(mael.monnier @ mardi 11 mai 2004 à 20:52 a écrit : Je ferais des remarques et commentaires demain (la nuit porte conseille et j'ai besoin de faire "décanter" les choses).
Désolé, je n'ai pas eu le temps de réagir hier.
Première remarque : les élèves sont conditionnés par un but final : l'obtention du baccalauréat sans lequel ils ne peuvent pas faire grand chose.
(François @ un ancien élève de Saint-Nazaire a écrit :
Les réalités économiques et sociales veulent qu'à un certain moment, on quitte l'école pour aller se vendre sur le marché du travail. Ma situation l'exigeait, et c'est pour cette raison que je pensais ne pas me réinscrire pour la rentrée de septembre 99. Je m'apprêtais donc à quitter ce lieu enchanteur, ce cocon qui nous préserve un peu de la dure réalité. Engageant les démarches nécessaires pour obtenir une formation qualifiante afin d'accéder à un emploi stable (c'est le langage du dehors), j'ai été mis au parfum rapidement. Non diplômé, tout ce que l'on pouvait me proposer était d'entrer dans une formation de 18 mois pour me consolider un projet professionnel. Formation réservée aux jeunes en grande difficulté et en situation d'exclusion.
Or, je ne pense appartenir ni à l'une, ni à l'autre de ces deux catégories.
Le marché de l'emploi est très injuste : selon ton parcours scolaire, il te classe dans une catégorie qui décidera de ton orientation. Je refuse tout net de rentrer dans ce jeu-là. C'est pourquoi je suis revenu cette année au lycée expérimental. Je suis revenu en me donnant une ultime chance de réaliser mon projet, c'est-à-dire avoir mon bac.
(Source :
http://membres.lycos.fr/possible/art13a.htm)
En fait, c'est comme si on te disait : réaliser la maison de vos rêves avec la forme que vous voulez, les matériaux que vous voulez MAIS qu'on te disait : le haut de la maison doit avoir telle forme, telles caractériques et employer tels matériaux, ce qui fait que la bas de ta maison est conditionné par ce qui doit exister en haut. Pour le lycée expérimental de St-Nazaire, c'est pareil : on dit de réaliser l'enseignement de la manière que l'on veut, mais tout est conditionné par l'objectif final : le bac. Et donc, en tout état de cause, ce type d'expérience ne peut pas être libertaire. Et cela revient à dire implicitement aux élèves : formez vous comme vous le voulez mais formez vous pour que vous puissiez vous faire exploiter par l'Etat et le patronat, pour vous vendre sur le marché du travail. Forcément, c'est voué à l'échec et les élèves ne sont pas motivés.
Deuxième remarque : c'est le corps enseignant qui fixe les objectifs généraux assignés aux élèves, et donc en sus de l'objectif du baccalauréat qui est imposé économiquement, vient se rajouter ces objectifs. Il n'y a donc pas d'autogestion étant donné que les enseignants ont des pouvoirs que les élèves n'ont pas.
Critique :
(Pierre Madiot a écrit :
Cette situation paradoxale prend encore une autre dimension quand il s’agit de coprogrammer les activités pédagogiques. Dans l’histoire du lycée expérimental, le dispositif de coprogrammation a sans doute été celui dont la mise en œuvre a rencontré le plus de difficultés : c’est celui que les élèves revendiquent le plus fortement et celui où leurs limites apparaissent le plus rapidement. L’illusion serait de laisser croire qu’il suffit de connaître les titres des chapitres au programme, les noms des principaux auteurs, d’avoir entendu parler ou d’avoir lu un peu ou beaucoup d’ouvrages, de savoir faire un certain nombre d’opérations plus ou moins complexes pour se sentir autorisé à établir des programmes d’étude. L’illusion inverse et tout aussi redoutable serait d’entretenir le mythe de l’activité gratuite mue par l’envie, abandonnée à l’inspiration et vouée au seul plaisir de la découverte. Dans l’un et l’autre cas on considère l’enseignant comme une personne ressource éventuelle dont la compétence ne dépasse pas les limites de sa spécialité, même quand on feint de le croire capable d’intervenir indistinctement sur tout le champ du savoir en niant tout découpage disciplinaire. Dans le premier cas, on pense que se former consiste à choisir un itinéraire parmi les multiples pistes fléchées qui conduisent toutes quelque part à l’intérieur d’un savoir préexistant. Dans le second cas, on imagine que l’apprenant se dotera spontanément d’un projet de formation en érigeant ses désirs en problématique.
Promouvoir une pratique de cogestion pédagogique suppose donc qu’il est nécessaire d’affirmer les différences de statut entre élèves et membres de l’équipe éducative aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine strictement pédagogique. On connaît bien, en effet, les caricatures "autogestionnaires" d’un égalitarisme devant le savoir qui voudrait nier les disciplines, abolir les compétences trop spécifiques et laisser croire que l’acte pédagogique devrait se limiter à se poser les mêmes questions que les élèves, de la même façon qu’eux et en se gardant de les précéder. Ce genre d’attitude produit les situations les plus inégalitaires qui soient et les plus directives dans la mesure où, bien évidemment, les capacités et les connaissances des uns n’ont pas grand chose à voir avec les capacités et les connaissances des autres ; dans la mesure surtout où les enseignants ont pour charge de prendre le temps et le recul qui leur permettent de réfléchir à une stratégie d’approche alors que les élèves sont naturellement portés à se laisser envahir par le sujet de leur étude. On voit alors que refuser (feindre de refuser ?) de poser les problèmes de didactique revient à accepter toutes les manipulations insidieuses. Il est plus clair d’assumer une connaissance disciplinaire plutôt que de prétendre immédiatement et en toute circonstance à une polyvalence qui se dissout dans l’amateurisme et dans la démagogie. Il est plus efficace de dominer une partie du tout pour mieux mettre en place la situation qui permettra aux élèves de comprendre la globalité puisqu’il n’est pas possible de comprendre les parties sans connaître le tout, et illusoire de saisir le tout sans connaître les parties.
(Source :
http://members.aol.com/fappani/stnaz.htm)
Critique de la critique : Je pense qu'en fait on a pas à imposer aux enseignants ce qu'ils vont enseigner (quelle matière, quels champs de la matière) et comment ils vont l'enseigner, mais on a pas à imposer non plus aux élèves ce qu'ils vont apprendre (quelles matières, quels champs de ces matières) et comment ils vont l'apprendre. A partir de là, il s'agit de savoir comment on peut dépasser cette contradiction entre enseignants et enseignés, et vice-versa.
Premièrement, je pense donc qu'il faudrait que les élèves réfléchissent à leurs désirs, à leur projet dans la vie, qu'ils soient ensuite conseillés de manière individuelle par un enseignant-tuteur de la matière qui les intéresse le plus, puis que les élèves et les enseignants se réunissent sur leur école pour faire émerger les besoins qui peuvent être satisfaits et ceux qui ne le peuvent pas. Pour les premiers besoins, très bien. Pour les seconds, on peut imaginer des échanges de professeurs entre les divers établissements scolaires (il faudrait alors des logements de fonction au sein des établissements ou à proximité), ou des cours par correspondance ou un auto-apprentissage par les élèves en question de manière autonome mais suivis par des enseignants proches des matières en question pour catalyser l'énergie des élèves et les aider dans leur démarche.
Deuxièmement, je pense que du côté des enseignants, il faudra prévoir des mécanismes incitateurs pour que les besoins non satisfaits le deviennent (réduction du temps de travail, plus de moyens à disposition, etc.). Et troisièmement, pour que la chose soit égalitaire, ce que j'ai évoqué dans le deuxièmement devra être vrai aussi pour les élèves (mécanismes incitateurs pour qu'ils suivent des cours où les enseignants ne trouvent pas d'élèves), et pour le premièrement (échange d'élèves entre établissements, et chambres individuelles mises à disposition pour cela pour les élèves), comme cela est le cas à Summerhill où chacun a les mêmes possibilités : si quelqu'un a un droit, l'autre a le même droit (le pouvoir n'est donc pas partagé, il est confronté ce qui permet d'avoir des pouvoirs et des contre-pouvoirs et donc un équilibre).
Ainsi des compromis se feront de manière naturelle lorsque c'est nécessaire, et on atteindre le bien-être maximal tant pour les élèves que pour les enseignants. Et ainsi les élèves s'autogéreront, de même que les enseignants pour ce qui relève de leur ressort, et les élèves et enseignants n'autogéreront que ce qui leur est commun (gestion des locaux et des emplois du temps). C'est comme cela que je vois l'autogestion : on n'autogère que ce qui est commun et ce qui n'est pas commun est autogéré à un niveau plus bas.
Troisième remarque : on retrouve la même séparation en niveaux qu'en lycée traditionnel : Détermination (Seconde), Premières et Terminales. Cela empêche la mixité d'élèves d'âge différents sur des cours communs alors qu'un élève en 3e année pourrait très bien suivre un cours qu'un autre élève ferait dès la 1ere année. Cela est en fait conditionné par le baccalauréat et les épreuves anticipées du baccalauréat qui font qu'il y a forcément une terminale et une première, et donc une seconde.
Quatrième remarque : les élèves proviennent souvent d'établissements gérés de façon autoritaire, la transition est donc difficile et ils sont conditionnés par l'apprentissage et les méthodes d'apprentissage qu'ils ont reçus jusqu'alors.
Cinquième remarque : le conseil d'établissement qui existe à Saint-Nazaire est particulièrement à l'encontre d'une réelle démocratie puisque les délégués ne sont pas liés aux décisions prises par la base et ne semblent pas révocables, et les assemblées générales sont donc dépourvues de tout pouvoir de décision. C'est donc une pseudo-démocratie qui existe où le demos est mis entre parenthèses au profit du cratos : 2 délégués pour tous les enseignants qu'est-ce que c'est ?
Le débat est ouvert...