " subversifs ". Tous deux prônent l’insurrection armée, le renversement de l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat fondée sur les conseils ouvriers.
Il faut donc chercher ailleurs que dans le programme de ces deux organisations, la raison d’une différence de traitement dans la presse de gauche.

Prenons par exemple le cas de l’enterrement de Pierre Bois, dirigeant de la grève Renault en 1947 et vieux militant ouvrier de LO. A cette occasion, Libération du 20 mars 2002 titre " Arlette ment " sur toute la largeur de la page. On s’attend à de graves révélations et l’on découvre que ce qui a provoqué la colère de C. Forcari n’est qu’une peccadille : LO a donné de fausses informations sur le jour, ou l’heure, de l’enterrement pour que le cimetière ne soit pas envahi par les photographes. Le " spécialiste " de Libération explique que LO a menti pour que l’on ne prenne pas de photos de Hardy. On nage en plein roman…

Désireux de gonfler sa baudruche, Forcari reprend à son compte la thèse que François Koch a lancée dans son livre La vraie nature d’Arlette en 1999 : les RG ne disposeraient d’aucun renseignement sur Hardy et la plupart des dirigeants de LO. On a du mal à croire que les RG n’aient jamais envoyé de sous-marins à LO, ne serait-ce qu’à titre de sympathisants. Et tout informateur infiltré peut repérer très vite qui dirige et qui prend la parole dans les réunions internes, à la fête, dans les meetings publics, dans les caravanes, etc. A partir de là, ce n’est plus qu’une question de filature : avec les moyens sophistiqués actuels, ce n’est pas vraiment un problème d’écouter les conversations à distance, de poser des micros, de suivre les voitures des responsables et d’en tirer les conclusions.

Mais admettons un instant (ce qui me semble invraisemblable) que les RG ne possèdent guère de renseignements sur LO. Ne serait-ce pas tout simplement parce que ces messieurs jugent que ce groupe n’est guère dangereux pour l’ordre public en ce moment ? En quoi les militants de LO menacent-ils l’Etat ? Leurs activités syndicales et électorales sont d’un légalisme absolu. Ils ne fabriquent ni armes, ni faux papiers, leur service d’ordre ne s’attaque jamais à aucune ambassade ni à d’autres groupes politiques, et ils ne participent presque jamais à des manifestations interdites.

Pourtant, après avoir accusé Arlette de mensonge sans en apporter vraiment la preuve, Libération du 4 avril 2002 en remet une louche en publiant un article des frères Cohn-Bendit (" Arlette n’est pas une sainte "): le sous-titre, subtilement diffamatoire, affirme que LO est " subventionné par des entreprises capitalistes ". On s’attend à des révélations fracassantes. En fait, on découvre qu’il s’agit de trois petites entreprises de formation contrôlées par LO, et non d’un ou de plusieurs grands trusts pharmaceutiques, comme pouvaient le laisser supposer les rumeurs qui circulent depuis trois ans sur le financement de LO. Pourquoi donc une telle hargne se déchaîne-t-elle régulièrement contre Arlette Laguiller et LO ?

Les journalistes de gauche qui prétendent rendre un service à la démocratie en démasquant une " secte ", en dévoilant la véritable identité d’un prétendu " gourou ", ne seraient-ils pas mus par des considérations moins nobles ? En dehors de la volonté évidente de vendre du papier à n’importe quel prix, ne sont-ils pas tout simplement furieux de ne pas savoir comment aborder une organisation atypique qui ne joue pas le jeu des confidences et ne les respecte guère ?

D’un autre côté, pourquoi LO maintient-elle une attitude aussi rigide, voire hostile, vis-à-vis des milieux médiatiques, attitude qui, dans une certaine mesure, nuit à son image ?

A mon avis, l’image négative de LO dans les médias de gauche tient à quatre raisons : l’histoire particulière de LO ; la composition sociale du groupe ; la psychologie des militants et la difficulté que certains journalistes ont à confronter leur propre passé " gauchiste ".

Les origines historiques de LO

LO explique toujours que sa principale, sinon sa seule originalité dans le mouvement trotskyste, est sa " métholodogie organisationnelle ". Il serait trop long d’exposer ici ce qu’est cette fameuse méthodologie, fondée sur un texte intitulé le " Rapport 43 ". Disons seulement qu’à l’époque (en 1943) le petit groupe qui est à l’origine de LO aujourd’hui avait une opinion très négative sur les mœurs des organisations trotskystes qu’il ne jugeait pas assez " bolcheviques ". En effet, ces groupes étaient déchirés par d’incessantes querelles personnelles et ne déployaient pas suffisamment d’efforts pour s’implanter dans la classe ouvrière. Barta, le dirigeant de l’Union communiste, lointain ancêtre de LO, considérait qu’il fallait se montrer particulièrement exigeant avec les nouvelles recrues ou les adhérents qui ne travaillaient pas dans les usines ou les bureaux.

Quelles en sont les conséquences, soixante ans plus tard, sur le recrutement de LO ?

Une composition sociale spécifique

Les militants dits " extérieurs " ne sont en général pas issus de familles aisées (industriels, avocats, médecins, notaires) ni même des professions dites intellectuelles (universitaires, savants, écrivains, artistes). Ils sont souvent les rejetons de couches plus modestes de la petite-bourgeoisie (1) (artisans, commerçants, instituteurs, profs de lycée). Ceux issus de la grande bourgeoisie ou de l’intelligentsia médiatique ne font pas long feu à LO. Alors que tout le monde connaît des dizaines de noms d’acteurs, d’écrivains, de journalistes, d’universitaires et d’hommes politiques ayant sympathisé ou milité à la LCR ou à l’OCI, on aurait du mal à en trouver plus d’une dizaine qui soient passés par LO. De plus ils ne s’en vantent pas, fidèles en cela à une sorte d’omerta (il ne faut rien révéler aux flics et ne pas faire le jeu de la bourgeoisie), doublée parfois de la honte de s’être égaré dans une organisation qui a la réputation d’avoir des analyses simplistes et des mœurs monacales.

Les étudiants membres de LO arrêtent leurs études supérieures assez tôt (ils n’ont pas le temps de pousser jusqu’à l’agrégation ou au doctorat), ne se mêlent pas aux mouvements féministes, antiracistes, de soutien aux mouvements de libération nationale, etc. Ils ne militent pas non plus à l’UNEF et participent en pointillé aux grèves et mouvements qui agitent l’université.

Leurs possibilités d’entrer personnellement en contact avec de futurs " grands " journalistes, romanciers, universitaires, avocats ou médecins sont donc très limitées.

S’ils arrivent à terminer leurs études supérieures (passer un concours comme le CAPES est difficile, mais quand on milite en même temps à LO c’est carrément héroïque), leur temps libre est consacré à des tâches militantes, non à des relations amicales désintéressées avec des gens ayant des idées différentes et/ou une stratégie d’ascension sociale.

Ils se coupent délibérément de leur milieu social, comme les y encourage LO, sauf pour de temps en temps demander de l’argent à tel parent ou relation fortunée qui fournira ainsi (sans le savoir, le plus souvent) une cotisation exceptionnelle pour l’organisation, ou pour leur vendre des bons pour la fête.

Certes, LO entretient des liens avec certains intellectuels et artistes médiatiques. Ne serait-ce que pour la fête de Presles, l’organisation est obligée d’entretenir un minimum de relations commerciales, voire amicales avec ce que LO appelle toujours avec mépris des " petits bourgeois ". Mais les militants ne copinent pas, ne se vantent pas de leurs relations ou ne les utilisent pas pour faire carrière. En clair, ils ne font pas partie des réseaux qui mélangent amitié, relations intimes, fréquentations politiques et renvois d’ascenseur.

Cela explique sans doute d’ailleurs pourquoi LO a eu besoin, d’après F. Koch, de créer des entreprises de formation afin de placer certains de ces cadres. Si ces militants avaient appartenu aux réseaux affectifs et familiaux des classes moyennes, ils auraient sans doute su trouver un moyen plus facile et moins risqué politiquement de gagner leur vie tout en militant à temps plein.

Et cela explique aussi les rapports de méfiance réciproque qui se sont noués entre les journalistes de la presse politique et les dirigeants de LO. Ils ne viennent pas du même milieu, n’ont pas le même passé générationnel et politique.

Une psychologie et des motivations particulières

Rares sont les militants de LO qui ont dansé au Palace ou aux Bains douches, fumé de l’herbe en écoutant Jimmy Hendrix, pratiqué l’amour libre, collé un poster du Che sur le mur de leur chambre à coucher, vécu en communauté ou acheté un billet d’avion pour Katmandou. Ils n’ont pas non plus milité activement au MLAC, aux Comités Vietnam, à Act-Up, au FHAR, au MLF, au DAL, à ATTAC et dans toutes ces organisations larges qui ont toujours constitué un vivier naturel pour le milieu d’extrême gauche. Ou s’ils y ont fait un court séjour, ils en sont vite partis, absorbés par les tâches que l’organisation leur a fixées.

Ce sont le plus souvent des individus isolés, contactés grâce à la technique du " bouton de veste ", de l’accumulation lente et méthodique d’un capital militant. Ce sont très rarement des dirigeants de mouvements étudiants ou lycéens. En effet, LO n’a jamais construit son organisation à partir de campagnes politiques volontaristes sur tel ou tel thème d’actualité, national ou international, et qui auraient abouti à des vagues d’adhésions. (Une seule exception, à ma connaissance : la grève des CET et lycées techniques impulsée, avec succès, par LO en 1975.) Elle recrute ses militants un par un, patiemment, ce qui signifie que sa progression numérique a peu à de rapports avec les facteurs de politisation qui ont marqué chaque génération depuis les années 60. Et ce qui explique aussi sa différence radicale avec les groupes d’extrême gauche, son réalisme morose.

Si les sympathisants qu’elle attire ont été politisés par des événements extérieurs (que ce soit la guerre du Vietnam ou les luttes des sans-papiers), leur enthousiasme juvénile est rapidement canalisé vers une vision plus pondérée, plus froide, à très long terme, de la construction du Parti. C’est pourquoi, vus de l’extérieur, les militants de LO apparaissent si ternes. Ils ne partagent pas les grands enthousiasmes qui font vibrer chaque génération, quitte à la décevoir ensuite. Ils n’ont pas sautillé dans les manifs en criant " Ho-ho-chi-minh " pour ensuite déplorer le sort des boat people. Ils ne se sont pas enthousiasmés pour la révolution portugaise et ses commissions de travailleurs, l’Unité populaire chilienne et ses cordons industriels, le syndicat Solidarité, les manifs antimondialisation de Seattle et Gênes, etc. Le pessimisme historique radical qui les anime leur donne une aura de lucidité qui peut attirer certains jeunes mais est insupportable pour la majorité de ceux qui cherchent à vivre de grandes passions politiques. Les militants de LO " savent " à chaque fois, avant même qu’ils se déclenchent, que tous ces mouvements sont voués à l’échec… faute de l’existence d’un parti révolutionnaire.

Ce regard distant porté sur tous les mouvements, en France et à l’étranger, qui ont politisé des générations de militants depuis quarante ans, nourrit une psychologie particulière, très difficile à comprendre à la fois pour les militants des autres groupes et aussi pour les journalistes qui ont une grille de lecture assez simple de ce qu’est l’extrême gauche, compréhension liée en général à leur expérience personnelle en milieu lycéen ou estudiantin. Ils ont toutes les peines du monde à appréhender un groupe qui vit dans une autre dimension politique, à un autre rythme que toutes les autres organisations révolutionnaires, et n’a aucune intention de changer d’un iota.

Mais il y a peut-être une autre raison à leur hostilité vis-à-vis de LO.

La geste gauchiste et les médias

Les journalistes de la presse politique de gauche (E. Plenel, S. July), les auteurs qui ont retracé l’épopée de l’extrême gauche soixante-huitarde sous forme de récit historique (Hamon et Rotman), les hommes politiques passés par l’extrême gauche (Weber, Filoche, Dray, Melenchon, Cambadélis, Cohn-Bendit) ont tous un point commun : un extrême contentement de soi, tout à fait dans l’air du temps, d’ailleurs (3). Pour eux, il existerait une sorte de continuité entre leur engagement révolutionnaire d’hier et leur adhésion aux valeurs de la société d’aujourd’hui. Ils tiennent absolument à faire croire qu’ils ont grosso modo toujours pensé de la même façon, et que leur évolution politique du " camp " de la révolution à celui de la réforme du capitalisme (voire de sa gestion, comme Denis Kessler passé de la Gauche Prolétarienne au MEDEF ou Alain Geismar devenu haut fonctionnaire) est une évolution naturelle. Générations (tout est dans le titre) de Hamon et Rotman le décrit bien : à 15 ans il est normal d’être d’extrême gauche (on fait sa crise d’adolescence), à trente ans on doit passer aux choses sérieuses : voter Mitterrand et faire carrière. Et à chaque anniversaire de Mai 68, on voit revenir sur les écrans et dans les médias les Geismar, Castro, July, Weber et autres ex-gauchistes. On comprend que, chez les générations plus jeunes, cette image officielle des anciens combattants des barricades soit plutôt repoussante.

En faisant constamment référence à la lutte des classes, Arlette Laguiller tranche avec cette vision autocomplaisante que les journalistes ex-soixante huitards diffusent sur leur jeunesse et surtout sur leurs positions politiques présentes. Elle rompt le consensus qui s’est établi sur le passé de l’extrême gauche, sur l’ " apport positif " du gauchisme sur le terrain de la culture et des mœurs (féminisme, écologie), combiné avec son irréalisme irresponsable mais qui n’aurait pas eu de conséquences graves.

Et cette rupture du consensus est inacceptable pour les journalistes et commentateurs de gauche qui ont un passé politique " radical ". Ils ne peuvent reconnaître, comme par exemple la droite et l’extrême droite les en accusent, qu’ils ont apporté un soutien critique ou inconditionnel aux partis et Etats communistes ou aux mouvements de libération nationale qui ont instauré des dictatures. C’est parce qu’ils n’arrivent pas à faire un bilan sérieux de leurs engagements de jeunesse qu’ils ont besoin de travestir leur passé et de le rendre acceptable, vu la position qu’ils occupent aujourd’hui dans le champ médiatique.

En cela, l’existence de LO et de son discours qu’ils appellent avec mépris " ouvriériste ", ses références continuelles au communisme et à la révolution d’Octobre les gênent, parce qu’ils sont constamment renvoyés à des raisonnements, à une idéologie qu’ils ont eux-mêmes partagés, sans jamais en faire un inventaire honnête.

Enfin, signalons que l'attitude ferme de LO vis-à-vis du Parti socialiste, attitude qui l'amène à refuser de serrer la main aux représentants de ce courant dans les conseils régionaux comme au Parlement européen, ne peut qu'indisposer des journalistes qui depuis des années roulent pour le PS. Déjà, en 1974, Arlette Laguiller avait évoqué, au cours d'un débat face à Mitterrand, la francisque que ce dernier avait reçue sous Vichy et son fameux "L'Algérie c'est la France". Loin de nier, le premier secrétaire du PS s'était alors contenté de se déclarer "attristé" par ces arguments. Pourtant, "l'affaire de la francisque" fut redécouverte et présentée comme un scoop par la presse de gauche, presque vingt ans plus tard. Mais il est vrai qu'à ce moment-là l'information ne risquait plus de gêner les socialistes...

(1) J’emploie ici le terme de petite-bourgeoisie par facilité et parce qu’il s’agit d’un des " concepts " favoris de LO. Mais comme chacun le sait, cette notion désigne des couches sociales à géométrie variable chez Marx et ses successeurs. En réalité, il s’agit le plus souvent d’un concept fourre-tout, très péjoratif chez les militants d’extrême gauche, et bien commode pour discréditer un opposant à l’intérieur de l’organisation ou bien un groupe concurrent. En effet, si en théorie la petite-bourgeoisie est une classe qui oscille entre la bourgeoisie et le prolétariat, en pratique, dans la plupart des analyses historiques marxistes, la petite-bourgeoisie joue un rôle contre-révolutionnaire, du coup d’Etat de Napoléon III au fascisme et au nazisme, en passant, pour LO, par les dictatures du tiers monde issues des mouvements de libération nationale (Chine, Cuba, Vietnam, etc.). Pour parler clairement, petit-bourgeois, pour LO, égale contre-révolutionnaire ou au moins traître potentiel à la classe ouvrière. D’où la position très inconfortable, au sein de l’organisation, de ceux issus de cette catégorie sociale, car tout manque de dévouement, erreur ou divergence est automatiquement expliqué par son origine sociale.

Inversement, le rôle positif accordé aux " mouvements sociaux " et notamment aux mouvements étudiants depuis des années par des courants comme la LCR est sous-tendu par une analyse plus différenciée, moins déterministe, de la petite-bourgeoisie, mais évidemment plus opportuniste.
(2) A ces deux facteurs vient s’en ajouter un troisième, qui tient à la relation particulière qu’entretient LO avec ses ex-militants surtout lorsqu’ils sont issus des classes moyennes. L’alternative avec LO est toujours le " tout ou rien ", il n’y a pas de moyen terme possible, ou plus exactement supportable. Donc, lorsqu’un militant extérieur s’en va de l’organisation, même s’il est exclu pour ses divergences, il le vit très mal, il culpabilise. En effet, s’il a milité pendant plusieurs années, il a forcément intériorisé le mépris de la petite-bourgeoisie et plus généralement le mépris de tout mode de vie non-militant, que lui a inculqué LO — la " haine de soi " pour reprendre un concept utilisé dans un tout autre contexte. Le plus souvent, il cherche à disparaître dans la nature parce qu’il a du mal à affronter le regard de ses ex-camarades. Ceux-ci, encouragés parfois par l’organisation, lui tournent le dos lorsqu’ils le rencontrent, refusent de lui serrer la main, etc. De plus, lorsque les militants extérieurs quittent LO, ils n’ont plus l’occasion de revoir tous les jours d’autres camarades, tout simplement parce qu’ils ne militent pas dans leur quartier, ni dans leur milieu professionnel. Ils militent toujours dans d’autres quartiers et en direction d’entreprises très éloignées de leur domicile. La coupure avec l’organisation est donc totale, en raison même du mode de militantisme qui a cours à LO.

On comprend dans ces conditions que la LCR, aux mœurs plus souples, ait une périphérie " petite-bourgeoise " plus importante et nettement plus visible, y compris dans les milieux médiatiques.

En ce qui concerne les ex-militants ouvriers, qui en général ne quittent pas l’usine où ils travaillent, l’attitude de LO est beaucoup plus souple, ce qui explique que ceux-ci n’hésitent pas à continuer à venir à la fête, à donner des informations pour le bulletin, à acheter le journal, voire même à cotiser de temps en temps.

(3) Il est fascinant d’observer dans toutes les émissions de télévision faisant appel aux témoignages des " vrais gens " à quel point, aujourd’hui, il est fondamental pour les individus d’affirmer qu’ils s’épanouissent dans cette société. Le message que la télé transmet est simple : " Nous sommes heureux  en ce monde." En cela, les ex-gauchistes qui ont abdiqué tout sens critique pour se recycler dans les médias entrent parfaitement dans le moule et contribuent au décervelage et à la crétinisation générale.
 
 
 
 
 
 
 
 
II

Le " gourou " et la "travailleuse" ou comment Lutte Ouvrière se piège elle-même

Pour toute personne ayant assisté à la première apparition de Hardy devant une assemblée générale de militants et de sympathisants à la Mutualité en 1973, les choses étaient claires dès le départ. Avec sa franchise habituelle, le dirigeant historique de LO expliqua l’objectif de l’organisation : certes, Arlette n’était pas une intellectuelle " brillante ", qui avait l’habitude de parader dans les salons parisiens, mais elle était une camarade dont tous les militants présents pouvaient être " fiers ", une femme, une travailleuse qui offrirait une excellente image du groupe. Ainsi naquit la " porte-parole " de Lutte Ouvrière.

Les années passant, et le poids médiatique et électoral d’Arlette Laguiller augmentant, Arlette et Hardy, et tout LO avec eux, se trouvèrent prisonniers d’un mythe dont ils n’avaient sans doute pas pesé toutes les conséquences. Tous les éditoriaux du journal et des bulletins d’entreprise, tous les communiqués de presse étaient signés Arlette, alors qu’ils étaient écrits par des militants différents et réécrits collectivement, pratique parfaitement normale et qu’une organisation révolutionnaire n’a aucune raison de cacher. Après tout, les trotskystes sont pour la direction collégiale et le travail collectif, non ?

Certes, Arlette Laguiller était parfaitement capable d’écrire elle-même ces textes mais elle ne pouvait pas être partout à la fois. Rappelons qu’à l’époque, elle travaillait encore au Crédit Lyonnais et exerçait des responsabilités syndicales.

Même des dirigeants de LO connus publiquement, comme par exemple ceux qui prenaient la parole régulièrement à la Mutualité depuis des années, disparaissaient totalement derrière Arlette Laguiller au risque de laisser croire que la porte-parole était une sorte de deus ex machina. Et évidemment le jour où un journaliste découvrit qu’un des dirigeants les plus anciens de LO (Hardy) avait fondé trois entreprises de formation pour caser quelques cadres de l’organisation, et après que certains bulletins intérieurs se furent mis à circuler publiquement, le " pot-aux-roses " fut dévoilé. Il était facile de présenter Arlette comme la prétendue " potiche " de Hardy. Mais à qui la faute ?

Si cette présentation des faits est évidemment méprisante et injuste pour Arlette Laguiller, il faut bien voir que c’est Lutte Ouvrière elle-même qui s’est mise dans cette situation. Pourquoi n’a-t-elle pas expliqué dès le départ et publiquement quelle était la position d’Arlette Laguiller dans l’organisation, qui étaient les membres de la direction et comment fonctionnait exactement le groupe ?

Certes, cela n’aurait pas empêché les journalistes d’attaquer LO mais cela les aurait au moins privés de certains arguments qui font encore mouche, en l’absence de réponses crédibles.

Malheureusement pour son image, LO est empêtrée dans des contradictions insurmontables liées à ses pratiques clandestines, ou plus exactement pseudo clandestines, mais aussi à sa fidélité indéfectible au léninisme et à sa conception du marxisme.

Deux pratiques irréconciliables

Tout le monde sait que les militants de LO utilisent des pseudonymes (c’est aussi le cas à la LCR et au PT), qu’ils prennent certaines précautions pour se réunir, font attention à ce qu’ils racontent au téléphone et ne distribuent pas leurs bulletins intérieurs aux portes des facultés. Jusque-là rien de très original.

Ce qui l’est plus, c’est qu’en se présentant systématiquement à toutes les élections depuis trente ans LO a été obligé de donner des milliers de noms à l’administration, donc à la police, facilitant ainsi considérablement le travail aux RG, ou à tout plumitif désirant découvrir la véritable identité des membres de LO. Les militants se trouvent désormais dans la situation absurde où les flics ou les journalistes sont en position de mieux connaître le nom, l’adresse, la profession, la famille, voire la vie intime de leurs copains qu’eux-mêmes !

La décision politique de mener systématiquement des campagnes électorales depuis 30 ans est totalement incompatible avec des pratiques clandestines. A moins de créer deux organisations séparées comme l’ETA et Herri Batasuna en Espagne, mais LO n’en a ni le désir ni les moyens.

C’est pourquoi Arlette Laguiller, comme tout autre militant de LO, est et sera toujours mal à l’aise pour parler du fonctionnement de son organisation. Elle est constamment partagée entre les règles de la clandestinité (on ne dit rien, ou alors le strict minimum, aux flics, aux journalistes, aux parents, aux sympathisants, etc.) et celles de la vie électorale (on se présente comme un groupe ouvert, démocratique et sympa, à l’image de la fête de LO où tout le monde bouffe, discute, se distrait, danse ou écoute de la musique).

Un modèle importé des années 20

Mais il faut aller plus loin dans l’analyse. Lorsque LO envisagea pour la première fois de se présenter aux élections dans les années 70, elle fit circuler un texte de l’Internationale communiste sur l’agitation révolutionnaire dans les municipalités. Ce texte correspondait à une période, le début des années 20, où les partis communistes étaient dans une dynamique d’affrontement avec les différents Etats européens. Les PC pensaient — sans doute à tort — pouvoir renverser le capitalisme à court terme, mais c’étaient des partis regroupant des dizaines, voire des centaines de milliers de membres, et non des groupuscules.

En décidant de copier cette stratégie un demi-siècle plus tard et dans des circonstances totalement différentes, LO se condamne à l’impuissance. Comme en témoignent ses interventions dans les conseils généraux, elle se livre à un travail, certes utile, de dénonciation des subventions votées aux patrons, des compromissions de la gauche plurielle au sein de ces institutions et se fait le porte-voix des grèves qui se déclenchent dans les circonscriptions concernées. Mais l’action de LO s’arrête au niveau de la propagande : conseillers municipaux et députés européens n’ont qu’une seule perspective, attendre que les travailleurs se réveillent et qu’une grève générale avec occupation d’usines se déclenche. Historiquement, le mouvement ouvrier français dans ses débuts a déjà connu une situation un peu semblable, entre 1882 et 1905, avec les députés guesdistes du POF (Parti ouvrier de France) qui avaient une attitude verbale très agressive à la Chambre des députés et militaient dans la CGT à l’échelle locale. Mais à terme, ce type de radicalisme ne peut que disparaître, soit parce que les électeurs se lassent, soit parce que le parti en question adopte des positions plus modérées et s’intègre dans le système.

LO et le " nouveau Parti communiste "

Lorsque la presse brocarde les propos d’Arlette sur le " grand parti des travailleurs ", elle passe complètement à côté du problème. LO ne croit pas une seconde que 30 à 40 000 électeurs vont venir la rejoindre après les présidentielles, qu’elle aura plus de 3 millions de voix ou qu’une fraction du PC va lui tendre la main. C’est bien mal connaître LO que de penser que ce groupe pourrait tomber dans le crétinisme électoral ou les illusions sur des tendances de gauche du PC. Toutes ses analyses politiques, toute sa tradition s’y opposent. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, LO n’a pas d’autre stratégie politique que l’accumulation d’un capital militant par ses propres moyens. De la même façon, en 1968, elle avait agité quelque temps l’idée d’un grand parti rassemblant les révolutionnaires (pas seulement les trotskystes), puis entamé des négociations assez longues avec la Ligue, mais rien dans sa culture politique ne l’y préparait. Avec le recul, on peut se demander s’il ne s’agissait pas d’un rideau de fumée pour masquer son désarroi face à une situation riche en possibilités… qu’elle ne voulait pas exploiter.

Curieusement les membres de la " Voix des Travailleurs ", exclus de LO en 1997 à Rouen et Bordeaux, et qui menèrent quelque temps une existence indépendante avant de rejoindre la LCR en l’an 2000, ne l’avaient pas compris non plus, trente ans après Mai 68. Tout comme les journalistes, ils prirent au sérieux le " Plan d’urgence " élaboré par LO pour les élections de 1995 et l’idée d’un " grand parti des travailleurs ". Ils s’étonnent, dans une brochure écrite en mars 1997, que la direction de LO " n’y avait même en fait jamais cru 1 " (au parti des travailleurs) et ait lancé le Plan d’urgence tout en pensant : " On le fait mais on n’y croit pas 1. " De même, ils pensaient (en 1997 !) que LO était ouverte " à la collaboration avec les autres tendances trotksystes 1". Un tel manque de lucidité laisse pantois mais confirme une vieille loi de la politique : les partis ne sont pas les seuls responsables des illusions que leurs électeurs ou leurs militants entretiennent à leur égard.

Le succès électoral actuel d’Arlette Laguiller met LO, toutes proportions gardées, dans la même situation qu’après Mai 68. LO voit que sa présence systématique aux élections a fini par lui rapporter un petit capital de sympathie et de popularité, mais elle ne sait pas quoi en faire, vu les limites qu’elle s’est elle-même fixées.

Son conservatisme organisationnel la paralyse. Son attachement à sa " méthodologie organisationnelle " (au bolchevisme à la sauce LO) la rend incapable d’élaborer une stratégie novatrice sur le plan politique. Autant, sur le terrain des entreprises, elle sait participer à (ou impulser) des rassemblements unitaires, syndicaux ou extra-syndicaux, autant sur le terrain politique, elle s’y refuse. Ses dirigeants s’interdisent de définir une autre politique, par peur d’être " contaminés ", " détruits " par le milieu " petit-bourgeois " et " gauchiste ". Cette peur panique de nager dans des eaux inconnues paralyse et désarme les militants de LO face à leurs succès électoraux.

Au grand écart permanent qu’est sans cesse obligé de faire LO pour justifier et mener à bien deux pratiques inconciliables2, la clandestinité et l’activité électorale, s’ajoute un handicap supplémentaire : son farouche attachement au léninisme.

La division du travail au sein de l’organisation

L’opposition que dresse la presse entre Arlette, la travailleuse, et Hardy, l’homme de l’appareil, n’est pas tout à fait fausse, même si elle est caricaturale.

LO, comme tous les groupes léninistes, se veut une organisation de " révolutionnaires professionnels ". Or, dans une telle organisation, si tous sont en principe révolutionnaires, certains sont plus " professionnels " que d’autres. Et ce ne sont pas les militants qui travaillent en usine ou dans les bureaux pour une raison bien simple : ils ne peuvent consacrer qu’un temps limité à l’activité politique car l’essentiel de leur énergie est accaparé par leur… patron.

LO exerce une énorme pression sur ses militants " extérieurs " : elle s’assure ainsi de leur dévouement mais veille aussi à ce qu’ils ne fassent pas carrière dans la société bourgeoise. Néanmoins, leur élévation dans la hiérarchie, grâce aux sacrifices qu’ils font pour la Cause, leur donne un grand pouvoir interne. Et c’est là peut-être que LO, comme tous les groupes léninistes, manque sincèrement d’imagination pour remettre en cause, en son sein, les conséquences de la division du travail capitaliste.

Certes, les militants ouvriers de LO ont une culture politique solide, ils ont lu, assimilé et discuté les classiques du marxisme, mais l’organisation utilise leurs connaissances uniquement sur le plan syndical. Elle n’essaie pas de leur faire écrire des articles sur des films, des romans ou des sujets de société ; elle ne profite pas des périodes de chômage des militants pour organiser des stages de formation accélérée, permettant aux ouvriers et employés de l’organisation de pouvoir donner des cours d’histoire du mouvement ouvrier, d’écrire des articles dans le journal ou dans la revue Lutte de classe sur toutes sortes de sujets, etc. Elle ne les envoie pas dans des conférences internationales pour qu’ils rencontrent d’autres militants ouvriers ou non. Elle ne pratique pas la rotation des tâches qu’elle prône comme modèle dans la future révolution socialiste. Le journal n’est pas pris en charge à tour de rôle par les sections de différentes villes de France, comme le font certaines publications libertaires ; l’éditorial des bulletins d’entreprise est rédigé centralement, même si cela n’a pas toujours été le cas, etc.

L’excès de centralisme aboutit à des situations caricaturales, comme le rapporte Le Monde du 5/4/2002 : lorsque les journalistes veulent savoir pourquoi les députés de LO au Parlement européen ont voté contre un amendement proposant de maintenir un monopole dans le secteur de l’électricité, Chantal Cauquil répond qu’il faut attendre qu’Arlette rentre de sa campagne présidentielle... Si l’anecdote est exacte, elle montre bien le manque d’autonomie politique minimum des représentants de l’organisation.

LO reproduit une division finalement assez classique : aux ouvriers, le syndicalisme, la rédaction des échos d’entreprise et des articles du journal consacrés aux conflits sociaux ; aux " extérieurs " les tâches techniques (frappe, impression et diffusion des bulletins, secrétariat, collage d’affiches) et politiques (articles, cours de formation, contacts et discussions avec d’autres organisations), etc.

Ce manque d’audace est d’autant plus étonnant pour une organisation qui parle constamment des " travailleurs " et de la classe ouvrière. Non que la tâche soit facile, mais force est de constater que LO ne se pose pas le problème ou en tout cas ne s’y attèle pas sérieusement. Il est vrai que LO, comme tous les groupes trotskystes, défend un patrimoine politique où la démocratie ouvrière n’est guère à l’honneur, quoi qu’elle en dise. Trotsky oublia et renia de fait ce qu’il avait écrit dans Nos tâches politiques et Rapport sur la délégation sibérienne, quand il rejoignit le parti bolchevik en 1917. Et lorsqu’il fut expulsé d’URSS il ne revint jamais sur la mise à l’écart des conseils d’usines au profit des soviets locaux, la militarisation des syndicats, la répression contre les autres tendances du mouvement ouvrier pendant les premières années de la révolution russe. Mais ces contradictions dans leur héritage politique, les militants de LO ne les voient pas ou les écartent d’un revers de la main. Et ils sont persuadés de défendre un modèle de révolution extrêmement démocratique.

Force est néanmoins de constater qu’il existe une contradiction flagrante entre le fonctionnement interne de LO (la division des tâches entre militants " de boîte " et militants " extérieurs ", une organisation très hiérarchisée) et son modèle idéalisé de révolution (la démocratie ouvrière, la suppression de la division du travail). Cela ne lui donne guère les moyens de parler librement de son fonctionnement interne. Et LO est terriblement gênée chaque fois que des militants sont exclus et que des bulletins intérieurs circulent sur la place publique, car cela dévoile un fonctionnement à la fois peu démocratique et peu conforme à l’idéal proclamé.

La situation inextricable de LO est encore aggravée par un autre paramètre : son rapport au marxisme.

Un marxisme momifié

LO entretient un véritable culte des intellectuels marxistes fondateurs (Marx, Engels, Lénine, Plekhanov, Luxembourg et Trotsky) qu’elle pare de toutes les vertus, afin de mieux les opposer aux intellectuels marxistes qui les ont suivis.

De manière caricaturale, elle affirme ainsi que " l’intelligentsia a été le vecteur principal de la dégénérescence des organisations ouvrières " et que " dans les années trente la dégénérescence stalinienne des différents partis communistes n’a pas dû grand-chose à l’intégration d’une couche d’ouvriers (…) mais beaucoup à la trahison des intellectuels, voire à leur intégration dans la société 3" .

Pourquoi LO démonise-t-elle ainsi les intellectuels, en général, et les charge-t-elle d’une culpabilité historique démesurée ? Quel est son objectif lorsqu’elle " tord le bâton " dans un sens et caricature ainsi ses propres positions ? Evidemment pas de fournir une explication solide de ce qu’il est convenu d’appeler la contre-révolution stalinienne ou les périodes de reflux du mouvement ouvrier. Non, il s’agit seulement d’un raisonnement à usage interne.

En effet, ces accusations lui permettent d’ignorer ou de dévaloriser les contributions de tous les intellectuels marxistes critiques depuis les années 20. L’opposition constante entre les bons intellectuels du passé (grosso modo jusque dans les années 20) et les méchants intellectuels du présent (depuis 80 ans !) contribue à figer tous les militants dans un respect figé, à les infantiliser vis-à-vis d’un passé glorieux et mythique. En effet, qui sont-ils auprès des géants qu’étaient leurs ancêtres, ceux qui ont vécu et combattu durant la période ascendante du mouvement ouvrier ? Ce procédé bloque toute réflexion politique nouvelle au sein du groupe, toute remise en cause possible des écrits des pères fondateurs, et rend impossible tout approfondissement théorique. Et cette technique permet enfin d’assurer la domination intellectuelle d’une minorité de dirigeants sur la masse des militants.

Précisons tout de même : la formation politique de LO est relativement variée, tant au niveau des romans que des livres théoriques qu’elle fait lire à ses sympathisants. Et personne n’interdit aux militants de lire d’autres livres que ceux de la liste obligatoire. Mais comme les discussions sont strictement cantonnées à un dialogue en tête à tête autour d’un livre, le hasard joue un rôle démesuré dans le processus de formation. Le jeune sympathisant qui est pris en " liaison " (formé) par un militant à l’esprit curieux, un peu hétérodoxe, aura la chance de voir ses horizons s’ouvrir. Mais s’il tombe sur quelqu’un qui ne sait que lui répéter ce qu’il vient de lire, son sens critique ne s’affinera guère. C’est là que la discussion politique collective devrait jouer un rôle essentiel de formation. Ce devrait être, par exemple, le rôle d’une revue théorique révolutionnaire que de critiquer les théories " bourgeoises " qui modèlent la pensée des classes dominantes. Ou tout simplement les autres visions du monde, de l’évolution de l’humanité. Car après tout, pourquoi rassembler dans un même groupe des centaines d’hommes et de femmes, si ce n’est pour mettre leurs savoirs en commun et à partir de là progresser ensemble ? Mais LO a tellement peur que la discussion lui échappe, parte dans tous les sens, qu’elle préfère que ses militants gardent leurs connaissances pour eux, n’en fassent qu’un usage clandestin, privé. Un comble pour une organisation qui se réclame du collectivisme !

LO a publié un recueil de témoignages de sympathisants et militants intitulé Paroles de prolétaires. En soi, l’idée était bonne : montrer que la classe ouvrière existe toujours et qu’elle continue à subir des conditions de travail très dures, qui aboutissent à une usure physique et psychique intolérable, sans compter les maladies professionnelles, les accidents du travail, etc. Mais il est sidérant qu’avec un capital aussi riche en militants, dans tous les secteurs d’activité, LO se soit refusé à développer une réflexion plus générale sur les changements apportés par l’informatique et l’automation dans l’organisation du travail, l’évolution de la hiérarchie, le travail intérimaire, le travail posté, etc., afin de mieux définir et comprendre le capitalisme français aujourd’hui. LO possède l’implantation nécessaire, l’expérience syndicale et politique, les moyens intellectuels et militants, et elle se contente d’aligner des témoignages. Pourquoi craint-elle tant de passer du particulier au général, de faire travailler ensemble militants ouvriers et extérieurs pour réfléchir collectivement, et dépasser la simple description du quotidien subi à l’usine, à l’hôpital ou sur les chantiers ? Une telle peur ne s’explique que par une conception de l’organisation et de la théorie révolutionnaire extrêmement étriquée.

Science petite-bourgeoise et science prolétarienne

Pour mieux faire comprendre la position de LO, il faut la caricaturer. En fait, c’est un peu comme si LO reprenait à son compte la division, de triste mémoire, entre science bourgeoise (dans le cas de LO : petite-bourgeoise) et science prolétarienne.

La science prolétarienne, ce serait, grosso modo, celle des marxistes jusqu’à la mort de Trotsky en 1940 (mais en excluant tous les marxistes non orthodoxes, comme Bordiga, Lukacs, Pannekoek, Otto Rühle, Otto Bauer, Wilhelm Reich et bien d’autres). Et cette science serait un bloc compact, indiscutable, valable jusqu’à ce que, tel le Messie revenant sur terre, un ou des intellectuels modestes et sincères se mettent au service du prolétariat et fassent avancer la théorie révolutionnaire.

La science petite-bourgeoise, d’un autre côté, ce serait tous les marxistes depuis 1940 (voire avant), et évidemment tous les intellectuels non marxistes, dans toutes les sciences humaines depuis presque un siècle. Même une discipline comme la psychanalyse, qui intéressait fort Trotsky, et aux services desquels il a eu recours pour l’une de ses filles, n’est pas prise en compte par LO. Ne parlons pas de la sociologie, de la science politique, de l’ethnologie, de l’anthropologie, etc.

La modestie : une arme à usage interne

Mais LO utilise aussi un autre argument que celui de la " trahison des intellectuels " : lorsqu’elle se refuse à développer son capital théorique, elle le fait au nom de la modestie. Cette modestie contraste d’ailleurs étrangement avec ses certitudes affichées publiquement dans presque tous les domaines et sur presque tous les sujets, et les leçons qu’elle donne à tous les autres groupes et partis. De plus, il est étonnant qu’un groupuscule qui prétend contribuer à sauver l’humanité de la barbarie, préparer une révolution mondiale, puisse se donner des airs modestes, vu les dimensions planétaires de son projet. Quoi qu’il en soit, ce thème de la modestie, de l’humilité, est essentiel pour comprendre le fonctionnement interne de LO.

Tout individu qui critique ne serait-ce qu’un point de détail est remis à sa place au nom de la modestie ou poussé à définir sur-le-champ un contre-programme complet. Et s’il s’entête à poser des questions, à ruer dans les brancards, on le présente comme un petit bourgeois prétentieux ou carriériste, ou tout simplement un emmerdeur. Il faut avoir une force de caractère peu commune, posséder déjà une personnalité affirmée avant d’intégrer l’organisation, pour rompre avec un tel endoctrinement. Et c’est en partie pourquoi il y a si peu de tendances, de fractions ou de scissions politiques à LO.

Lorqu’on lit les bulletins intérieurs publiés par la " Voix des Travailleurs ", le niveau de la discussion entre le dernier groupe de militants exclus de LO en 1997 et la direction est consternant. Pendant des pages et des pages, les protagonistes se plaignent du peu de substance du débat, mais curieusement elles n’arrivent pas à en déterminer les causes. Alors, exaspérée, la direction se livre à des attaques personnelles et la minorité se plaint de la méchanceté de la direction. Mais aucun des protagonistes ne se rend compte que la médiocrité de la discussion tient au piètre statut de la théorie et de la discussion politique au sein de l’organisation — statut dont ils sont tous les deux responsables.

L’organisation coopte des militants qui ont intégré dans leur personnalité, dans leur subconscient, l’idée qu’ils sont insignifiants par rapport à des géants comme Marx, Trotsky ou Lénine, ce qui semble assez évident, mais aussi par rapport à ceux qui les dirigent, ce qui est déjà plus contestable. Accordons à LO que cela part d’une nécessité élémentaire : une organisation ne peut rediscuter ses bases théoriques chaque fois qu’elle recrute un nouvel adhérent, aussi intelligent ou cultivé soit-il. Une organisation révolutionnaire sert à agir, pas seulement à discuter, bien sûr. Mais une organisation vivante et efficace n’est elle pas aussi une organisation qui sait préparer la relève de ses " cadres " ? Et une telle relève est-elle possible sans laisser une chance aux plus jeunes et aux moins expérimentés ? De plus, la réflexion théorique et l’action sont censées s’enrichir mutuellement, et non être en perpétuelle opposition, comme c’est le cas à LO.

Son fonctionnement rigide fait de LO une organisation très conformiste sur le plan intellectuel et politique, dont la vie n’est jamais rythmée par des discussions politiques ou théoriques significatives. Et quand ces discussions éclatent, c’est toujours dans un climat général d’exaspération et de suspicion qui vise à faire taire au plus vite les dissidents, et à retourner rapidement " au boulot ".

Plan média et dogmatisme : une contradiction insoluble

Un tel conformisme ne fait pas bon ménage avec un " plan média " efficace pour diffuser une image positive de LO et d’Arlette Laguiller. Là encore, LO est prise dans une contradiction insoluble : elle veut à la fois se présenter comme une organisation vivante, ouverte, mais elle s’empêche elle-même toute innovation théorique d’envergure.

Nuançons tout de même la critique. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte en ce qui concerne l’analyse des démocraties populaires, de la Chine, de Cuba, et des mouvements de libération nationale, où LO a " innové " en s’inspirant, mais sans le reconnaître officiellement, des analyses des courants dits " capitalistes d’Etat ". Il suffit de lire les textes de Socialisme ou Barbarie des années 50 et 60 sur ces questions et de les comparer avec ceux de LO. Cela explique en partie pourquoi cette question a déjà provoqué plusieurs fois des conflits au sein de l’organisation, car le socle théorique de LO repose sur des contradictions explosives et insolubles.

D’autre part, il faut reconnaître que contrairement aux " lambertistes " du PT, LO n’a jamais considéré que les " forces productives " avaient " cessé de croître ", comme l’affirme le Programme de transition rédigé par Trotsky en 1938. Mais cette révision du programme a été effectuée de manière clandestine par LO, sans la moindre explication politique publique, sans la moindre réflexion autonome. En effet, reconnaître une telle " révision " du programme trotskyste (qui n’est pas bénigne puisqu’elle touche aux capacités d’évolution du capitalisme) pourrait suggérer à certains militants que, si Lev Davidovitch a pu se tromper sur un problème aussi important, il s’est peut-être fourvoyé sur d’autres questions...

Dans le même ordre d’idées, les militants de LO lisent le Traité d’économie marxiste d’Ernest Mandel, mais jamais LO n’en a fait la critique, en soulignant ses points d’accord et de désaccord avec le théoricien le plus important de la Quatrième Internationale. Pourtant, il est difficile de nier que les idées avancées dans ce livre ait des conséquences politiques importantes.

Tant que LO ne s’aventurait pas sous le feu des projecteurs, une telle frilosité, un tel conservatisme idéologique n’avaient aucune conséquence pour son image de marque. Dans le grand public, personne ne connaissait les textes des quelques individus qui quittaient LO ou en étaient exclus.

Maintenant qu’elle a choisi de s’exposer régulièrement sur le terrain électoral, qu’elle a des conseillers municipaux et des députés européens, LO doit rendre des comptes à des journalistes qui ne sont absolument pas impressionnés par le dévouement de ses militants, le nombre de ses bulletins d’entreprise ou l’efficacité de sa stratégie syndicale. Et qui font feu de tout bois pour la discréditer par tous les moyens, quitte à puiser des anecdotes croustillantes dans les bulletins intérieurs, ou dans les interviews des ex de LO pour disqualifier Arlette Laguiller.

Face à ce tir de barrage, il ne suffit pas de jouer les victimes de la phallocratie (4), de la vénalité ou du manque d’éthique des journalistes en quête de sensationnel.

Un défi à relever

Depuis la création de l’Opposition de gauche, dans les années 20, et son expulsion des partis communistes, le courant trotskyste, n’a jamais pu, dans aucun pays, constituer un parti de masse. Pendant des décennies, les trotskystes ont invoqué des " conditions objectives " qui n’étaient pas mûres, la répression dont ils étaient victimes, l’emprise des sociaux-démocrates et des staliniens sur la classe ouvrière, etc. Même si l’explication qu’ils fournissent pour rendre compte de leurs échecs n’est guère satisfaisante, force est de reconnaître qu’ils militaient dans des situations extrêmement difficiles. Depuis la disparition de l’URSS et des démocraties populaires, les partis communistes européens sont en pleine crise comme le montre, entre autres, le score de Robert Hue aux élections présidentielles. Quant aux partis sociaux-démocrates, il y a belle lurette qu’ils ont perdu leur base ouvrière militante. Une occasion s’ouvre donc peut-être aux groupes révolutionnaires, et notamment aux trotskystes, de démontrer la validité de leur projet dans des circonstances incomparablement plus favorables, au sein des pays capitalistes développés.

Face à ce défi, on voit difficilement comment LO, tout comme les autres groupes d’extrême gauche, pourrait sortir de son état groupusculaire sans s’imposer des révisions déchirantes. Mais veulent-ils vraiment sortir de leur isolement et s’atteler à une remise en cause radicale ? Il est à craindre que le conservatisme et le dogmatisme l’emporteront, aussi suicidaires soient-ils pour ces tendances.

Citation extraite de la brochure " Fausses raisons d’une exclusion ", publiée en mars 1997 par le groupe VdT.
(2) A ce propos, signalons une anecdote cocasse : F. Koch a découvert que LO contrôlait 3 entreprises de formation de visiteurs médicaux parce que le siège de ces 3 sociétés servait également de permanence électorale à LO. Comme quoi LO n’est pas vraiment une organisation clandestine, car n’importe quel amateur sait qu’il faut cloisonner les structures.
(3) " Fausses raisons d’une exclusion ", op. cit.
(4) Signalons que cette hostilité personnelle contre Arlette Laguiller en tant que femme, n’est pas seulement le lot de journalistes de la grande presse (masculins et féminins d’ailleurs), elle est aussi partagée par certains libertaires, comme en témoigne par exemple le site a contre courant.org qui se montre particulièrement répugnant à l’égard de la porte-parole de LO. Dans une tribune libre de Libération du 26 avril 2002, sous le titre " Jean-Marie et Arlette, le couple modèle ", le cinéaste Gérard Mordillat s’est lui aussi livré à toute une série d’allusions sexuelles à propos de Le Pen et Laguiller (" on se retrouve en secret pour s’étreindre ", " tandis que son chéri se charge du nettoyage ethnique "), etc. Sous prétexte d’écrire un billet d’humour en se servant d’une comparaison avec le Père et la Mère Ubu, il dévoile toute sa haine personnelle contre Arlette et nous ressert une nouvelle version du tristement célèbre " hitléro-trotskysme ", tout en prétendant de façon mensongère et diffamatoire que LO serait pour l’expulsion des étrangers de France et ne s’intéresserait qu’aux Français !!!

Louis
 
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Message par pelon » 02 Jan 2003, 22:56

(LouisChristianRené @ jeudi 2 janvier 2003 à 22:43 a écrit :je ne sais pas si c'est tiré par les cheveux, mais j'y était ... et je me souviens de ce qu'il a dit avec précision , au moins pour la question des signatures C'est comme tout : c'est vrai que je n'ai jamais entendu Arlette traiter la ligue d'opportunistes, ni krivine traiter lo de sectaires (au moins en public)

Mais bon, cette connerie s'est terminée rapidement



Et c'est quand meme bizarre que l'on ait pas le droit de vous traiter de sectaire alors que vous nous traitez d'opportunistes a tous les coins de forum ! Ca ne me derange d'ailleurs pas plus que ca, ca me semble faire parti du débat politique (de part et d'autres), sauf que nous ne sommes opportunistes que pour les sectaires (et vice versa va dire rojo)

quand a forcari que je ne connais pas ses propos n'engagent que lui

Le mot sectaire est très utilisé à l'EG qui semble avoir peu de mots dans son glossaire et nous sommes habitués d'entendre les organisations dudule et théodule l'utiliser depuis des décennies sans que cela ne nous dérange beaucoup.
Il est étonnant que tu feignes d'ignorer ce que nous reprochons à la LCR dans le contexte d'une attaque de la presse bourgeoise contre notre organisation. "Sectaire" n'était pas utilisé dans le sens politique habituel de l'EG et la LCR ne pouvait pas l'ignorer à moins qu'elle ne lise pas la presse.
Nous étions considérés comme des barjots, genre secte moon. Fais-tu semblant de ne pas comprendre ?
Faut-il que l'on te retrouver les articles ?
pelon
 
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Message par Louis » 02 Jan 2003, 23:03

autant je te suis quand tu pense (justement) que ton orga est victime d'une attaque de la presse bourgeoise et qu'il faut réagir solidairement (et contrairement a ce que tu as dit, nous l'avons fait) autant tu me permettra de ne pas souscrire a une façon de présenter les choses qui vous excluerais de fait de toute critique de notre part. Apres tout, nous somme régulièrement accusé de ne vouloir garder notre coté "révollutionnaire" que de façon totalement imprécatrice ou pour faire chier lo As tu protesté contre ces plumitifs bourgeois qui traitent la ligue d'opportunisme ?
Louis
 
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