l'URSS un capitalisme d'état?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 28 Juin 2004, 13:24

En réponse à Logan : je n'ai certainement pas voulu dire que la discussion sur la nature de l'URSS n'était qu'un problème de mots. J'ai dit qu'on la menait trop souvent comme si c'était le cas, sans comprendre les réalités sociales qu'il y a derrière les formules abstraites, et sans comprendre que les formules sont des programmes politiques condensés. Et que plutôt que s'affronter à coup de formules, mieux vaut raisonner sur la réalité, et sur l'attitude que les révolutionnaires doivent adopter face à cette réalité.
C'est le sens des questions que je te posais, et, je crois, de celles de Pelon : le renversement, ou la dissolution, de la bureaucratie par le capitalisme, a-t-elle été bénéfique pour la classe ouvrière ? ou au contraire nuisible ? ou sans importance ? Quelle attitude les révolutionnaires devaient-ils conseiller (en 1936, ou en 1990, ou en 2004) aux travailleurs russes face au rétablissement de la propriété privée ?
C'est cela, le "vrai" débat sur la nature de l'URSS.
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Message par logan » 30 Juin 2004, 12:12

a écrit :C'est le sens des questions que je te posais, et, je crois, de celles de Pelon : le renversement, ou la dissolution, de la bureaucratie par le capitalisme, a-t-elle été bénéfique pour la classe ouvrière ? ou au contraire nuisible ? ou sans importance ? Quelle attitude les révolutionnaires devaient-ils conseiller (en 1936, ou en 1990, ou en 2004) aux travailleurs russes face au rétablissement de la propriété privée ?
C'est cela, le "vrai" débat sur la nature de l'URSS.


C'est une bonne question.
Mais je la retourne.
Si l'URSS était un état ouvrier, même dégénéré, la classe ouvrière aurait lutté bec et ongles pour défendre son état. Or la classe ouvrière russe a été spectatrice lors des évènements de 1991. Manifestement la classe ouvrière russe ne se reconnaissait pas dans cet état et ne tenait pas à le défendre.

Cela confirme la thèse que l'URSS était un état non ouvrier.
Imagine t on en effet une bourgeoisie sans réaction alors que son état bourgeois est menacé??

Par contre au sommet de l'état on voit que les bureaucrates d'hier se reconvertissent en capitaliste privé aujourd'hui. Ce qui est symptomatique d'une certaine continuité. Continuité du mode de production capitaliste, même si l'on passe d'un capitalisme bureaucratique à un capitalisme privé (ou en passe de l'être)
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Message par Jacquemart » 30 Juin 2004, 12:36

Ce raisonnement présente les dehors de la logique ; mais en réalité, il est spécieux, car il suppose que la classe ouvrière - russe ou autre - ait toujours et en tout lieu conscience de ses propres intérêts. Ce n'est malheureusement pas le cas, contrairement à la bourgeoisie, qui elle, est une classe dominante.
Le fait que les travailleurs français n'aient guère réagi face aux attaques du gouvernement contre la sécu ne prouve pas que ces attaques n'en étaient pas.
Donc, pour en revenir à l'URSS, l'attitude des travailleurs russes n'est pas un critère, ou en tout cas, pas un critère déterminant.
Je te renvoie donc la question : les travailleurs russes ont-ils eu raison de ne pas s'opposer au démantèlement de l'économie planifiée ? Objectivement, le rapport de force avec leurs exploiteurs s'est-il dégradé, ou non ?
Quant à la "certaine continuité" entre les bureaucrates et les capitalistes, elle était évidente pour Trotsky dès 1936. Car tous deux sont des exploiteurs. Mais s'il n'y avait que "continuité", on se demande bien pourquoi l'histoire des rapports entre la bureaucratie et la bourgeoisie russe ou internationale a été aussi mouvementée, et parfois, aussi violente.
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Message par Barikad » 30 Juin 2004, 12:44

Ce débat sur la nature de classe de l'URSS n'est pas nouveau. Il traversait déjà l'opposition de gauche russe des années 20. C'est à cette époque que Léon Trotsky à devellopé son analyse de l'etat sovietique en le caractérisant "d'Etat ouvrier bureaucratiquement déformé".
Au sortir de la guerre, le mouvement troskiste à été confronté à une epreuve théorique:
Les pays qui se sont retrouvé à l'est du "rideau de fer" se sont retrouvé avec un systeme politique, economique et social calqué sur le modéle russe. Hors, caractériser ces états comme ouvriers était accépter que la bureaucratie stalienne pouvait jouer un role revolutionnaire, et donc, qu'un autre agent que la classe ouvriere pouvait renverser le capitalisme. La quatrieme internationale "officielle" à malheureusement plongé dans cette erreur, ce qui l'a amené par la suite à courrir aprés de multiple substitut à la classe ouvriere (FLN algérien ou vietnamien, paysans chinois, barbudos cubain ect...).
Les ancetre de LO ont devellopé pour leur part l'analyse "d'etat bourgeois sans bourgeoisie".
Une partie de la section anglaise à pour sa part devellopé la théorie du "capitalisme d'etat" derriere tony cliff et le futur SWP En anglais ici ou un resumé en francais ici
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Message par logan » 30 Juin 2004, 13:02

a écrit :Mais ce n'est pas une classe sociale, pour des nombreuses raisons. Khroutchev, qui avait eu tous les pouvoirs en URSS, quand il fut écarté par les autres dirigeants, devint un petit retraité avec datcha dans la Caucase (Dassaut, personne ne va décider qu'à partir de demain, ce n'est plus un capitaliste). En URSS, tous les privilèges étaient précaires, non juridiquement reconnus. Rien à voir avec le bourgeois qui existe par ses capitaux, transmicibles par héritage, tout cela complètelment inconnu en URSS


Marx dans le capital définit ce qu'est une classe sociale : "Un ensemble de personnes jouant un rôle analogue dans le processus dans la production, ayant dans le processus de production des rapports identiques avec d'autres personnes."
A cette définition on doit ajouter qu’une classe ne se définit qu’en contradiction avec une autre classe dans un rapport d’exploitation.

L'hérédité n'est pas un élément permettant de reconnaître une classe sociale.
Ce qui définit une classe c’est sa place dans le processus de production et son antagonisme avec une ou plusieurs autres classes.
L’hérédité permet juste la pérennité d'une classe.
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Message par logan » 30 Juin 2004, 13:09

a écrit :Ce raisonnement présente les dehors de la logique ; mais en réalité, il est spécieux, car il suppose que la classe ouvrière - russe ou autre - ait toujours et en tout lieu conscience de ses propres intérêts. Ce n'est malheureusement pas le cas, contrairement à la bourgeoisie, qui elle, est une classe dominante.
Le fait que les travailleurs français n'aient guère réagi face aux attaques du gouvernement contre la sécu ne prouve pas que ces attaques n'en étaient pas.
Donc, pour en revenir à l'URSS, l'attitude des travailleurs russes n'est pas un critère, ou en tout cas, pas un critère déterminant.


Il y a une différence énorme (qualitative) entre des attaques contre la sécu et le bouleversement de rapports de production!!
Par exemple la bourgeoisie tolère, dans les périodes de remontée des luttes, les augmentations de salaires. pourtant celles ci rognent sa plus value et limite son exploitation.
Par contre si la classe ouvrière tente de lui prendre sa propriété la bourgeoisie emploiera tous les moyens pour la défendre.

La classe ouvrière a compris depuis longtemps qu'elle n'avait pas de propriété (de moyens de production) à défendre en URSS puisque celle ci était aux mains de la bureaucratie. C'est pour cela qu'on ne pouvait plus parler d'état ouvrier.

J'ai cité plus haut le parallèle entre la bureaucratie fasciste et la bureaucratie soviétique établi par tortsky.
Trotsky affirmait que si la bureaucratie fasciste attenatit à la propriété des capitalistes il y aurait une guerre civile.
En 1991 La bureaucratie soviétique a attenté à la sois disant proprité ouvrière et il n' y a eu aucune réaction.

Cela confirme
1/ Que le parallèle entre bureaucratie fasciste et soviétique de Trotsky est erroné
2/ Que la classe ouvrière russe n'avait pas de propriété ni d'état à défendre
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Message par Friedrich » 30 Juin 2004, 13:20

(Barikad @ mercredi 30 juin 2004 à 13:44 a écrit : Ce débat sur la nature de classe de l'URSS n'est pas nouveau. Il traversait déjà l'opposition de gauche russe des années 20. C'est à cette époque que Léon Trotsky à devellopé son analyse de l'etat sovietique en le caractérisant "d'Etat ouvrier bureaucratiquement déformé".
Au sortir de la guerre, le mouvement troskiste à été confronté à une epreuve théorique:
Les pays qui se sont retrouvé à l'est du "rideau de fer" se sont retrouvé avec un systeme politique, economique et social calqué sur le modéle russe. Hors, caractériser ces états comme ouvriers était accépter que la bureaucratie stalienne pouvait jouer un role revolutionnaire, et donc, qu'un autre agent que la classe ouvriere pouvait renverser le capitalisme. La quatrieme internationale "officielle" à malheureusement plongé dans cette erreur, ce qui l'a amené par la suite à courrir aprés de multiple substitut à la classe ouvriere (FLN algérien ou vietnamien, paysans chinois, barbudos cubain ect...).

C'est tout à fait faux d'opposer les conclusions justes de la 4eme internationale sur les démocraties populaires caractérisées comme "Etat ouvrier bureaucratiquement déformés dès le départ" aux conclusions de Trotsky avant guerre.

En effet, Trotsky avait déjà résolu ce problème dès 1940 et avait déjà entrevu que la bureaucratie russe ne pourrait pas faire autrement que "d'importer" les nouveaux rapports sociaux et économiques établis en URSS et ceci contre sa propre volonté.

Et dès 1939, Trotsky averti que le fait particulier et progressiste que la bureaucratie russe importe ces rapports sociaux et économiques, n'efface en rien la caractérisation réactionnaire de la bureaucratie (donc ne pas se mettre à la remorque des stals).

voici le texte : ici

Et voici le passage qui nous intéresse :

a écrit :
Le problème des territoires occupés.

Au moment où j'écris ces lignes, le sort des territoires occupés par l'Armée rouge reste toujours obscur. Les dépêches se contredisent, car les deux parties mentent à l'envi. Mais les rapports de force sur le terrain sont sans aucun doute toujours fort incertains. Une partie des territoires occupés sera indubitablement incorporée à l'U.R.S.S. Sous quelle forme. précisément?

Supposons un instant que, conformément au pacte conclu avec Hitler, le gouvernement de Moscou conserve intacts les droits de la propriété privée dans les territoires occupés et se borne au "contrôle" sur le modèle fasciste. Une telle concession revêtirait sur le plan des principes une très grande importance et pourrait constituer le point de départ d'un nouveau chapitre de l'histoire du régime soviétique et donc d'une nouvelle appréciation, de notre point de vue, de la nature de l'Etat soviétique.

Il est plus vraisemblable, cependant, que dans les territoires qui doivent être incorporés à l'U.R.S.S., le gouvernement de Moscou procédera à l'expropriation des grands propriétaires et à l'étatisation des moyens de production. Cette orientation est plus probable non parce que la bureaucratie reste fidèle au programme socialiste, mais parce qu'elle ne veut ni ne peut partager le pouvoir et les privilèges qui en découlent avec les anciennes classes dirigeantes dans les territoires occupés. Ici une analogie se présente d'elle-même. Le premier Bonaparte arrêta la révolution au moyen d'une dictature militaire. Toutefois, lorsque les troupes françaises envahirent la Pologne, Napoléon signa un décret stipulant: "Le servage est aboli". Cette mesure n'était dictée ni par les sympathies de Napoléon pour les paysans, ni par des principes démocratiques, mais par le fait que la dictature bonapartiste s'appuyait sur les rapports de propriété bourgeois et non féodaux. Etant donné que la dictature bonapartiste de Staline s'appuie sur la propriété d'Etat et non sur la propriété privée, l'invasion de la Pologne par l'Armée rouge doit, dans ces conditions, entraîner l'abolition de la propriété privée capitaliste, afin d'aligner le régime des territoires occupés sur celui de l'U.R.S.S.

Mesure révolutionnaire par sa nature "l'expropriation des expropriateurs s'effectue dans ce cas de manière militaro-bureaucratique. Tout appel a une action indépendante des masses - mais sans un tel appel, fût il très prudent, il est impossible d'établir un nouveau régime- sera sans nul doute étouffé le lendemain même par d'impitoyables mesures de police, afin d'assurer la prépondérance de la bureaucratie sur les masses révolutionnaires en éveil. C'est là un aspect de la question. Mais il y en a un autre. Pour avoir la possibilité d'occuper la Pologne au moyen d'une alliance militaire avec Hitler, le Kremlin a depuis longtemps trompé et continue de tromper les masses en U.R.S.S. et dans le monde entier et a, de ce fait, provoqué la décomposition complète des rangs de sa propre Internationale communiste. Le critère politique essentiel pour nous n'est pas la transformation des rapports de propriété dans cette région ou une autre, si importants qu'ils puissent être par eux-mêmes, mais le changement à opérer dans la conscience et l'organisation du prolétariat mondial, l'accroissement de sa capacité à défendre les conquêtes antérieures et à en réaliser de nouvelles. De ce seul point de vue décisif, la politique de Moscou considérée globalement, conserve entièrement son caractère réactionnaire et demeure le principal obstacle sur la voie de la révolution internationale.

Notre appréciation générale du Kremlin et de l'Internationale communiste ne modifie pas cependant le fait particulier que l'étatisation des formes de la propriété dans les territoires occupés constitue en soi une mesure progressiste. Il faut le reconnaître ouvertement. Si Hitler lançait demain ses armées à l'assaut de l'Est afin de rétablir "l'ordre" dans la Pologne orientale, les travailleurs d'avant-garde défendraient contre Hitler ces nouvelles formes de propriété établies par la bureaucratie bonapartiste soviétique.


Cela dit ce texte pulvérise les théories LOistes sur les démocraties populaires : "Etat bourgeois sans bourgeoisie".
Friedrich
 
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Message par logan » 30 Juin 2004, 13:21

a écrit :Quant à la "certaine continuité" entre les bureaucrates et les capitalistes, elle était évidente pour Trotsky dès 1936. Car tous deux sont des exploiteurs
.

Jacquemart tu peux préciser ce que tu entend pas "exploiteur"?
Et sur quesl écrits de Trotsky tu te bases pour affirmer cela?
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Message par Friedrich » 30 Juin 2004, 13:30

(logan @ mercredi 30 juin 2004 à 14:09 a écrit : J'ai cité plus haut le parallèle entre la bureaucratie fasciste et la bureaucratie soviétique établi par tortsky.
Trotsky affirmait que si la bureaucratie fasciste attenatit à la propriété des capitalistes il y aurait une guerre civile.
En 1991 La bureaucratie soviétique a attenté à la sois disant proprité ouvrière et il n' y a eu aucune réaction.

Cela confirme
1/ Que le parallèle entre bureaucratie fasciste et soviétique de Trotsky est erroné
2/ Que la classe ouvrière russe n'avait pas de propriété ni d'état à défendre
Sans réaction de la part de la classe ouvrière ? Tu passes un peu vite sur 70 ans de stalinisme, 70 ans d'une machine à réprimer tout veilleté de la classe ouvrière russe, 70 ans de goulag...

Tu passes sous silence la destruction totale et compléte de toute forme d'organisation politique un tant soit peu indépendante du Kremlin en URSS.

C'est une guerre civile rampante et constante mais s'en est une.

Et encore, c'est passer sous silence les résistances qu'il y a eu. Je vais essayé de te trouver les cahiers du Cermtri qui font état des grèves d'ouvriers contre la perestroïka.
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Message par alex » 30 Juin 2004, 13:41

(barikad @ a écrit :Les ancetre de LO ont devellopé pour leur part l'analyse "d'etat bourgeois sans bourgeoisie".


Est-ce qu'il est possible de mettre en ligne des textes sur ce sujet ?
Je ne suis pas en désaccord avec l'analyse de LO sur les pays du bloc de l'est mais l'appelation d'Etat bourgeois sans bourgeoisie m'a toujours fait tiquer, comme le fait que les pays Baltes, suite à une victoire de guerre, se retrouvent appartenir à la catégorie d'Etat ouvrier déformé sans n'avoir jamais connu de révolution ouvrière, rendant ainsi un caractère progressiste à l'armée rouge stalienne.
alex
 
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