Parce que les travaillers bougent aussi:
Un article d'Imprecor N°489-490:
a écrit :Irak
Les ouvriers de la Southern Oil Company ont gagné
Par Ewa Jasiewicz*
Bassora, le 29 janvier 2004. Après trois mois de lutte, soutenue par la menace d’une grève armée, les ouvriers de la Southern Oil Company (SOC) ont obtenu une augmentation des salaires. Tous les travailleurs du pétrole en Irak seront dorénavant payés en fonction de la grille des salaires négociée à la SOC. L’unité et le soutien apportés par les ouvriers de la branche des champs pétrolifères du centre et du nord à Kirkuk, Baaji et à Daurra de Bagdad furent essentiels pour cette victoire. De plus, l’Autorité provisoire d’occupation et le Conseil du gouvernement sont très dépendants de la production et de l’exportation de la SOC, la plus grande et la plus rentable entreprise pétrolière en Irak, du fait des attaques continuelles contre les stations de pompage et les oléoducs permettant d’acheminer la production des champs pétrolifères du Nord. Les seules entreprises qui exportent jusqu’à maintenant le pétrole brut irakien sont la SOC et la Basra Oil Company.
En décembre, les représentants du syndicat ont dit à Occupation Watch qu’ils avaient expliqué depuis un mois aux travailleurs que seule la grève pouvait leur permettre d’assurer leurs salaires. Lorsque les ouvriers de la SOC se sont rendus compte que leurs salaires étaient fixés par l’Autorité d’occupation (AO), comme le prouvait l’ordre n° 30 sur les conditions d’emploi des employés publics, signé par Paul Bremer, et que de plus ces salaires étaient inférieurs à l’allocation d’urgence versée par l’occupant après l’effondrement du régime Saddam, ils ont décidé d’établir leur propre grille de salaires fondée sur les prix du marché en y incluant les prix du fuel, du gaz, les loyers, les produits alimentaires, les frais de transport et en tenant compte du niveau du risque. La grille de salaires de l’OA était fondée pour sa part sur les prix de l’ancien régime. Dans toutes les entreprises visitées par Occupation Watch les travailleurs se plaignaient de leurs salaires bas, payés en retard et fluctuants et de la suppression de toutes les allocations de survie qui leur avaient permis de survivre sous l’ancien régime.
La grille établie par le syndicat de la SOC réclamait que le salaire minimum pour un ouvrier du pétrole soit établi à 155 000 dinars irakiens (110 dollars) par mois, soit plus du double des 69 000 dinars fixés par l’occupant. La grille de la SOC supprimait aussi deux catégories et 20 positions d’une grille comptant 130 positions et 13 catégories. Après deux jours d’assemblées générales en décembre, le syndicat a convaincu la direction de soutenir sa demande. Cette dernière a été accompagnée de la menace des travailleurs de rejoindre la résistance armée si leurs revendications n’étaient pas acceptées. Cela a incité le Ministre du Pétrole à se rendre lui-même à Bassora et à ouvrir immédiatement les négociations avec les représentants du syndicat.
Le résultat négocié a été de porter le salaire minimum de ceux qui forment le cœur de l’économie irakienne à 102 000 dinars par mois, soit une augmentation de 33 000 dinars. Toute leur grille commence maintenant au niveau de la catégorie 9 et tous ceux qui en bénéficiaient déjà passent à la catégorie suivante — les salaires y étant compris entre 120 000 et 155 000 dinars. Le niveau maximum de salaire d’un ouvrier non qualifié peut atteindre 328 000 dinars par mois — le sommet de la catégorie 6. La catégorie 5 concerne les ouvriers diplômés et les techniciens, la catégorie 4 les ouvriers avec plus de 30 ans d’ancienneté et les trois suivantes les ingénieurs et les directeurs.
Mais pourquoi avoir cédé sur le niveau du salaire minimum ? Pourquoi n’avoir pas poussé l’avantage jusqu’à l’obtention des 155 000 dinars minimum ? Avec 102 000 dinars on peut à peine survivre. Le loyer le plus bas à Bassora est de 25 000 dinars (pour la plupart des gens 50 000), ce qui ne laisse que près de 20 000 dinars par semaine pour la nourriture, l’école, les livres, le gaz, l’essence, l’entretien de la voiture, l’eau potable, les cigarettes et tout le reste. Un bidon plastique de 4,5 litres d’eau potable fourni par l’ONU coûte 250 dinars. Un petit poulet — 3 500 dinars, 1 kg de pommes ou d’oranges — 750, de pommes de terre — 500, de tomates — 500 (à Bagdad, du fait des coûts de transport, c’est 2 000 dinars…), un sac de pain — 250, une bouteille de gaz — près de 2 000. Pour des chaussures d’adulte en cuir il faut compter 20 000 dinars, une paire de chaussettes — 500 et le shampooing familial le moins cher coûte 750 dinars. Il est donc clair qu’une famille peut juste survivre, en se limitant à des rations simples, sans pouvoir économiser ou se payer des extra ni même des habits neufs. C’est la situation de la majorité du peuple irakien, du mois de ceux qui ont la chance d’avoir un emploi — car les quelques 7 à 10 millions de chômeurs ont encore plus d’une lutte devant eux.
Selon la grille de salaires de l’OA plus d’un tiers (35 %) des salariés du public gagnent entre 69 000 et 155 000 dinars ; 10 % — les directeurs et administrateurs — reçoivent entre 574 000 et 920 000.
Alors pourquoi ce compromis ? En fait ce n’en est pas un. Les primes de risque et de déplacement ont été également prises en compte et une autre prime de 18 % à 30 % de salaire doit être ajoutée au montant de base. Cela signifie que tous les salaires réels seront potentiellement de 30 % supérieurs à la grille, selon le lieu du travail — le désert, une région éloignée, un travail dangereux… Il n’est pas encore clair si Rumeilla Nord, une zone contaminée par l’uranium appauvri au cours des deux guerres du Golfe, est incluse dans les zones dangereuses, mais le danger qu’elle présente pour les ouvriers qui inhalent des déchets radioactifs dispersés par les troupes d’invasion est immédiat, grave et met en cause leur vie.
Le dirigeant du syndicat de SOC, Hassan Jum’a, a dit à propos de leur victoire : " C’est quelque chose dont nous étions certains. Notre secteur est le mieux organisé en Irak et nous avons été élus par les ouvriers eux-mêmes. "
Concernant les effets de cette victoire sur la lutte qui monte dans le secteur de l’électricité, Jum’a explique : " Le secteur pétrolier a été le premier, les autres vont suivre bientôt, cela va changer, l’influence [syndicale] se fait sentir. " Samir Hanoun, vice-président de la Fédération des syndicats irakiens, a dit que le résultat de la lutte l’a fait frémir, car il était " tout bon " et qu’il a déjà eu un impact positif sur les négociations menées par les syndicats de l’électricité en vue d’augmenter les salaires. " Nous serons les suivants et bientôt, cela nous a aidé dans nos négociations qui s’orientent bien ", ont dit les syndicalistes de l’électricité à Occupation Watch. Le succès des travailleurs irakiens limite les ambitions exploiteuses de l’Autorité d’occupation et signifie un coup porté à la logique des entrepreneurs qui se vantent que l’Irak dispose d’une des mains-d’œuvre les moins chères au Moyen-Orient.
L’administration régionale d’occupation manifeste son ignorance sur les grilles de salaires, mélangeant celle du SOC avec celle ordonnée par Paul Bremer en septembre, imprimée dans une brochure en couleurs en décembre afin que les ouvriers comprennent pourquoi il doit leur être naturel de recevoir un salaire d’esclave.
Quoi qu’il en soit, le courage des travailleurs du pétrole, affirmant leur puissance en tant que secteur capable d’imposer ses revendications au Conseil du gouvernement et de contester l’Autorité d’occupation supposée avoir toujours " le dernier mot ", montre que la résistance sociale contre l’occupant et ses diktats est bien vivante et prête à la grève pour imposer la justice. Personne ne considère que la victoire des travailleurs de la SOC soit une fin, mais que ce n’est qu’un début après les décennies de silence, de violence et de meurtres imposées par la dictature de Saddam. C’est aussi le premier combat dans la guerre sociale qui aura fait faire un saut à la conscience des travailleurs irakiens, si malmenés par le Baas, qui réalisent qu’ils sont eux-mêmes une arme puissante contre l’injustice, l’exploitation et l’occupation.
_______________
* Ewa Jasiewicz est consultante de l’ONG Occupation Watch.
Sinon, la page internet du conseil de syndicats et de chomeurs d'Irak:
http://www.uuiraq.org/http://www.uuiraq.org/french/french.htmlDans le meme site,
Un article qui de vrait plaire a LO sur la définition de la lutte, contre les impérialistes et contre les bandes islamistes "ethnocentriques" (dixit eux)
Enfin, site du ECPI ou Parti Communiste ouvrierSinon Rojo, pour rendre les choses compliqués, il y a plusieurs communistes en Irak puisqu'on a le PCIrakien (presque collabo) et le Parti communiste ouvrier (tout les liens que j'ai donné sont du PCO). Et comme je suis un peu parano, j'avoue qu'il y a quelque chose dans le PCO que je ne sens pas trop.
Sinon, je ne pense pas qu'on puisse réduire la résistance irakienne a ses simple composantes ethniques ou religieuses (le grand classique chiite versus sunnite) car cette lutte prend une dimension de plus en plus "nationale" par la jonction de ces branches sunnite et chiite. De meme, on peut penser qu'une bonne partie des militants de la résistance se situe aussi sur une ligne plus de libération nationale (c'est du moins l'impression qe je tire des reportages faits sur ces militants). Helas, une autre chose est lorsqu'on parle de la direction visible de ce mouvement, qui est sans doute mené par des autorités religieuses et qui tres problement orientara un désir légitime d'autonomie vers la réaction et le renforcement de l'exploitation et de la division des travailleurs.
a écrit :Et à mon avis, vue la situation de l'Irak aujourd'hui, et sur la base de ce communiqué de syndicat ou des messages du PC Irakien, la position des révolutionnaires ne peut être que de soutenir la classe ouvrière d'Irak, contre les impérialistes ET contre les bandes armées islamistes.
Je suis donc assez d'accord avec cette phrase. Mais le soutien des travailleurs irakien passe par le soutien de la lutte de libération nationale contre l'occupation anglo-américaine. Malgré la direction de ce mouvement. Mais je crains que cette guerre n'a pas fini d'enfanter des monstres.