Ernesto Che Guevara

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par boispikeur » 17 Août 2004, 01:25

Non, je ne pense pas que Cuba soit socialiste.

Mais je pense que Guevara était sincerement communiste, et qu'il agissait selon ces idées.

Pour Guevara, agent de la bourgeoisie cubaine (On dit comment déjà? "Allié objectif", c'est ça?)... Non rien, cette discussion est stérile.

Bonne nuit
boispikeur
 
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Message par othar » 17 Août 2004, 10:14

(Dongfang @ mardi 17 août 2004 à 02:39 a écrit : Guevara est un agent de la bourgeoisie tout simplement par le fait d'être ministre d'un gouvernement bourgeois, et ses mesures d'industrialisation, du fait que Cuba n'est pas socialiste, profitent uniquement à la bourgeoisie.


d'un premier abord, tout cela mérite au minimum quelques nuances, non?

En ce qui me concerne, j'ai beaucoup de respect pour le "personnage" mais pas beaucoup pour ses idées.
Je crois qu'à son époque, si la classe ouvrière n'avait pas en quelque sorte disparu de la scène politique (depuis la seconde guerre mondiale), un gars de ce calibre aurait pu apporté beaucoup de crédit à la lutte du prolétariat mondial.

Malheureusement, du fait de l'affaiblissement du rôle politique du prolétarait (désolé de me répéter...), conséquence de la contre-révolution stalinienne, du poids du réformisme de la Sociale-démocratie et de l'echec des révolutions (chinoise,espagnole,hongroise), la période était aux "luttes de libération nationale" dont le moteur ne pouvait être que la petite-bourgeoisie "spoliée par l'Impérialisme".

D'une certaine manièe, le Che est le produit de son époque.
Il ne s'agit pas de lui reprocher cela mais de le parer d'idées qu'il n'avait pas même s'il a du en entendre parler de la part des groupes trotskystes "marginalisés" dans la période.
othar
 
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Message par Nestor Cerpa » 17 Août 2004, 11:39

Mais le problème crucial, pour atteindre une économie socialiste, est le «sous-développement» économique de l'île, sous-développement que le Che définira de manière imagée et forte: «Qu'est ce que le sous-développement? Un nain avec une énorme tête et une poitrine puissante est «sous-développé «, dans ce sens que ses jambes faibles et ses bras courts ne correspondent pas au reste de son anatomie... Nos pays ont des économies faussées par la politique impérialiste qui a développé anormalement les branches industrielles ou agricoles de façon à ce qu'elles deviennent complémentaires des économies complexes des impérialistes. Le « sous-développement» ou développement faussé, amène dans les matières premières une dangereuse spécialisation qui maintient les peuples sous la menace de la famine. Nous, les «sous-développés», sommes aussi les pays de monoculture. Un produit unique, dont la vente incertaine dépend d'un marché unique qui impose et fixe les conditions, voilà la grande formule de la domination économique impérialiste» («Cuba, cas exceptionnel ou avant-garde?, 1963»).

En effet, la principale production de Cuba est le sucre de canne, qu'elle exporte et échange contre les produits agricoles, industriels et énergétique (le pétrole) qui lui font défaut. Le sous-développement doit donc être surmonté: l'indépendance économique permettra ainsi une réelle indépendance politique. Pour obtenir cela, le Che préconise une industrialisation importante qui implique que la Révolution doit désormais s'appuyer essentiellement sur les ouvriers. Les paysans ne sont pas oubliés dans ses plans, loin de là: ils obtiennent une réforme agraire et une amélioration considérable de leur niveau de vie et sont appelés à développer la polyculture (diversification de la production agricole, notamment en légumes, etc.). Mais dorénavant, pour le Che, une seule classe sociale pouvait libérer le pays de sa dépendance, du sous-développement et permettre une accumulation économique suffisante, base minimale pour atteindre le socialisme: le classe ouvrière. Le Che lance ainsi un vaste plan d'industrialisation, de création d'industries nouvelles et d'introduction de nouveaux procédés modernes de production.

extrait du site du pos
Nestor Cerpa
 
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Message par Nestor Cerpa » 17 Août 2004, 11:40

LE MARXISME DE CHE GUEVARA:

«Vous pouvez tuer un homme. Vous ne pouvez pas tuer une idée qui plonge ses racines dans la réalité sociale la plus profonde. » Ernest Mandel, La Gauche du 21 octobre 1967.

Après avoir parcouru la vie du Che, nous allons aborder dans cette deuxième partie les aspects spécifiques de sa pensée marxiste. Aspects importants, car sa vie et son oeuvre (à l'image même du marxisme qui s'affirme comme unité entre la théorie et la pratique) sont inséparables. La fait que l'on a trop souvent présenté le Che, et qu'on le présente encore aujourd'hui, comme un simple « guerrier révolutionnaire « qui plus est « romantique « (ce qui est évidemment très commode pour l'ordre établi), démontre qu'il est également important d'aborder le Che théoricien pour montrer que ses actes se conformaient de manière conséquente à une pensée marxiste riche et fertile. Il nous faut donc aborder cette pensée, mais sans oublier non plus ses actes et, comme le Che le faisait lui-même à son sujet, ne pas hésiter à critiquer ses aspects erronés ou insuffisants lorsqu'il le faut.

Ch. 7. L'internationalisme

L'internationalisme de Guevara était presque une seconde nature chez lui. Argentin, il participa aux événements du Guatemala, à la révolution cubaine, à la lutte congolaise, appela à partager le sort du Vietnam et finira sa vie en Bolivie. L'internationalisme était pour lui une nécessité intérieure d'éducation révolutionnaire; « Il ne peut exister de socialisme s'il ne s'opère pas dans les consciences un changement qui provoque une nouvelle attitude fraternelle envers l'humanité «. Pour lui, pour préserver la révolution victorieuse, il faut maintenir l'internationalisme prolétarien car il est un rempart contre la dégénérescence de cette révolution: «(le révolutionnaire), si son ardeur révolutionnaire s'émousse une fois les tâches les plus urgentes réalisées, à l'échelle locale, et s'il oublie l'internationalisme prolétarien, la révolution qu'il dirige cesse d'être un moteur et s'enfonce dans une confortable torpeur qui est mise à profit par (...) les impérialistes «.

Mais l'internationalisme est également une nécessité «extérieure». Dès 1959, l'extension de la révolution cubaine à toute l'Amérique Latine était sa préoccupation constante: «nous devons travailler chaque jour en pensant à l'Amérique Latine» déclare-t-il. Préoccupation fondée sur la certitude, surtout à partir de 1964, que le destin de l'Etat révolutionnaire cubain et son autonomie face à la bureaucratie soviétique était lié au destin de la révolution latino-américaine. D'autre part, son internationalisme conséquent se fondait sur la compréhension du lien étroit entre les processus révolutionnaires dans les différents pays à l'échelle mondiale: «Il faut tenir compte du fait que l'impérialisme est un système mondial, étape suprême du capitalisme, et qu'il faut le battre dans un grand affrontement mondial» («Le socialisme et l'homme à Cuba», 1965) Son internationalisme ne se limitait donc nullement à l'Amérique Latine: il a été un des rares dirigeants révolutionnaires de notre époque à comprendre l'unité organique du système capitaliste mondial, le rapport dialectique entre les différents secteurs de la lutte de classe à l'intérieur de ce système, et la nécessité d'une stratégie révolutionnaire unifiée à l'échelle internationale. Cette unité mondiale de la lutte de classe peut se définir comme suit: les combats que se livrent les prolétariats de chaque pays, ou telle ou telle de leurs fractions, constituent tous une partie d'un tout; l'affrontement général entre le prolétariat et la bourgeoisie. La lutte de classe est devenue internationale, comme la circulation du capital et la fluctuation des prix. Les rythmes, les formes, l'évolution de ces combats très divers épousent les particularités nationales et subissent le poids des héritages, mais leurs interactions, même inconsciente, est permanente.

En avançant, en 1967, le mot d'ordre «Un deux, trois, plusieurs Vietnam», Guevara esquissait (pour la première fois dans l'Histoire du mouvement ouvrier, exception mise à part de la petite minorité marxiste-révolutionnaire) une orientation révolutionnaire mondiale qui n'obéissait pas aux intérêts nationaux de tel ou tel Etat, de telle ou telle puissance « socialiste «, mais du prolétariat international dans son ensemble. Et il ne se bornait pas à lancer des slogans, il mettait en pratique ce qu'il proposait, en essayant, en Amérique Latine, d'ouvrir un deuxième front qui pourrait venir en aide au Vietnam et briser l "isolement de Cuba.

L'internationalisme était pour le Che à la fois un impératif moral, une exigence éthique de l'humanisme révolutionnaire, qui dépasse les étroites limites nationales dans un puissant mouvement de solidarité fraternelle, contre l'ennemi commun: «Il n'est pas de frontière dans cette lutte à mort... la pratique de l'internationalisme prolétarien n'est pas seulement un devoir pour les peuples qui luttent pour un avenir meilleur; c'est aussi une nécessité inéluctable» («Discours d'Alger»). Bien entendu, on peut lui reprocher de privilégier trop le tiers monde dans sa vision de la lutte de classe planétaire, et de ne pas concevoir la nécessité d'une révolution anti-bureaucratique en URSS et dans les pays de l'Est, même s'il critiquait sévèrement le « modèle économique « soviétique. Il reste que depuis la mort de Trotsky, on avait jamais vu un dirigeant révolutionnaire d'envergure historico-mondiale mettre, comme lui, l'internationalisme au coeur de sa perspective politique et de son activité militante. Un dirigeant qui ne se conduit pas comme «homme d'Etat», mais comme un combattant de la révolution mondiale, et paye de sa propre personne la mise en oeuvre de sa stratégie internationaliste.

Ch.8 La théorie de la guérilla

La lutte de guérilla, développée par les révolutionnaires cubains et théorisée par le Che, allait à l'encontre des méthodes de lutte des partis communistes staliniens. Pour ces derniers, la révolution en Amérique Latine ne pouvait être que «démocratique-bourgeoise» (cf. Ch.10). Dans ce cadre, elle ne devait se limiter qu'aux villes et impliquait la possibilité d'alliances avec l'armée ou une partie de cette dernière. Or, au-delà de la fausseté de cette conception, les armées latino-américaines sont essentiellement constituées d'éléments réactionnaires très liés à l'aristocratie des grands propriétaires terriens, à la grande bourgeoisie et à l'impérialisme américain. A chaque tentative de réformes sociales, l'armée, par des coups d'états sanglants, renversait les régimes progressistes. Pour Guevara, au contraire, le caractère socialiste de la révolution implique la destruction de l'appareil militaro-bureaucratique de l'Etat bourgeois. La défaite et la destruction de l'armée est donc une condition essentielle de ce point de vue. Et pour détruire cet instrument sanglant de l'asservissement des masses qu'est l'armée, il faut pouvoir lui opposer une armée révolutionnaire. Pour le Che, la guérilla est donc la continuation par les armes de la politique révolutionnaire car, dans le contexte de certains pays latino-américains, où les formes de lutte légales ou électorales sont quasiment impossibles, (à cause de la tyrannie des régimes en place), seule la lutte armée « illégale «de masse peut être efficace.

Partant de son expérience cubaine et de l'étude d'autres mouvements révolutionnaires armés (les partisans yougoslaves, algériens, vietnamiens et les enseignements militaires de Mao), le Che va définir les axes tactiques et stratégiques de la guerre de guérilla en Amérique Latine. Premier postulat fondamental; «dans l'Amérique sous-développée, le terrain fondamental de la lutte armée doit être la campagne» car: 1) La population rurale est majoritaire dans le continent; 2) Les paysans pauvres et le prolétariat agricole sont surexploités et voués à la misère, ce qui leur donne un potentiel révolutionnaire puissant; 3) Les insurrections urbaines limitées strictement à la ville sont vouées à l'échec; 4) La campagne offre plus de sécurité à l'action clandestine en offrant un vaste terrain de manoeuvre, de cachettes, etc.

S'il est vrai que la campagne offre des avantages certains comme terrain de lutte, le Che n'en sous-estimait pas moins les possibilités de lutte dans la ville. Même s'il reconnaissait l'importance «primordiale»de la lutte urbaine dans la phase finale, il la considérait, au début, comme une force d'appoint secondaire par rapport à la guérilla rurale. La guérilla urbaine des Tupamaros en Uruguay dans les années 70 allait démontrer qu'une telle forme de lutte était possible, surtout, évidemment, dans les pays où la population urbaine est importante. De plus, la campagne n'est pas un « sanctuaire « pour les révolutionnaires et leurs dirigeants: la propre capture du Che le prouve. Enfin, la conscience révolutionnaire des masses, même potentielle, n'est pas mécaniquement liée à leur état de misère

Second postulat de Guevara: «On ne doit pas attendre que soient réunies toutes les conditions pour faire la révolution: le foyer insurrectionnel peut les faire surgir « («La guerre de guérilla»). Pour le Che, le foyer (le «foco» en espagnol) de guérilla doit jouer le rôle de catalyseur en exacerbant les contradictions de classes lorsqu'il s'affronte au pouvoir et en démontrant aux masses qu'il est possible de lutter et de vaincre. Ce postulat allait à l'encontre des conceptions traditionnelles «attentistes» pour qui il fallait attendre absolument que toutes les conditions favorables soient réunies pour passer à l'action révolutionnaire. Mais contre l'attentisme absolu des partis communistes traditionnels, le Che ne développait pas non plus un volontarisme aveugle: «l'établissement du premier foyer de guérilla nécessite un minimum de conditions favorables «. Ces conditions sont de nature économiques, sociales, politiques et idéologiques, et il faut les déterminer par une analyse concrète de la situation concrète.

Contrairement à beaucoup d'adeptes du Che, qui, par la suite, allaient tenter de mettre en pratique ses enseignements de manière dogmatique et mécanique (ce qui allait entraîner l'échec de plusieurs guérillas latino-américaines), la conception de Guevara du foyer de guérilla n'est pas volontariste ni mécaniste. Bien que sa dramatique expérience bolivienne démontre qu'il avait lui-même sous-estimé l'importance des «conditions nécessaires», sa position théorique est juste. Elle est celle de la dialectique matérialiste qui dépasse à la fois le matérialisme vulgaire et mécaniciste («les conditions déterminent seules le processus historique «) et l'idéalisme (qui affirme la toute puissance de la volonté). Pour le Che: la pratique de l'avant-garde révolutionnaire est le produit de conditions données, mais elle peut être à son tour créatrice de conditions nouvelles. Par son rôle au niveau de la conscience des masses, le foyer de guérilla peut donc agir comme un catalysateur et gagner, via son activité politico-militaire, l'adhésion des masses paysannes, puis ouvrières, qui rejoindront la lutte. Si, pour le Che, le noyau initial de la guérilla peut ne compter que quelques dizaines d'hommes, il doit, par la suite, acquérir le soutien actif des masses et grossir au fur et à mesure que des centaines de volontaires le rejoignent. Pour lui, la guerre de guérilla n'est donc pas l'affaire d'une minorité, au contraire: «Ceux qui veulent faire une guérilla, oubliant la lutte de masses, comme s'il s'agissait de deux luttes contraires, sont à critiquer. Nous sommes contre cette position. La guerre de guérilla est une guerre du peuple, c'est-à-dire une lutte de masses. Prétendre faire la guerre de guérilla sans l'appui de la population, c'est aller vers un désastre inévitable. La guerre de guérilla est l'avant-garde combattante du peuple (...) appuyée sur la lutte de masse des paysans et des ouvriers de la zone et de tout le territoire où elle se trouve. Sans ces conditions, on ne peut admettre la guerre de guérilla.» («La guerre de guérilla, une méthode», 1963)

L'influence des conceptions politico-militaires de Mao Tsé-Tung sur Che Guevara est ici évidente, notamment dans l'insistance qu'il porte au fait que la guérilla ne développe pas seulement une activité militaire, mais aussi et surtout politique. Par la propagande, mais aussi par les actes (réforme agraire dans son territoire), la guérilla joue un rôle d'éducatrice révolutionnaire des masses. Ses actes et prises de positions doivent amener à ce que la guérilla apparaisse peu à peu comme un «pouvoir alternatif» opposé au pouvoir établi, rendant concrètement possible la nécessité d'un changement radical et révolutionnaire. La victoire est impossible si l'on ne prend en compte que les aspects « techniques «: le caractère politico-militaire de la guérilla doit être omniprésent car elle est une des forme que prend la lutte de classe.

En partie justes, les conceptions du Che comportent toutefois une «tendance à réduire la révolution à la lutte armée, la lutte armée à la guérilla rurale et celle-ci au petit noyau du foco «. (M.Löwy). La lutte armée ne se limite pas à la guérilla: l'insurrection armée, les affrontement armés comme aboutissement d'une période de luttes de plus en plus radicale ou à l'issue d'une grève générale insurrectionnelle: tels sont également les aspects que peut prendre la lutte. De plus, le Che avait également tendance à étendre à toute l'Amérique Latine ses concepts de la guérilla, or, plusieurs pays (Argentine, Uruguay, etc.) à forte population urbaine et ouvrière ne correspondent pas au schéma cubain.

Le Che reprend également à son compte les «trois moments» de la guérilla théorisés par Mao: «Le premier, de défense stratégique, moment où la petite force mord l'ennemi» mais est encore très fragile: «Sa défense consiste dans les attaques limitées qu'elle peut réaliser». Deuxièmement: «Le point d'équilibre où s'établissent les possibilités d'action de l'ennemi et de la guérilla». Troisièmement: «Le moment final où l'ennemi est débordé et où l'armée de libération peut prendre les grandes villes et liquider totalement l'adversaire». Mais le Che se détachait tout de même des conceptions maoïstes sur deux questions essentielles: 1) pour lui, il n'est pas nécessaire que le noyau initial de guérilla comprenne des éléments d'origine prolétarienne citadine; 2) et il soutient, à l'encontre des conceptions étapistes staliniennes ou maoïstes, que la révolution prend immédiatement un caractère socialiste, sans étapes intermédiaires. De plus, l'attitude de la guérilla envers ses ennemis est tout à fait différente chez Guevara des méthodes appliquées, par exemple, par le Sentier Lumineux: organisation armée maoïste qui sévit actuellement au Pérou. Le Che Guevara, à Cuba ou en Bolivie, contrairement à cette organisation, n'exécutait jamais les soldats ou les officiers de l'armée fait prisonniers. Il n'exécutait jamais non plus, ce que fait actuellement le Sentier Lumineux, les dirigeants des organisations politiques rivales! L'association entre l'image du Che et la guérilla du Sentier Lumineux faite actuellement par le PTB est donc une insulte à la mémoire et à l'humanisme révolutionnaire de Guevara.

Encore aujourd'hui, l'influence des idées du Che concernant la guérilla est forte. Des organisations telles que l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN, Mexique), l'Armée de libération nationale (ELN, Colombie) et le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA, Pérou) s'inspirent en partie ou se revendiquent largement du «guévarisme».

Ch.9 Marxisme antidogmatique et humanisme révolutionnaire

La même cohérence que l'on rencontre entre les idées et la vie du Che se retrouve dans les différents aspects de sa pensée marxiste. Sa compréhension du marxisme en tant qu'humanisme révolutionnaire se reflétait ainsi dans ses choix économiques: « Le socialisme économique sans la morale communiste ne m'intéresse pas. Nous luttons contre la misère, mais à la fois également contre l'aliénation. Un des objectifs fondamentaux du marxisme est de faire disparaître l'intérêt, le facteur «d'intérêt individuel» et de profit, des motivations psychologiques. Marx se préoccupait tout autant des faits économiques comme de leur traduction dans les esprits. «. De telles paroles ne s'étaient pas entendues dans la bouche d'un dirigeant d'un Etat révolutionnaire depuis Lénine! Si le Che insistait tant sur la nouvelle relation au travail qui devait s'instaurer dans la construction du socialisme (insistance logique du fait de l'arriération économique du pays qu'il fallait combler pour le sortir de la dépendance et du «sous-développement»), le rôle de la morale révolutionnaire devait également affecter toute la vie sociale. L'être humain, l'humanité - l'Homme dans le langage du Che - est la base de sa pensée, comme il estimait, avec raison, qu'elle était la base du marxisme.

Dans la lutte pour la libération de l'humanité du capitalisme doivent apparaître des sentiments. Le Che se réfère à ces derniers avec pudeur: « Laissez-moi vous dire, au risque de paraître ridicule, que le révolutionnaire véritable est guidé par des sentiments d'amour. Il est impossible de penser à un révolutionnaire authentique sans ces qualités «. L'humanisme révolutionnaire de Guevara s'exprime également dans son souci constant d'éduquer les gens à ressentir chaque injustice qui se commet de par le monde comme une injustice personnelle: «Un homme doit développer sa sensibilité, en sorte qu'il soit angoissé lorsqu'un homme est assassiné quelque part dans le monde ou exalté lorsque se lève un nouveau drapeau de liberté quelque part dans le monde. «

Ainsi, pour le Che, le marxisme authentique n'exclut pas l'humanisme: il l'incorpore comme un des moments nécessaires de sa propre vision du monde. C'est en tant qu'humaniste que le Che souligne l'originalité et l'importance de la révolution cubaine qui a essayé de construire «un système marxiste, socialiste, cohérent, ou approximativement cohérent, dans lequel on a mis l'Homme au centre, dans lequel on parle de l'individu, de la personne et de l'importance qu'elle a comme facteur essentiel de la révolution». «Humanisme dans le meilleur sens du terme»: par cette expression, il suggère qu'il est indispensable de distinguer l'humanisme de Marx et les humanismes «dans le mauvais sens du terme»: humanisme bourgeois, chrétien, rationnel, philanthropique, etc. Contre tout humanisme abstrait qui se prétend «au-dessus des classes» (et qui est, en dernière analyse, bourgeois) celui du Che, comme celui de Marx, est explicitement engagé dans une perspective de classe et de révolution prolétarienne. L'humanisme marxiste du Che est donc avant tout un humanisme révolutionnaire qui s'exprime dans sa conception du rôle des hommes dans la révolution, dans son éthique communiste et dans sa vision de l'homme nouveau.

Pour éviter tout fanatisme, l'humanisme marxiste doit être pour le Che un trait essentiel de tout militant révolutionnaire: «Il ne faut jamais oublier que le marxiste n'est pas une machine automatique et fanatique dirigée comme un torpille par un servo-mécanisme vers un objet déterminé. Fidel aborde expressément ce problème dans une de ses interventions: «Qui a dit que le marxisme est le renoncement aux sentiments humains, à la camaraderie, à l'amour pour le prochain, (...) c'est précisément l'amour de l'homme qui a engendré le marxisme (...)». Cette appréciation de Fidel est essentielle pour le militant du nouveau parti, souvenez-vous en toujours, camarades, gravez-là dans votre mémoire comme l'arme la plus efficace contre toutes les déviations. Le marxiste doit être le meilleur, le plus accompli des êtres humains, mais toujours et avant toute chose, un être humain.». («Le parti marxiste-léniniste»).

Guevara établit un lien direct entre cet humanisme et l'antidogmatisme dans le marxisme: «il faut posséder une grande dose d'humanité, une grande dose de sens de la justice et de la vérité pour éviter de tomber dans des extrêmes dogmatiques, dans une froide scolastique, dans un isolement des masses. Il faut lutter tous les jours pour que cet amour envers l'humanité vivante se transforme en faits concrets, en actes qui servent d'exemple, de mobilisation «. («Le socialisme et l'homme».)

Une des qualités essentielle du marxisme du Che est donc son caractère passionnément antidogmatique, créateur et vivant: « Pour construire le socialisme à Cuba, il faut fuit comme la peste la pensée mécanique. Le marxisme est une dialectique, un processus en évolution. Le sectarisme à l'intérieur du marxisme crée un malaise, un refus de l'expérience.» Pour Guevara, Marx était le fondateur d'une méthode d'analyse révolutionnaire scientifique qui peut et doit se développer en fonction de la transformation de la réalité elle-même, bref, il doit être en «création continue», les marxistes doivent «être à chaque instant des créateurs «. Cette méthode ne doit donc pas être figée en des vérités intouchables, éternelles, immobiles et incriticables, bref dogmatiques. Contre cela, Guevara insistait, tout comme Lénine, sur le fait que le marxisme est avant tout un guide pour l'action concrète dans une situation concrète et à une époque déterminée: «Le marxisme n'est donc qu'un guide pour l'action. Les grandes vérités fondamentales ont été découvertes, et à partir d'elles, avec l'arme du matérialisme dialectique, on interprète la réalité en chaque endroit du monde. C'est pourquoi aucune construction (révolutionnaire) ne sera semblable à une autre; elles auront toutes des caractéristiques particulières à leur formation. Les caractéristiques de notre révolution sont particulières elles aussi. Elles ne peuvent pas être détachées des grandes vérités, elles ne peuvent pas ignorer les vérités absolues découvertes par le marxisme, non pas inventées, non pas dogmatiquement établies, mais bien découvertes dans l'analyse du développement de la société.» («Sur la construction du parti», 1963)

Ch. 10. Contre la bureaucratie et le stalinisme

Le Che n'avait pas une vision claire et globale du phénomène bureaucratique, à savoir celui d'une couche sociale issue du prolétariat qui s'accapare au détriment des travailleurs le pouvoir de l'Etat révolutionnaire pour y défendre ses privilèges, distincts de ceux de la révolution. Le bureaucratie soviétique, victorieuse en Russie depuis 1923-1924, avec son expression politique la plus achevée: le stalinisme, en est l'exemple classique car elle étouffa par la répression policière toute forme de démocratie socialiste, écrasa dans le sang tout critique et empêcha, pour maintenir sa domination, toute extension internationale de la révolution.

Mais, s'il n'intégrait pas une telle vision globale de la question, le Che possédait une sensibilité anti-bureaucratique très forte. Confronté aux sociétés dites socialistes de l'URSS et de la Chine, il refusait d'accepter les méthodes antidémocratiques appliquées par la bureaucratie de ces pays: « Il n'est pas possible de détruire les opinions par la force parce que cela bloque le développement de l'intelligence « (Oeuvres VI, p.86). Mais ces critiques, bien que de plus en plus précises, n'aboutiront jamais à la définition de la bureaucratie russe comme étant une force sociale contre-révolutionnaire. Malgré tout, une des obsessions du Che était d'éviter que Cuba adopte le « modèle « stalinien en vigueur dans d'autres pays « socialistes «. En octobre 1962, dans son discours « Qu'est-ce qu'un jeune communiste ? «, il appelle les jeunes à «déclarer la guerre à tous les types de formalismes. (...) Le jeune communiste doit se rebeller devant tout ce qui est injuste, quel qu'en soit l'auteur «. Critiquant les méthodes de l'ancien parti communiste (le PSP, qui s'était intégré, comme d'autres, au nouveau parti unique mais qui y détenait des positions clé), il déclare: «(L'appareil politique) s'est transformé partiellement en tremplin pour des promotions et des charges bureaucratiques, totalement coupées des masses «.(« Le cadre dans la révolution «, Ecrits II, Maspéro).

En mai 1963, il dénonce les conséquences de ces premières tendances à la bureaucratisation du régime révolutionnaire: «Nous avons pris un chemin qui a été défini comme sectaire, mais qui est plus stupide que sectaire: c'est le chemin de notre isolement des masses, (...) le chemin de la suppression non seulement de la critique de la part de qui a le droit de le faire, c'est-à-dire le peuple, mais aussi de la vigilance critique de la part de l'appareil du Parti, qui s'est transformé en un exécutant en perdant ses fonctions de vigilance, d'inspection.»

Bref, dans sa conception, la lutte contre la bureaucratie passait par le dépassement de l'arriération matérielle et culturelle («l'Homme nouveau»), par l'extension internationale de la révolution, mais aussi par la libre discussion et surtout par l'exemple (et le Che en était un fameux: jamais, sauf dans les premières années de la révolution russe de 1917, des débats aussi démocratiques que ceux menés par Guevara sur la construction du socialisme à Cuba en 1963-1964 n'avaient eu lieu auparavant dans les autres pays dits «socialistes»). Mais la faiblesse de cette conception est qu'il ne liait pas (bien qu'il entrevoyait ce problème, cf. encadré p....) la liberté de discussion démocratiques à des formes d'organisation capables d'exprimer les opinions plurielles des travailleurs et des forces en faveur de la révolution (qui étaient loin d'être homogènes). Ainsi, sans doute du fait de sa trop courte expérience, le Che ne remettait pas en cause le choix d'un parti unique (même si le parti unique dirigeant à Cuba à l'époque du Che n'avait rien à voir avec celui des années 70 par exemple).

Mais sur la nature de ce que devait être ce parti, le Che donne une définition qui est loin d'être celle des partis « marxistes-léninistes « traditionnels, qu'ils soient maoïstes ou staliniens. Pour lui, la conduite de ce parti « ne sera pas l'ordre mécanique et bureaucratique, le contrôle étroit et sectaire, l'ordre indifférent (...) ce sera un parti qui appliquera rigoureusement sa discipline selon le centralisme démocratique et dans lequel en même temps seront toujours présente la discussion, la critique et l'autocritique ouvertes.». («Le parti marxiste-léniniste», 1963).

Guevara, qui avait nourri des illusions sur le stalinisme dans ses premières années de militant révolutionnaire, allait, dans son évolution politique, remettre en cause bien des dogmes staliniens. Le premier de ces dogme est évidemment celui de la transition au socialisme et de l'importance de la conscience et de l'éducation communiste authentique dans cette période (cf. encadré l'Homme nouveau p.....). Ainsi, pour Guevara, « Le terrible crime historique de Staline « aura été « d'avoir méprisé l'éducation communiste et instauré le culte illimité de l'autorité « («Commentaire au Manuel d'économie politique de l'URSS «, oeuvre inédite de 1966 citée in « Tercer Milenio J.A. Blanco p.83, Cuba).

Il rejetait également la stratégie révolutionnaire élaborée par le stalinisme en Amérique Latine. Cette stratégie dite «étapiste» préconisait que les communistes et les révolutionnaires devaient s'allier à leur bourgeoisie nationale contre l'impérialisme. Depuis que Staline, dans les années 30, avait arbitrairement fixé cette stratégie étapiste, pour les communistes staliniens la révolution en Amérique Latine ne pouvait être que de type nationale et démocratique-bourgeoise dans sa première étape. Cette stratégie, dont l'origine est à chercher dans les intérêts purement diplomatiques de la bureaucratie russe (ainsi, à Cuba, les staliniens se sont alliés à Batista pendant la Seconde guerre mondiale au nom de «l'unité antifasciste»!) reléguait la révolution socialiste à plus tard et accordait un rôle révolutionnaire aux bourgeoisies nationales. La Révolution cubaine allait être l'exemple vivant de la fausseté de cette stratégie. En 1963, Guevara déclare clairement que «face au dilemme peuple ou impérialisme, les faibles bourgeoisies nationales choisissent l'impérialisme et trahissent définitivement leur pays. « («Le parti marxiste-léniniste»). Dans son « Message à la tricontinentale» de 1967, le Che va encore plus loin dans le rejet de la stratégie étapiste stalinienne: «les bourgeoisies autochtones ont perdu toute leur capacité d'opposition à l'impérialisme - si jamais elles l'eurent un jour - et elles forment maintenant son arrière-cour. Il n'y a plus d'autres changements à faire: ou révolution socialiste ou caricature de révolution.» Bref, pour le Che, seule une révolution socialiste fondée sur l'alliance ouvrière-paysanne peut accomplir les tâches démocratiques de la révolution. Mais elle réalisera ses buts non par la voie bourgeoise, mais par des méthodes socialistes, conjointement aux tâches socialistes proprement dites.

Guevara allait également remettre en question les dogmes staliniens en matière d'art et de culture. Ces dogmes avait été instaurés dans les années 30 en URSS et s'exprimaient dans un «art» appelé « réalisme socialiste « qui copiait purement et simplement l'art bourgeois dominant du XIXe siècle et rejetait comme «contre-révolutionnaire» les oeuvres abstraites ou non-réalistes d'avant-garde. Le Che voulait lutter contre l'application de ces dogmes à Cuba et critiquait de manière virulente cet «art» stalinien qui a «proclamé comme summum de l'aspiration culturelle une représentation formelle exacte de la nature, qui a fini par se transformer en une représentation mécanique de la réalité sociale qu'on voulait montrer; la société idéale, presque sans conflits ni contradictions, qu'on cherchait à créer (...). On recherche alors la simplification, ce que tout le monde comprend, c'est-à-dire précisément ce que les fonctionnaires comprennent. On liquide l'investigation artistique authentique (...) C'est ainsi que naît le réalisme socialiste sur les bases de l'art du siècle passé.». Le Che est très clair sur la nécessaire liberté artistique: «pourquoi donc chercher dans les formes congelées du réalisme socialiste l'unique recette valable?» Mais, tout en rejetant des formes d'art abstrait qui développent une « angoisse absurde et un passe-temps vulgaire constituant des soupapes commodes à l'inquiétude humaine «, il conclu en parlant des artistes: «Nous ne devons en aucune façon créer des salariés dociles à la pensée officielle, ni des « boursiers « qui vivent aux crochets du budget, exerçant une liberté entre guillemets».

Enfin, sa conception de l'internationalisme prolétarien (cf. chapitre 7), était à l'opposée des méthodes et des conceptions staliniennes ou maoïstes. De plus, rejetant une des thèses essentielle du stalinisme (et de la vieille social-démocratie), à savoir qu'il est possible de construire définitivement le socialisme dans un seul pays, Che Guevara y oppose l'impossibilité pratique et historique de la chose. Tout comme Trotsky, le Che était convaincu qu'il était possible et nécessaire de commencer à construire le socialisme dans une seul pays, mais qu'il est impossible de l'atteindre définitivement tant que le système capitaliste reste dominant à l'échelle de la planète: «Il est difficile de croire - difficile, mais évidemment pas impossible - au triomphe isolé de la révolution dans un seul pays.» (interview avec Josie Fannon, 26 décembre 1964). Dans sa conception de l'internationalisme, on retrouve une des thèse essentielle de Trotsky pour qui: «La ferme conviction que le but fondamental de classe ne peut être atteint (...) par des moyens nationaux ou dans le cadre national, est au coeur de l'internationalisme révolutionnaire». Dans «Tactique et stratégie de la Révolution latino-américaine, texte qui ne fut publié qu'après sa mort, en 1968, il déclare franchement son adhésion à la révolution mondiale en affirmant que: «la prise du pouvoir est un objectif mondial des forces révolutionnaires (...) il est difficile en Amérique de remporter la victoire dans un pays isolé» (Ecrits politiques II, coll. PCM). Ces vues s'accordaient non seulement avec celles de Trotsky; mais également avec celles de Lénine pour qui: «Il est impossible à un seul pays d'accomplir entièrement par ses propres forces la révolution socialiste, même si ce pays est moins arriéré que la Russie « (mai 1918). Et en novembre de la même année: «La victoire totale de la révolution socialiste est impensable dans un seul pays (...)».
Nestor Cerpa
 
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Inscription : 10 Mars 2003, 22:05

Message par Jacquemart » 17 Août 2004, 11:48

Toujours aucune réponse à ma demande.
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Jacquemart
 
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Inscription : 16 Déc 2003, 23:06

Message par othar » 17 Août 2004, 11:51

(Jacquemart @ mardi 17 août 2004 à 12:48 a écrit : Toujours aucune réponse à ma demande.
t'as tout lu?
c'est trop serré,j'y arrive pas!!
je vais faire copier-collé dans un document word puis changer la taille ...
othar
 
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Inscription : 21 Mars 2004, 22:00

Message par youri » 17 Août 2004, 12:33

Le Che : agent de la bourgeoisie cubaine ??? Vu que y pas de bourgeoisie à Cuba ça complique cette idée ....
youri
 
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Inscription : 06 Août 2004, 16:05

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