(Mariategui @ mercredi 14 avril 2004 à 22:12 a écrit :Donc, c'est beaucoup plus une question d'intervention politique des révolutionnaires que de formules creuses et mécaniques et je suis étonné de voir des propos aussi profondément anti-léninistes dans ce forum (car, que je sache, Lénine a été plutot a la pointe du combat pour la libération des peuples aussi, et nous sommes toujours dans la phase dite de l'imperárialisme, non?).
Si Lénine défend effectivement le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il affirme aussi dans « La question nationale dans notre programme », (Iskra n°44, 15 juillet 1903 ; publié dans V. Lénine, « L’internationalisme prolétarien », Editions du progrès, Moscou 1968) que :
« la reconnaissance inconditionnelle de la lutte pour la liberté d’autodétermination ne nous oblige pas du tout à soutenir n’importe quelle revendication d’autodétermination nationale. La social-démocratie, en tant que parti du prolétariat, se donne pour tâche positive et principale de coopérer à la libre détermination non pas des peuples et des nations, mais du prolétariat de chaque nationalité. Nous devons toujours et inconditionnellement tendre à l’union la plus étroite du prolétariat de toutes les nationalités, et c’est seulement dans des cas particuliers, exceptionnels, que nous pouvons exposer et soutenir activement des revendications tendant à la création d’un nouvel Etat de classe ou au remplacement de l’unité politique totale de l’Etat par une union fédérale plus lâche ».
Et pour bien se faire comprendre, il ajoute dans le même texte : « Est-ce que le droit à l’autodétermination des nations exige vraiment le soutien de n’importe quelle revendication d’autodétermination émanant de n’importe quelle nation ? La reconnaissance du droit pour tous les citoyens d’organiser des associations libres ne nous oblige nullement, nous, social-démocrates, à soutenir la formation de n’importe quelle association nouvelle, elle ne nous empêche nullement de nous prononcer et de faire de la propagande contre telle organisation, si l’idée en est inopportune et déraisonnable ».
Bref, se réclamer de Lénine n'implique pas d'agiter n'importe quel chiffon nationaliste au nom de la "libération du peuple opprimé".
Et pour ce qui est du Pays Basque, l'ensemble du Pays basque (espagnol et français) compte une population de 2,9 millions d'habitants dont environ 700 000 bascophones (25 % de la population totale). En clair, lorsqu'on parle de "mouvement de masse" nationaliste au Pays Basque, il ne faut pas perdre de vue que les bascophones ne sont qu'une forte minorité dans cette région du monde, et il me semble que les révolutionnaires doivent s'adresser, non pas aux seuls Basques, mais à l'ensemble des travailleurs (basques, français, espagnols, marocains...) de la région, ce qui implique une intervention sur les questions de classe et pas sur des revendications nationalistes-indépendantistes.
Et pour la Corse, si 60% des habitants de l'île sont corsophones, on peut aussi ajouter qu'à Bonifacio, ce n'est pas le corse qui est la langue locale, mais le bonifacien, langue très proche du dialecte génois. Aussi la Corse indépendante donnera-t-elle un statut de région autonome à Bonifacio ? Ou faut-il dès aujourd'hui, au nom de la "solidarité avec les peuples opprimés", se battre pour l'indépendance de Bonaficio contre le "colonialisme corse" ?
Et pour ce qui est du projet de Mariategui d'une Corse "indépendante et socialiste"... j'avoue avoir du mal à comprendre. Alors que le "socialisme dans un seul pays" n'était pas possible dans un sixième du monde, on pourrait espérer un "socialisme dans une seule petite île" ?
Franchement, alors que dans nos quartiers, on peut entendre parler l'arabe, le créole, des langues africaines, le serbo-croate, le turc, le russe, des langues caucasiennes, l'espagnol et le portugais, et même un peu de chinois et de vietnamien, que nous travaillons et luttons avec des collègues et des camarades originaires des quatre coins du monde, j'ai vraiment du mal à comprendre que l'on puisse mettre en avant des revendications micro-nationalistes !
Et surtout je voudrais comprendre : en quoi il y a-t-il une "avancée", un "progrès", si demain on reçoit des lettres de licenciement en corse à Ajacio ou qu'à Biaritz on annonce aux chômeurs qu'ils sont radiés des ASSEDIC en basque ?