Que se passe-t-il au Moyen-Orient ?

Dans le monde...

Message par stef » 13 Jan 2003, 16:24

Et bien, ce n'est pas un glissement de plume, je dis que ce texte est ignoble.

Rappel du contexte : en 1973, le programe de l'OLP incluait le refus de la reconnaissance d'Israël (la capitulation d'Arafat débute en 1976). Cette exigence était évidemment soutenue par l'ensemble des organisations dites trotskystes - l'OCI, le SU dans toutes ses composantes, etc. LO se situait donc à droite de toutes ces organisations...

Alors voyons ce que dit LO.

a écrit :L. O. s'affirma pour la destruction de l'État israélien, comme d'ailleurs pour celle de l'État français et de tous les États bourgeois, mais par la classe ouvrière !

Bref, on met l'Etat sioniste colonial et raciste, d'Israël sur le même plan que celui qui existe ici. Ca commence bien... Mais quel Etat, LO défend-t-il ? Réponse :
a écrit :
Pour être un pas en avant, la destruction de l'État sioniste ne peut être le fait que des prolétariats juif et arabe et nous nous refusons à prêcher aux prolétaires arabes la croisade nationaliste contre Israël.


Bref : le nationalisme "en soi", juif comme arabe, est mis sur le même plan. Laissons :lenine: répondre :
a écrit :
Chez Engels comme chez Marx, bien qu'ils aient impitoyablement critique l'essence réactionnaire des petits Etats et l'utilisation, dans certains cas concrets, de la question nationale pour dissimuler cette essence réactionnaire, on ne trouve nulle part, fût-ce l'ombre du désir d'éluder la question nationale, ce par quoi pèchent souvent les marxistes hollandais et polonais (...).
(L'Etat et la révolution)

Le texte de LO continue :
a écrit :Et si, contre l'impérialisme américain, nous sommes dans le camp des pays arabes, y compris si la victoire de ce camp signifie la destruction de l'État d'Israël, nous ne pensons absolument pas que cette destruction serait en soi positive.

Autrement dit : LO se prononçait CONTRE le mouvement des masses arabes. Une proposition pour Emman: vas distribuer un texte disant de si jolies chose à Gaza : tu devrais avoir un certain succès (prends du sparadrap quand même, il y en a quelques uns qui ont perdu le sens de l'humour là-bas). Mais il est vrai que tu fais la part égale entre peuple opprimé et oppresseur, contrairement à Lénine et Trotsky...
a écrit :Lénine enseignait qu'il faut distinguer rigoureusement la nation bourgeoise opprimée de celle qui opprime. De là découlent des conséquences d'une importance exceptionnelle, par exemple dans le cas d'une guerre entre pays impérialistes et coloniaux. Pour un pacifiste, cette guerre ressemble à n'importe quelle autre; pour un communiste, la guerre d'une nation coloniale contre une nation impérialiste est une guerre bourgeoise-révolutionnaire,

:trotsky: : L'Internationale Communiste après Lenine

a écrit :Nous pensons, au contraire, que la classe ouvrière arabe doit avoir une stratégie vis- à- vis de la classe ouvrière israélienne pour la détacher du sionisme et la rallier à son combat, c'est- à- dire qu'elle doit lui garantir tous les droits nationaux, y compris celui d'avoir son propre État.

Bref dès 1973, LO considérait que la spoliation du peuple palestinien était un fait acquis. Car l'Etat dont il est question : sa base territoriale ne pouvait être que sur le territoires dont les palestiniens avaient étés expulsés ! :06:

Jésuite, le rédacteur nous informe que :
a écrit :Un État binational au sein duquel Juifs et Arabes vivraient ensemble, aurait des avantages considérables, et politiques et économiques, pour tous les habitants de la Palestine. Mais cet État ne peut se décréter par en haut.

Autrement dit que les centaines de milliers de réfugiés du Liban et de Jordanie ne comptent pas sur LO pour les soutenir dans leur exigence du droit au retour. L'annexion est pour un LO un fait acquis et on ne saurait y revenir - puisqu'il existe des ouvriers juifs. Pas question de soutenir la lutte révolutionnaire du peuple palestinien, voilà ce que signifient ces lignes, puisqu'un Etat binational "ne se décrète pas par le haut"....

Et tout ceci se termine par une profession de foi :
a écrit :opposer l'État binational au droit des Juifs à avoir leur propre État, c'est finalement refuser les droits nationaux aux Juifs, c'est se faire l'avocat du nationalisme arabe.

Et bien oui : comme Lénine, je refuse de parler de droits nationaux "juifs", car cela ne pouvait se faire qu'au détriment d'un autre peuple. Même le Bund refusait de parler ainsi ! Et encore oui : je considère que le nationalisme arabe est pleinement légitime, car c'est celui d'un peuple opprimé !

Pour rester poli, je ne caractériserai pas ce texte. Mais essayez simplement de l'appliquer à l'Algérie et vous verrez de quel côté vous auriez fini dans ces années....
stef
 
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Message par stef » 13 Jan 2003, 16:37

Rojo,
Je maintiens intégralement cette affirmation. Qu'elle ne te fasse pas plaisr - je le conçois. Mais je n'ai jamais vu en ces années une telle déclaration de la part du SU. Ses dirigeants se seraient fait lyncher s'ils avaient osé écrire de telles choses.
Je te promets que je n'éxagère pas. S'il le faut je sortirai les textes de l'époque.

Je te signale que j'ai modéré mon clavier ...
stef
 
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Message par emman » 13 Jan 2003, 18:08

Stef, arrète de citer à tour de bras, parce que tu as une facheuse tendance a extrapoler la pensée de ceux qui les ont écrits afin de la faire rentrer dans tes shémas théoriques. C'est en tout cas l'effet que me font tes posts sur le nationalisme.
Il y a notamment une différence entre le nationalisme et la question nationale, en particulier dans les écrits de Trotsky et par exemple celui sur l'Afrique du sud posté dans le Thread sur le boycott des universités israeliennes.

Quand a ton interpretation du texte de LO, je sais pas ou tu vas chercher tout ce que tu écrits.
emman
 
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Message par emman » 13 Jan 2003, 20:07

(stef @ lundi 13 janvier 2003 à 16:24 a écrit :Mais il est vrai que tu fais la part égale entre peuple opprimé et oppresseur, contrairement à Lénine et Trotsky...

Ai-je écrit une telle chose dans un post ?
Serait-ce écrit dans un autre texte ou intervention que j'aurais approuvé ?
Voir dans ce texte de LO ?

Ben non. Parce que je suis d'accord avec ce fait qu'il y a bien un peuple opprimé et un peuple qui opprime, et que je ne fais pas la part égale entre les deux, et c'est pour cette raison que je soutiens le peuple palestinien malgré la corruption des dirigeants nationalistes bourgeois ou les tendances fascisantes des integristes religieux dans la guerre coloniale que mène contre lui l'état israelien.
Et il me semble que tu ne feras pas dire cela non plus à aucun texte de LO même en le tordant dans tous les sens comme tu le fais. :halalala:
emman
 
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Message par stef » 13 Jan 2003, 20:38

Emman,


Pardon si j'avais mal compris. Mais concernant le mot d'ordre de "république noire", tu écrivais :
a écrit :Trotsky ne défend pas la "république noire", mot d'ordre nationaliste et   :staline:


J'en ai déduit que donc tu réprouvais le nationalisme en soi. Désolé, mais la lecture de ce post avait qque raison de la faire croire... C'était de plus plausible, puisqu'on lit plus haut :
a écrit :Pour être un pas en avant, la destruction de l'État sioniste ne peut être le fait que des prolétariats juif et arabe et nous nous refusons à prêcher aux prolétaires arabes la croisade nationaliste contre Israël.


Si nous sommes d'accord que le nationalisme palestinien est en soi sain car provenant d'un peuple opprimé - ce qui n'est pas le cas de celui des juifs (ou des français), je suis content. Ca n'aurat aucun sens de discuter de posts ambigus ou de mon incompréhension.

Pour le reste. Léandre et toi n'avez pas compris le texte sur l'Afrique du Sud. J'y reviendrai demain, puisque tu y tiens (je me suis légèrement documenté sur la question...).

Quant au texte de LO, je maintiens intégralement et chiche que tu me prouves que ce texte dit autre chose que j'y lis. (Bonne chance !)

Tant qu'on y est : quand me diras tu quel est votre programme concernant les réfugiés. Sur des bases aussi riches que le texte ci-dessus, je brûle de le connaitre... Et tu sais que j'ai la tête dure... :laugh:
stef
 
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Message par emman » 13 Jan 2003, 20:58

a écrit :Bref : le nationalisme "en soi", juif comme arabe, est mis sur le même plan. Laissons  :vlad: répondre :
a écrit :
Chez Engels comme chez Marx, bien qu'ils aient impitoyablement critique l'essence réactionnaire des petits Etats et l'utilisation, dans certains cas concrets, de la question nationale pour dissimuler cette essence réactionnaire, on ne trouve nulle part, fût-ce l'ombre du désir d'éluder la question nationale, ce par quoi pèchent souvent les marxistes hollandais et polonais (...).


Lenine parle ici de la question nationale, pas du nationalisme.

a écrit :Le texte de LO continue :
a écrit :Et si, contre l'impérialisme américain, nous sommes dans le camp des pays arabes, y compris si la victoire de ce camp signifie la destruction de l'État d'Israël, nous ne pensons absolument pas que cette destruction serait en soi positive.

Autrement dit : LO se prononçait CONTRE le mouvement des masses arabes


Contre quoi ?!!!! T'as révé là... :hinhin:


a écrit :Lénine enseignait qu'il faut distinguer rigoureusement la nation bourgeoise opprimée de celle qui opprime. De là découlent des conséquences d'une importance exceptionnelle, par exemple dans le cas d'une guerre entre pays impérialistes et coloniaux. Pour un pacifiste, cette guerre ressemble à n'importe quelle autre; pour un communiste, la guerre d'une nation coloniale contre une nation impérialiste est une guerre bourgeoise-révolutionnaire,


Et pour cette raison LO est du coté des peuples opprimés, même quand leur lutte est nationale. De la à soutenir le programme des nationalistes bourgeois !

a écrit :Et bien oui : comme Lénine, je refuse de parler de droits nationaux "juifs", car cela ne pouvait se faire qu'au détriment d'un autre peuple


Ben oui, mais le contexte a changé depuis, et tu refuses de le prendre en compte. l'Etat d'Israel a aujourd'hui une existence, et s'il s'est en effet construit au détriment des palestiniens, ce n'est pas parce que sa construction a été négative que sa destruction serait positive.
emman
 
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Message par com_71 » 13 Jan 2003, 21:09

Stef, tu ne fais que démontrer que tu es incapable d'imaginer un parti ouvrier internationaliste qui dispute dans les faits la direction d'un mouvement national aux organisations nationalistes. Cette tâche n'est pas du tout d'en rajouter sur le programme nationaliste mais d'opposer à celui-ci un autre programme, avec toujours le but de faire apparaître les intérêts communs des travailleurs, par delà les frontières et les situations nationales.
Avant de chercher qui est à gauche ou à droite du SU ou de la LCR, préoccupe-toi de ne pas adopter leurs méthodes de raisonnement, et tire vraiment des leçons de l'attitude de nos organisations par rapport au mouvement algérien. Qui défendait les nationalistes bourgeois du FLN ? (les ancêtres de la LCR). Qui défendait les nationalistes bourgeois du MNA ? (les ancêtres du PT et CPS). Qui essayait de dire la vérité sur les uns et les autres, au nom de l'internationalisme prolétarien ? (les ancêtres de LO).

Emman a souligné que tu ne discutes pas vraiment des positions des autres (encore une tradition commune au SU et au CI) mais tu y colles ce qui n'est même pas ton interprétation, mais une invention de toute pièce. C'est vrai de pratiquement chacune de tes phrases. Un exemple :
(lo @ . a écrit :
Pour être un pas en avant, la destruction de l'État sioniste ne peut être le fait que des prolétariats juif et arabe et nous nous refusons à prêcher aux prolétaires arabes la croisade nationaliste contre Israël.

(stef @ . a écrit :
Bref : le nationalisme "en soi", juif comme arabe, est mis sur le même plan.

Donc tu inventes que cette phrase évoque le nationalisme sioniste. Où ? Parcequ'on évoque les travailleurs israéliens ?

Pour continuer le commentaire de cette seule phrase, peut-être penses-tu que vouloir défendre un programme internationaliste en Israël est "en soi" faire allégeance au sionisme ? Et que prêcher aux prolétaires arabes la croisade nationaliste contre Israël est la meilleure des choses à faire ?
(stef @ . a écrit :
je ne caractériserai pas ce texte. Mais essayez simplement de l'appliquer à l'Algérie et vous verrez de quel côté vous auriez fini dans ces années...

La comparaison avec l'Algérie n'est pas originale, VO l'a analysée depuis longtemps.
a écrit :LE PROBLÈME PALESTINIEN       juillet 1967

Le problème palestinien et le conflit judéo-arabe qui en découle viennent de connaître un sanglant rebondissement. Aujourd'hui les armes se sont tues mais tout le monde reste convaincu que la victoire militaire d'Israël n'a rien réglé. La propagande farouchement pro- Israël et anti-arabe de la grande presse, y compris celle qui se dit " de gauche" comme le        "Nouvel Observateur" a troublé bien des consciences et de nombreux militants révolutionnaires ont eu du mal à défendre une position correcte sur ce problème.
Il faut bien dire que si la liaison de l'Etat sioniste avec l'impérialisme en général, et l'impérialisme américain en particulier, est apparue évidente à tous, les surenchères chauvines, voire racistes, d'un certain nombre de dirigeants arabes -Ahmed Choukeiry, le leader de l'Organisation de Libération de la Palestine, en est l'exemple le plus caractéristique- ont poussé un certain nombre de militants trotskystes à rejeter dos à dos Arabes et Israéliens et à adopter dans le conflit une position défaitiste dans les deux camps.
Pour notre part, nous nous sommes déclarés solidaires des pays arabes et notre position se fonde sur l'analyse des camps en présence dans cette guerre. Mais un historique de l'implantation Juive en Palestine permettra de mieux comprendre notre point de vue.
                                                                                   ***

Le mouvement sioniste, c'est-à-dire le système politique qui veut regrouper les Israélites en Palestine pour résoudre le problème Juif, est né à la fin du XIXème siècle. Son fondateur, Herzl, avocat viennois qui avait vécu à Paris l'affaire Dreyfus, s'adresse pour réaliser son projet d'État juif d'abord à Guillaume II - en faisant valoir l'avantage pour l'Allemagne d'une population Juive en majorité de langue allemande dans une région convoitée par le Kaiser puis au Sultan de Turquie, enfin à l'Angleterre. Cette dernière, en1917, dans une déclaration du ministre Balfour apporta son appui à la réalisation d'un "Foyer National Juif" en Palestine.
Après la première guerre mondiale, la Palestine, ex-colonie turque, passa sous mandat britannique. L'émigration juive dans le pays s'accéléra.
De 80000 en 1914, pour une population de 1/ 2 million d'Arabes, les Juifs représentaient      22 % de la population en 1922 et 26 % en 1929.
Après cette date, les persécutions nazies provoquent un afflux massif d'immigrants, bien que les Britanniques, pour donner des gages aux pays arabes alliés potentiels dans la guerre qui se préparait, aient pris des mesures contre cette immigration.
En 1947, à la veille de la création de l'Etat d'Israël, la Palestine comptait 600000 Juifs pour 1200000 Arabes.
En Palestine, les Juifs se heurtèrent bien vite à la population arabe. cette époque la Palestine avait les mêmes caractéristiques que la plupart des colonies sous- développées. De faibles industries aux mains de l'impérialisme, côtoyaient les immenses domaines appartenant à des propriétaires fonciers et sur lesquels travaillaient des fellahs misérables.
La moitié des terres était entre les mains de 250 familles féodales et les usuriers, souvent les féodaux eux- mêmes, régnaient en maîtres. Dans un rapport sur "le développement et les entreprises agraires en Palestine 1931- 32" par L. French, on trouve cette remarque : "Dans une région militaire s'étendant sur les trois sous- districts, il y a 14percepteurs gouvernementaux ; un seul usurier, dans un seul de ces sous- districts, emploie 26 hommes pour collecter ses intérêts.
Un autre rapport notait que 23,9 % de ce que le fellah produisait lui revenait, et il versait 48,8 % en impôts et redevances de toutes sortes aux féodaux et à l'État. T. Cliff, dirigeant trotskyste palestinien avait calculé en novembre 1945 que si une famille de 6 personnes (père, mère, 4 enfants) était emprisonnée et nourrie par le gouvernement, son revenu- annuel serait de 42,3 livres, alors qu'en liberté, la même famille n'en gagne que 18.
Par l'intermédiaire de ses organisations communautaires tel le Fonds National Juif (K. K. L.) l'implantation de la population juive fut en fait directement dirigée contre la population agricole arabe. Le K. K. L. achetait des terres aux féodal et en expulsait tous les paysans arabes pour y mettre à la place des colons juifs. Ainsi dans la vallée de Jezreel, 20 villages furent rayés de la carte, la terre que les paysans arabes avaient toujours travaillée, ayant été rachetée à son propriétaire, le banquier syrien Sursuk, par le K. K. L.. Les exemples de ce genre furent courants dans toute la Palestine. Les dizaines de milliers de paysans chassés de leurs terres se retrouvèrent sans travail d'autant plus que les fermes collectives juives refusaient systématiquement d'employer des ouvriers agricoles arabes, le sionisme prescrivant la libération sociale par le "travail juif".
Dans les villes, la bourgeoisie juive connut un très faible développement. En effet, la plupart des branches industrielles étaient aux mains des sociétés étrangères. Toute faible qu'elle fût, la bourgeoisie juive, plus dynamique, parvint peu à peu à supplanter la bourgeoisie arabe mais resta jusqu'à la proclamation de l'Etat d'Israël un parent pauvre du capital étranger.
A l'époque du mandat, le capital étranger (principalement anglais) représentait les 3/ 4 du capital total investi en Palestine, le capital juif 1/ 5 environ et le capital arabe de 2 à 3 %. Dès l'origine, la bourgeoisie juive et les dirigeants de l'Agence Juive, qui représentaient une population minoritaire dans le pays se placèrent sous l'aile de l'impérialisme anglais. Dans un livre paru en 1944, Camille Huysmanns, leader de la II e Internationale et, par là, lié aux dirigeants Sionistes qui s'en réclamaient (Ben Gourion - Moshé Sharett) mettait en lumière la stabilité de la population juive en Palestine et l'utilité d'un Etat juif au sein du Commonwealth pour la sécurité du canal de Suez.
Dans le Journal "Ha'aretz" du 26 octobre 1945, Sneh, aujourd'hui leader stalinien, mais à l'époque social- démocrate écrivait : "L'un des mauvais principes du système traditionnel (de la politique anglaise) est que les autorités britanniques ne font des compromis qu'avec ceux qui savent comment déranger et briser la paix, alors qu'elles ont coutume de traiter à la légère et de trahir un allié fidèle, patient et pacifique. Nous ne voyons pas la moindre contradiction entre une immigration massive, un Etat juif et des bases larges et solides pour l'Angleterre dans ce pays".
Dans le même ordre d'idée, alors qu'il y avait en Palestine, proportionnellement à la population, 6,7 fois plus de policiers qu'en Grande- Bretagne, l'Agence Juive réclamait l'arrivée de renforts de police pour maintenir en paix... les Arabes. Mais elle ne se préoccupa jamais du fait qu'en Palestine le budget consacré à l'éducation et à la santé était cinq fois plus faible qu'en Angleterre. Mieux, elle protesta parce qu'elle estimait que, dans une répartition de ce budget au prorata du nombre d'enfants, les Juifs seraient désavantagés. Bien évidemment, l'impérialisme anglais profita de la "bonne volonté" et de l'inféodation des dirigeants sionistes, qui dès le début étaient ses laquais, pour dévier contre les Juifs le mécontentement des masses arabes. De grands mouvements des masses arabes qui secouèrent la Palestine en 1936- 1939 (grèves générales, bagarres avec la police, guérillas...) se terminèrent la plupart du temps en insurrections anti- juives. Par exemple, une compagnie anglaise qui montait une entreprise en Palestine nommait un directeur juif. Aussitôt une grève ou un boycott des ouvriers arabes de l'entreprise se transformait en manifestation anti- juive. La Histadrut, le syndicat sioniste, collabora avec les Anglais pour faire échouer le mouvement populaire des masses arabes. Par exemple, alors que les travailleurs arabes boycottaient la compagnie Steel Bros., la Histadrut lui fournit de la main- d'½uvre juive et lui permit ainsi de triompher.
Les compagnies anglaises d'ailleurs s'accommodaient fort bien de l'antagonisme judéo- arabe lorsqu'elles- mêmes ne l'attisaient pas.
Par exemple, "l'Anglo- American Tobacco Company" était propriétaire d'une usine à Tel Aviv (Maspero) n'employant que ces ouvriers juifs et vendant sous le slogan "achetez les produits 100 % juifs" ; et une autre (Karaman) fournissant le marché arabe, n'employant que des Arabes et faisant de la propagande contre la vente des terres aux Juifs. Mais, bien entendu, la déviation de la lutte anti- impérialiste des masses arabes, ne put se faire que grâce à la complicité des dirigeants nationalistes arabes. Les féodaux et la bourgeoisie ne tenaient nullement à expulser l'impérialisme, mais tout juste à prendre la place de la bourgeoisie juive.
Il est tout à fait remarquable qu'à la conférence des leaders arabes qui se tint à Londres en février 1939, ni Oni Bey Abd el Ali représentant les gros propriétaires fonciers féodaux, ni les partisans de Nachabibi, de tendance bourgeoise et collaborationniste, ni aucun des pays arabes, ne réclamèrent l'indépendance... mais l'interdiction de l'émigration juive et de la vente des terres aux Juifs.
Mais, pendant que les leaders nationalistes arabes cherchaient le compromis avec l'impérialisme anglais, des milliers de partisans armés qui se soulevaient contre l'impérialisme furent abattus par les Anglais qui, bien entendu, prétendaient n'avoir agi ainsi que pour protéger... les Juifs. Ce qui renforça encore un peu plus l'hostilité des Arabes envers la communauté juive.
Pendant la seconde guerre mondiale, les dirigeants sionistes renforcèrent encore, s'il était possible, leur lien avec l'impérialisme anglais. Quant à certains leaders arabes, tel le grand mufti de Jérusalem Haj Amin el Husseini, qui avaient été des agents de l'Angleterre de 1917 à 1939, ils passèrent sous la coupe de l'impérialisme Allemand et Husseini finit la guerre à Berlin.
                                                                  ***

DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE À LA CRÉATION DE L'ETAT D'ISRAËL

L'élément nouveau de l'après- guerre, fut l'afflux massif des rescapés des camps de la mort qui aiguisa encore la contradiction. Les masses arabes identifièrent cette vague à de nouvelles expulsions pour elles, et leur hostilité grandit encore. Ceci favorisa un nouveau mouvement de guérilla contre les Juifs.
De leur côté, les dirigeants de l'Agence Juive, qui n'étaient pas du tout disposés à engager la lutte contre l'impérialisme anglais, se sentaient de plus en plus dépassés par les organisations nationalistes armées comme le Stern et l'Irgoun.
La décision de l'O. N. U. de 1947 de partager la Palestine en deux Etats, l'un juif, l'autre arabe, si elle était conforme à ce qu'avait toujours souhaité l'Agence Juive, exacerba la lutte. Les Arabes palestiniens se rendaient parfaitement compte qu'ils étaient les premières victimes de ce partage car la colonisation juive n'englobait que 7 % du territoire palestinien et le partage donnait aux Juifs plus de 50 % de l'ancienne Palestine. Bien plus, les sionistes révisionnistes (extrême- droite) revendiquaient la "Palestine historique", c'est- à- dire la totalité du mandat britannique.
Jusqu'à la proclamation de l'Etat d'Israël, en mai 1948, les organisations nationalistes juives entreprirent des massacres sanglants pour faire fuir la population arabe du futur territoire de l'Etat d'Israël.
A Der Yassin, en avril 1948, l'Irgoun massacra 254 Arabes dont plus de 130 femmes et enfants et le même mois, le Stern fit sauter le rapide Le Caire- Haïffa faisant 48 morts et 61 blessés, tous arabes.
A la fin d'avril, l'Irgoun attaqua la ville arabe de Jaffa, séparée de Tel Aviv par un simple faubourg, ce qui entraîna la fuite de 15 000 civils arabes. A Saint- Jean- d'Acre, les groupes terroristes juifs laissèrent quelques heures à des milliers d'Arabes pour quitter la ville.
Le 2 mai 1948, 20 000 Arabes quittèrent Tibériade à la suite d'une attaque de la Hagana, le 12 juillet, à Ramleh et à Lydda, les Israéliens donnèrent une demi- heure à la population arabe pour quitter ces villes. Ce délai passé, les troupes juives enfoncèrent les portes. 30 000 personnes au moins partirent à pied en abandonnant tout.
Ces exemples sont sans doute suffisants pour détruire le mythe du "bon" sioniste, conseillant à son "ami" arabe trompé par les sirènes jordaniennes ou égyptiennes de rester dans le pays. Ce mythe ne tient pas debout lorsque l'on sait que l'historien Childers, qui a eu accès au British Museum à l'enregistrement de toutes les émissions en provenance du Moyen- Orient en 1948, est formel : pas un seul instant les radios arabes ne donnèrent l'ordre aux Palestiniens de s'enfuir. Au contraire, les appels à rester en Palestine furent nombreux. Par contre du côté sioniste, les cadavres atrocement mutilés des victimes de Der Yassin furent photographiés et ces photos largement diffusées dans la population arabe, avec comme légende : "Si vous ne partez pas, voilà ce qui vous arrivera !"
Un autre mythe est celui de l'aide complète apportée aux Arabes par l'Angleterre contre les Juifs. L'attitude de l'Angleterre fut plus subtile, il s'agissait pour elle de laisser Juifs et Arabes se combattre sans que l'un prenne l'avantage sur l'autre.
Par exemple, en janvier 1948, lorsque des Palestiniens venus de Syrie attaquèrent le kibboutz Dan et Kfar Sold, ce n'est pas seulement la milice juive qui les repoussa, (elle aurait sans doute été battue) mais les blindés et les Spitfire de l'armée britannique. Et, lors de l'attaque de Jaffa, les mêmes blindés protégeront les Arabes mal armés contre l'Irgoun. Cette attitude de l'Angleterre faisait écrire à l'envoyé du "Monde" au Moyen-Orient, le 8 mai 1948 : "on a l'impression nette que les blindés et l'aviation de Sa Majesté ont pour mission essentielle de veiller à ce que l'équilibre entre Juifs et Arabes soit rigoureusement maintenu".
Ainsi, plus que jamais, la Grande- Bretagne apparaît- elle comme l'arbitre de la situation.
La solution de partage, telle que l'avait préconisée l'O. N. U. en novembre 1947, recueillit aussitôt l'assentiment des Etats- Unis. L'Angleterre avait sur la question une position plus réservée, puisque les régimes féodaux arabes qu'elle soutenait y étaient hostiles. Tout naturellement, l'Agence Juive quitta alors l'aile de son protecteur anglais, partagé entre son soutien aux féodaux arabes et la bourgeoisie juive, pour se placer sous celle, infiniment plus puissante et plus hospitalière, des U. S. A.. Déjà au Congrès sioniste de Bâle en 1946, Goldman, polémiquant contre les sionistes de gauche de l'Hachomer Hatzair qui préconisaient un Etat bi- national judéo- arabe, et contre les révisionnistes (extrême- droite) qui affirmaient le droit des Juifs sur toute la Palestine, rappelait que le mouvement sioniste ne pouvait que se rallier à une solution de partage, puisque le State Department américain s'y montrait favorable.
Les deux Etats qui sur le papier furent créés par l'O. N. U. étaient l'un et l'autre invivables. Ils étaient divisés chacun en trois parties, séparées entre elles par des couloirs communs aux deux Etats. A côté d'un tel puzzle, le Pakistan, coupé en deux par des milliers de kilomètres de territoire indien, apparaît presque comme une solution raisonnable.
La seconde phase de la guerre, commença en mai 1948, lorsque l'Etat d'Israël fut proclamé. Il faut souligner que l'entrée en guerre contre l'Etat sioniste de sept pays arabes n'avait strictement rien à voir avec les droits du peuple palestinien, droits qui ne furent que le prétexte à cette intervention comme la suite allait le montrer.
On assista, dès le début de la guerre, à des courses poursuites entre Abdallah de Jordanie et Farouk d'Egypte, pour s'emparer de la plus grande partie possible du territoire palestinien. Les troupes d'Arabie Séoudite, pour leur part, se contentèrent d'annexer le port d'Akaba avant les Jordaniens, à la grande fureur d'Abdallah.
De son côté, l'armée israélienne, tout en se défendant contre les armées arabes, arrondissait l'Etat juif, bien entendu aux dépens des Arabes palestiniens.
Mieux armées, mieux entraînées que les armées arabes et bénéficiant surtout d'un appui incontestable au sein de sa population juive, les forces armées israéliennes infligèrent de sévères défaites aux armées arabes, armées de mercenaires, corrompues et mal payées, sans aucun soutien populaire.
Par peur d'un effondrement généralisé de tous les régimes féodaux de la région, consécutif à la défaite militaire trop lourde, l'Angleterre intervint alors militairement aux côtés des Arabes. Au début de 1949, les troupes britanniques prirent position à Akaba, face aux soldats israéliens et des blindés furent massés dans le Sinaï pour stopper l'avance israélienne dans cette région. En janvier 1949, après que la D. C. A. israélienne eut abattu cinq chasseurs britanniques, le ton monta alors, et Londres envisagea une intervention armée directe contre Israël.
Mais, tout devait rentrer dans l'ordre en vingt- quatre heures, lorsque les U. S. A. ordonnèrent aux troupes israéliennes de quitter le territoire égyptien, ce qu'elles firent immédiatement, et déclarèrent qu'ils considéraient comme clos l'incident provoqué par la destruction des appareils.
Désormais, les U. S. A. apparaîtront comme le véritable arbitre de la situation et supplanteront l'Angleterre au Moyen- Orient.
Les armées israéliennes et arabes signèrent des armistices sur les lignes de front et ce statu quo territorial dura jusqu'au 5 juin 1967.
La plus grande partie de l'ancienne Palestine était occupée par l'armée israélienne et les troupes d'Abdallah occupèrent la Cisjordanie qui fut officiellement absorbée par la Jordanie en avril 1950. Pour leur part, les Egyptiens occupaient la zone de Gaza. L'Etat arabe palestinien prévu par l'O. N. U. avait disparu de la carte.

... ET LES RÉVOLUTIONNAIRES

Face au problème palestinien et au conflit judéo- arabe, les révolutionnaires ont toujours milité pour une union des travailleurs juifs et arabes contre l'impérialisme, mais comment cette position de principe s'est- elle traduite concrètement sur le terrain ?
Dés avant la création de l'Etat d'Israël, les internationalistes dénonçaient le sionisme qui mettait les masses juives au service de l'impérialisme, et contre la création d'un Etat juif qui ne servirait qu'à polariser le mécontentement des masses arabes contre lui plutôt que contre l'impérialisme.
Le groupe trotskyste de Palestine milita toujours pour une Palestine unifiée, qui ne serait obtenue que par une lutte unie des ouvriers juifs et arabes.
Malheureusement, les sionistes d'une part, les nationalistes arabes de l'autre, furent les plus forts. En fait la guerre judéo- arabe de 1947- 48, et la création de l'Etat d'Israël, furent une défaite pour l'ensemble de la classe ouvrière du Moyen- Orient. Le prolétariat arabe, essentiellement le prolétariat égyptien, qui avait derrière lui de grandes traditions de lutte, se retrouva désorienté, et la bourgeoisie égyptienne, à l'époque de Farouk simple instrument des Anglais, put sans mal identifier aux yeux des masses populaires Israël et l'impérialisme.
En Israël, de ce point de vue, la situation pour le prolétariat fut encore plus catastrophique. L'immense majorité de la classe ouvrière se retrouva fermement derrière "son" gouvernement pour faire face au "péril arabe". Et cette attitude chauvine, raciste, ravivée une première fois par l'expédition de Suez, et une seconde par les événements récents, est le plus lourd fardeau que porteront encore longtemps les travailleurs juifs.
Devant une telle situation, c'est presque un lieu commun que d'affirmer que les révolutionnaires ont eu raison de lutter contre la création d'un Etat juif en Palestine.
Mais après la création de l'Etat d'Israël, les militants internationalistes ont continué à mener une politique marxiste révolutionnaire. Ne se sentant nullement liés par le "statu quo" de 1948, ils ont réclamé le droit des réfugiés palestiniens à regagner leur foyer, l'égalité complète des droits pour les arabes israéliens, et surtout pour les uns et les autres, le droit de disposer d'eux- mêmes, jusqu'à y compris la libre séparation des régions de l'Etat d'Israël à majorité arabe. C'est- à- dire le droit, pour les Arabes israéliens de se détacher de l'Etat d'Israël et de forcer s'ils le désirent un Etat indépendant. Cette revendication s'applique aussi aux parties de la Palestine qui ont été intégrées à la Jordanie et à l'Egypte.
C'est pourquoi les révolutionnaires ne doivent pas demander seulement l'évacuation des territoires occupés par Israël depuis le 5 juin, mais aussi la libre disposition des Arabes israéliens.
En Israël même, les Arabes forment les couches les plus prolétarisées de la population. 89,4 % d'entre eux sont des ouvriers, man½uvres, domestiques et, sur ce nombre, 36,7 % sont des ouvriers agricoles et 11 % des man½uvres (contre respectivement 14,4 % et 3 % chez les Juifs). De plus, avec la crise économique que connaît Israël, un grand nombre des 150 000 chômeurs sont des travailleurs arabes.
Même situation dramatique chez les petits paysans puisque depuis 1948, 34 000 ont été expropriés, ce qui représente environ 40 % des terres travaillées par les arabes.
Alors qu'ils représentent 11 % de la population, ils ne forment que 1 % des étudiants, 2 %des employés de l'État et ne reçoivent que 2,5 %des crédits destinés à l'habitation.
Sur le plan politique, bien qu'en théorie ils aient les même droits que les Juifs, la discrimination existe partout. Le "régime militaire" sous lequel vivait la population arabe jusqu'à ces dernières années (passeports intérieurs, permis de circuler, couvre- feu, etc.) a été aboli officiellement il y a un peu plus d'un an, mais en fait subsiste. La seule organisation politique arabe "El Ard" (La Terre) qui voulait se présenter aux élections, a été interdite sous prétexte d'atteinte à l'intégrité du territoire. Le seul quotidien de langue arabe a disparu.
Tous ces faits montrent ce que signifie en fait l'Etat sioniste : l'oppression de la minorité arabe par la majorité juive.
C'est pourquoi la lutte pour le socialisme dans cette partie du monde passe pour les révolutionnaires israéliens, par la lutte pour la désionisation de l'État israélien. L'abolition de la religion juive comme religion d'État, l'instauration d'un état civil laïque, l'abolition de la loi du retour qui fait de chaque Juif un citoyen de plein droit de l'Etat d'Israël (alors que le million de réfugiés palestiniens est considéré comme étranger) sont les principaux points de ce programme.
                                                                                ***

LA SITUATION AUJOURD'HUI

Mais si le problème palestinien n'a guère évolué depuis 1948, par contre un certain nombre de bouleversements ont eu lieu dans le Moyen- Orient. La monarchie hachémite d'Irak s'est effondrée, Farouk a perdu son trône et, en Egypte et en Syrie sont apparus des régimes qui, sur une base bourgeoise et nationaliste, ont tenté de s'opposer à l'impérialisme. Il ne s'agit nullement pour nous d'idéaliser ces régimes et de découvrir en leur sein ne serait- ce qu'un soupçon de "socialisme arabe". Mais dans leur défense limitée et timide contre l'impérialisme, un des principaux obstacles auquel se sont heurtés les pays arabes, a été l'Etat d'Israël.
C'est d'Israël que partent les troupes lorsque Nasser nationalise le canal de Suez en 1956, c'est Israël qui autorisera les avions anglais à survoler son territoire pour qu'ils puissent porter secours à la monarchie irakienne en 1958. C'est encore Israël qui menace d'intervention les réfugiés arabes de Jordanie si ceux- ci tentent de renverser Hussein. C'est Israël enfin qui, il y a quelques mois, avertissait publiquement que son armée était prête à renverser le gouvernement "révolutionnaire" syrien.
Depuis 1948, s'il n'a pas été le seul, l'Etat sioniste a été sans doute le plus puissant allié de l'impérialisme en général et de l'impérialisme américain en particulier au Moyen- Orient. Si un Hussein est tenu en mains par les Anglais, si un Fayçal l'est de son côté par les Américains, aucun d'entre eux ne serait capable d'écraser une révolution populaire. Ce n'est certainement pas le cas de l'Etat d'Israël qui, bien armé, bien entraîné, disposant d'un appui populaire incontestable, apparaît comme l'ennemi le plus redoutable des peuples de cette région.
Dans le conflit qui vient d'éclater, il est aujourd'hui évident pour tout le monde que les Américains se tenaient derrière Israël et que l'agression était en fait dirigée principalement contre la Syrie et contre l'Egypte, pays qui ont tenté de se libérer plus ou moins de l'impérialisme. Le fait que Hussein et Fayçal se soient retrouvés dans le même camp ne changeait strictement pas la nature du conflit. La moitié de la population jordanienne est formée de Palestiniens, et ne pas entrer en guerre signifiait pour Hussein devoir faire face à une insurrection populaire. Ce n'était nullement l'impérialisme qui poussait la monarchie hachémite dans la guerre, mais la peur des masses populaires.
Ne parlons pas ici de Fayçal qui s'est déclaré en guerre par pure démagogie, au même titre d'ailleurs que les Boumedienne, les Bourguiba ou le Koweit. Ce qui est non moins certain pour les révolutionnaires, c'est que la politique chauvine et anti- juive des Nasser, des Nourredine, ne se différenciait nullement de celle menée avant eux par Farouk ou Zaim.
Que par leurs déclarations racistes, les dirigeants arabes aient permis aux dirigeants sionistes de duper leur peuple et de réaliser l'union sacrée, que la classe ouvrière arabe et les masses populaires se soient sans doute laissées prendre au chauvinisme de leur bourgeoisie, aucun révolutionnaire socialiste n'en doute un seul instant. Mais tout ceci n'est pas suffisant pour renvoyer dos à dos Israël et les pays arabes.
Notre soutien aux pays arabes ne signifie nullement l'alignement sur les leaders nationalistes. Au contraire, les révolutionnaires ont dénoncé la collusion entre Nasser, Hussein et Fayçal, c'est- à- dire l'appui apporté par Nasser aux monarchies les plus réactionnaires de la région. Ils expliquent que la propagande anti- juive d'un Choukeiry, de la Syrie ou de l'Egypte, ne donne pas d'autre choix aux masses israéliennes que de tuer ou d'être tué, et que, par cette propagande, les leaders arabes, malgré leurs déclarations, montrent leur nature profondément réactionnaire et anti- socialiste.
Mais, en s'inféodant à leur bourgeoisie, les travailleurs juifs se sont inféodés à l'impérialisme, en s'inféodant aux Nasser, aux Nourredine, les travailleurs arabes remettaient leur sort entre les mains de dirigeants bourgeois ou petit- bourgeois, anti- ouvriers, mais qui, dans une certaine mesure, s'opposaient à l'impérialisme. C'est pourquoi les révolutionnaires dans la lutte se trouvaient aux cotés des pays arabes et non dans le camp israélien. Cette position n'est ni simple ni commode. Mais elle est, quoi qu'on puisse en penser, extrêmement claire.
L'Etat d'Israël n'est pas la solution du problème juif, il ne peut pas l'être. Que l'Etat d'Israël existe ou n'existe pas, la solution du problème juif pour la dizaine de millions de Juifs de la terre, c'est en même temps la solution pour tous les opprimés, c'est le socialisme. Etre contre l'Etat d'Israël, être contre sa politique, être contre même son existence, ce n'est pas prendre le parti de ceux qui, dans le passé, dans le présent ou encore dans l'avenir, ont opprimé, oppriment ou opprimeront, les Juifs. Il n'est que de voir ceux qui, dans l'éventail politique français ont soutenu le plus violemment Israël, pour s'en rendre compte.
Ceci dit et posé, nous ne considérons pas que la disparition de l'Etat d'Israël soit nécessaire ou souhaitable. Nous pensons même que son existence pourrait être bénéfique à toute la population arabe et juive du Moyen- Orient. De même que nous pensions, et que nous pensons toujours, qu'il est regrettable que Pieds Noirs et Arabes n'aient pas su se fondre dans une Algérie indépendante. Quel pays cela aurait pu être !
Nous sommes contre le fait que l'Etat d'Israël joue à l'heure actuelle au Moyen- Orient le rôle qu'y jouait dans le passé la Légion arabe : légion étrangère de l'impérialisme.
Nous sommes contre la politique des dirigeants arabes qui dit qu'il faut effacer de la carte l'Etat d'Israël. En soi, cette disparition ne réglerait rien pour les peuples arabes.
Pour que l'Etat d'Israël puisse être bénéfique aux Juifs et aux arabes du Moyen-Orient, il lui faudrait une politique et une structure socialistes. Il faudrait que la minorité nationale, arabe ou juive, n'y soit pas opprimée, car un peuple qui en opprime un autre, n'est pas un peuple libre. Au point de vue politique, il lui faudrait lutter pour le socialisme mondial - car c'est la seule lutte anti- impérialiste possible et lutter contre l'impérialisme, parce qu'il n'est pas question, sans la destruction du capitalisme mondial, de socialisme même dans un seul kibbutz.
Pour les Juifs de Palestine, c'est la seule voie. Pour les Arabes du Moyen- Orient, c'est aussi la seule voie. C'est pourquoi nous avons une telle position politique, à la fois contre la politique des dirigeants israéliens et celle des dirigeants arabes.
En cas de conflit entre Israël et les Etats arabes, par contre, nous sommes aux côtés des derniers, car la politique des dirigeants arabes est peut- être contraire aux intérêts de leur peuple, mais les dirigeants israéliens combattent pour l'impérialisme. Dans une guerre entre la démocratie américaine et le sultan du Koweit, nous ne regarderions pas où est la République et où est la Monarchie, mais où est l'impérialisme.
Le peuple juif a d'autres possibilités que la guerre pour se prémunir contre les intentions bellicistes des dirigeants arabes. Qu'il consacre, ne serait- ce que la dixième partie de l'énergie qu'il met à faire la guerre, à lutter contre la politique de ses propres dirigeants, et il pourra se réserver un avenir meilleur.
Bien sûr, un conflit peut aboutir, par la victoire des Etats arabes, à ce qu'Israël disparaisse. Or, ce ne sont pas les révolutionnaires qui choisissent ce risque, mais les dirigeants israéliens et, en dernière analyse, le peuple juif. En Algérie aussi le problème du million d'européens était posé par tout le monde dans les mêmes termes, l'indépendance algérienne signifiant "le départ ou le massacre" du million d'européens. Il y avait une autre solution pour les Européens, et c'est parce que nous savions qu'il existait cette autre solution, solution pour laquelle nous militons, que nous étions dans le conflit aux côtés des Algériens.
Ou il y a la solution socialiste, ou lorsqu'on la rejette, il n'y a pas de solution, et alors là, sauf quand il s'agit de conflits entre deux impérialistes, il faut choisir son camp. Ceux qui choisissent celui de l'impérialisme nous les plaignons peut- être, comme nous plaignons les soldats américains au Vietnam, mais nous ne pouvons choisir leur camp.
C'est pourquoi, tout en considérant que c'est une politique criminelle de la part des dirigeants arabes de s'en prendre à Israël en tant qu'État, et au peuple Juif en tant que tel, c'est- à- dire implicitement en étant pour l'existence d'Israël, nous sommes, en cas de conflit ouvert, du côté des Arabes, même si cela devait se traduire par la fin d'Israël, tout comme la guerre d'Algérie s'est traduite par le départ des Pieds- noirs, ou comme un mouvement d'indépendance en Afrique du Sud pourrait se traduire par le départ des blancs, (cela ne veut pas dire que nous sommes contre les Européens en tant que nations, ou contre les blancs en tant que race). La politique d'un Etat regroupant deux millions de Juifs n'a rien à voir avec le sort et la libération des dix millions de Juifs qui vivent par le monde.

Nota : les chiffres d'avant 1945 sont, en général, tirés des articles de T. Cliff dans "IV e Internationale" - 1946 - certains autres de Weinstock dans "Partisans" - N ° 18- 20.

Lutte de Classe       juillet 1967
Je pressens ton effroi, que je regarde comme l'incapacité à rompre avec le nationalisme petit-bourgeois qui gangrène le mouvement trotskyste depuis plus de 50 ans.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par stef » 13 Jan 2003, 23:32

Com,


Je répondrai demain à ton post et à celui d'Emman. Mais puisque tu y reviens régulièrement et que ça commence à m'user, j'aimerais bien que tu arrête de gâtiser avec l'affaire du soutien au MNA algérien.

Que cette affaire soit une erreur scandaleuse, certes. Sauf que... l'OCI l'a caractérisée comme telle dès 1970. Et nous (CPS) avons considéré l'affaire comme suffisemment sérieuse pour y revenir nous même... il y a près de 20 ans. Le texte s'appelle Comment le révisionnisme s'est emparé de la direction du PCI.

Tu es parfaitement en droit de vouloir discuter cet épisode peu glorieux. Mais on ne saurait le faire sans consulter ce qui a été écrit dessus après coup, notamment concernant les racines de ces erreurs qui - par un hasard que tu expliqueras sans doute - ne se sont jamais reproduites. Je le dis avec d'autant plus de tranquillité qu'à cette époque (ceci expliquerait-il cela ? A toi de juger), Just était en congé du PCI. Ce ne sont donc qu'à moitié mes prédécesseurs qui ont trempé dans ce sombre épisode.

Extraits du texte:

a écrit :Par rapport au MNA. Autocritique de " Quelques enseignements de notre histoire.

Les lacunes et les faiblesses théoriques et politiques du PCI ne datent pas d’aujourd’hui. L’alignement politique du PCI derrière le MNA et surtout derrière Messali Hadj, jusqu’à la prise du pouvoir par De Gaulle en 1958 est officiellement admise. Dans la brochure " Les enseignements de notre histoire " une certaine " autocritique " est faite de cette erreur. Les racines en seraient selon cette " autocritique " que la direction du PCI n’avait pas apprécié que :

" Le MNA qui n’était pas considéré par les trostkystes comme un parti de type bolchévique mais comme un parti dont le programme reprenait en partie les éléments du programme révolutionnaire devait, selon les vues trostkystes à l’époque, à travers une série de mutations et crises internes sous la poussée de l’intervention marxiste, se transformer en un parti d’un tel type. L’erreur de méthode était complète.

" En effet, le MNA et avant lui le PPA, puis le MTLD, n’étaient pas construits sur le " programme " de la 4ème internationale et sur la méthode du marxisme. Le MNA, sorte de parti populiste d’extrême gauche ne pouvait devenir le creuset du parti révolutionnaire. Si radicales qu’aient été certaines positions du MNA, si correctes qu’aient été les appréciations comparées, portés par les trotskystes sur la politique du FLN et sur celle du MNA entre 1954 et 1958, il a été TOTALEMENT FAUX d’abandonner la lutte au sein du MNA pour la sélection d’une avant-garde marxiste, d’une fraction trostkyste.

" Mais les racines théoriques de l’erreur sont à rechercher plus profondément. Elles se situent dans une inassimilation de la révolution permanente. En effet, dans un article publié au début de 1955, les perspectives de la révolution algérienne sont correctement établies. Mais la conclusion de l’article est totalement erronée. Caractérisant les forces sociales en présence, en relation avec l’extraordinaire faiblesse de la bourgeoise algérienne (" musulmane ") il est fait état d’un " peuple-classe " identifié au prolétariat.

" Si faible que soit la bourgeoisie algérienne, elle reste une force sociale dont la puissance est considérablement renforcée par l’appui de l’impérialisme mondial et de la bureaucratie stalinienne. Il n’existe pas, il n’a jamais existé de " peuple-classe ". Il y a des classes : bourgeoisie et prolétariat. Le MNA, tout comme le FLN, ont représenté des formations petites bourgeoises dont le contenu bourgeois, donc incapable d’assumer les tâches de la révolution permanente, a été révélé, avec l’absence de parti ouvrier. " (Edition 1970, pages 98 et 99).

A distance au moins la critique semble insuffisante.

Le MNA et les conceptions d’appareils.
Le mode de fonctionnement du MNA –un chef historique disposant d’un puissant appareil qui lui est étroitement subordonné- impressionnait Lambert. Lambert voyait dans Messali et ses rapports avec son appareil nu exemple dont on devait tirer beaucoup pour la construction d’un parti révolutionnaire en France. Pour autant que la disproportion des forces de l’époque entre le MNA et le PCI le permettait, Lambert s’efforçait d’établir des rapports de chef à chef, d’appareil à appareil. Etant donné la faiblesse du PCI, cela aboutissait à la subordination de celui-ci au MNA politiquement et organisationnellement sous prétexte d’aide à la révolution algérienne. Les militants du PCI étaient transformés " en porteurs de valises ". La crise de la 4ème internationale a sans aucun doute porté un coup terrible au PCI mais la politique de subordination étroite politiquement et organisationnellement du PCI au MNA a contribué considérablement à l’affaiblir, à la réduire à 50 militants en 1958. D’autant plus que cette politique a fait faillite.

Les racines des " erreurs " par rapport au MNA c’était déjà l’opportunisme et ne conception d’appareil, aussi bien en ce qui concerne le fonctionnement du parti révolutionnaire, qu’en ce qui concerne les rapports de celui-ci avec les autres organisations. Ces racines n’ont jamais été extirpées.

stef
 
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