par Valiere » 20 Août 2004, 15:11
une autre face des JO
Athènes 2004, le voile se dévoile
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En 1992, au moment des Jeux Olympiques de Barcelone, les militantes
de la Ligue de Droit International des Femmes « découvraient » un
scandale que personne ne semblait avoir remarqué : l'absence de
femmes dans 35 délégations, alors même que la presse du monde entier
se réjouissait du retour de l'Afrique du Sud exclue pendant 30 ans
pour raisons d'apartheid. Elles créent alors le Comité Atlanta +,
devenu, 3 olympiades plus tard, le Comité Atlanta-Sydney-Athènes+
En allant à Athènes avec une délégation représentative des
nationalités européenne, d'Afrique du nord et d'Afghanistan, le
Comité Atlanta-Sydney-Athènes+, marquait clairement son angle
d'attaque : être aux côtés des femmes qui résistent contre le modèle
de ségrégation institutionnalisé, que certains voudraient leur
imposer et qui se manifeste notamment à travers des codes
vestimentaires, tels que le voile islamique.
Le stade olympique est le seul lieu international où une loi
universelle unique est censée s'appliquer : la charte olympique qui
exclut toute forme de discrimination y compris de sexe. C'est
l'endroit où les règles vestimentaires communes sont censées être au
service de la performance. C'est l'endroit d'où sont bannies les
entraves faites au corps.
C'est pourquoi ce moment était essentiel dans la lutte que nous
menons en tant que féministes et laïques, pour apporter la
démonstration de ce que signifient les codes vestimentaires :
ségrégation, exclusion, statut de mineures.
Comme le déclare Saïda Benhabyles, ancienne ministre algérienne, au
journal Le Monde, qui rendait compte dans son édition du 15-16 août
04, de l'action du Comité Atlanta-Sydney-Athènes+, « Autrefois en
Algérie, toutes les filles pratiquaient le sport en short, ce n'est
plus le cas. Ces histoires vestimentaires m'inquiètent beaucoup.
Interdire aux femmes de faire du sport, c'est évidemment éminemment
politique ».
Le Comité Atlanta-Sydney-Athènes+, a tenu une conférence de presse à
la mairie d'Athènes afin de rappeler l'historique de son action
depuis 1992, et les succès obtenus : le nombre de délégations
excluant les femmes est passé de 35 à Barcelone, à 26 à Atlanta, et
enfin à 9 à Sydney. C'est maintenant un noyau dure de pays islamistes
qui résiste encore, en tête desquels, l'Arabie Saoudite.
Au cours de la conférence de presse, la délégation mixte d'athlètes
d'Afghanistan, invitée par le Comité a fait une entrée émouvante avec
de jeunes sportives, tête nue, concrétisation d'un rêve qui, hier
encore, semblait impossible.
Une délégation du Comité s'est ensuite réunie sous la statue de
Mélina Mercouri au centre d'Athènes pour déployer une banderole qui
désignait clairement le modèle à combattre : « Why no saoudian women
at olympics ? ». L'une des militantes portait la tenue imposée aux
femmes en Arabie Saoudite.
En fin d'après-midi, la délégation du Comité était reçue par la
Présidente de la commission Femmes du CIO : Anita DeFranz. Cette
délégation était composée de Kahina Benzian, sœur de Sohane, morte
brûlée vive à Vitry sur Seine, de Annie SUGIER, Présidente du comité,
de Saïda Benhabyles, ancienne ministre algérienne et de Shoukria
Haïdar, Présidente de l'association Negar de défense du droit des
femmes afghanes. Toutes soulignaient le caractère politique de la
lutte pour les femmes et le sport, le rôle central joué par les
exigences vestimentaires et les menaces de mort qui pèsent sur les
femmes qui résistent aux pressions.
Kahina a remis à la représentante du CIO, le rapport sur la mixité
dans le sport réalisé par Brigitte Deydier, vice-présidente de la
Fédération française de judo. Elle y révèle une véritable ségrégation
à l'encontre des jeunes filles dans les clubs sportifs de banlieue.
Elle fait le lien entre cette situation et les violences extrêmes
dont peuvent être victimes les jeunes filles dans certains quartiers
en France.
Quelle conclusion ? Que les succès sont incontestables puisqu'il n'y
aurait plus que 4 délégations sans femmes. (les chiffres ne sont pas
encore rendus publics). Mais comment ne pas s'indigner qu'encore une
fois, le CIO ait gardé le silence sur ce scandale, alors même qu'il
excluait à grand fracas médiatique l'athlète iranien qui, au nom de
la solidarité avec le peuple palestinien (mais en fait sur ordre de
son gouvernement), à titre personnel, refusait la compétition avec un
athlète israélien.
Comment ne pas s'indigner encore une fois qu'une grande partie de la
presse commentant la cérémonie d'ouverture n'ait même pas remarqué
que des délégations ne comportaient pas de femmes et que dans
d'autres délégations (délégations égyptienne, iranienne), toutes les
femmes étaient voilées, leur présence n'étant qu'un alibi masquant
leur absence de la plupart des disciplines olympiques.
Un journaliste de RFI nous dit : « Pour quelques pays qui résistent
encore, est-ce la peine de se donner tant de mal ? » Et l'Afrique du
Sud, elle était seule, mais c'était le racisme que chacun combattait
à travers le symbole des JO. Pour nous, féministes et laïques, c'est
la ségrégation et la discrimination à l'encontre des femmes que nous
combattons à un moment où le déferlement des voiles traduit la
volonté de certaines de faire régresser nos droits.
Annie SUGIER et Linda WEIL-CURIEL