Les erreurs économiques de Marx

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 03 Sep 2004, 07:57

C'est vrai.
Que font les modérateurs ? :gyro:
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Message par Jacquemart » 03 Sep 2004, 14:57

Allez, la colle de Logan, je m'y... colle. Décidemment, ça commence mal.
Et pardon d'avance pour la longueur de la tartine, âmes sensibles s'abstenir.

En effet, cette "erreur" de Marx est depuis un siècle une tarte à la crème incontournable pour tous les économistes savants qui ont voulu réfuter le marxisme. Malheureusement, elle a aussi été un casse-tête pour tous ceux qui ont voulu le défendre. Car problème il y a bel et bien.

Rappelons le point de départ : au livre I du capital, Marx fait l'hypothèse d'une société marchande, c'est-à-dire de producteurs indépendants. Il introduit ainsi les notions de valeur et de valeur d'échange. Puis il postule l'existence de deux classes, les capitalistes et les salariés, et développe le concept de plus-value. Dans ce monde simplifié, les marchandises sont vendues au prorata du travail social qu'elles contiennent. Ce qu'on appelle, pour résumer, la théorie de la valeur-travail.

Au Livre III, Marx s'attaque à un problème qui traînait depuis fort longtemps, et qu'aucun partisan de cette théorie de la valeur-travail n'avait pu résoudre, pas même le grand Ricardo : dans le capitalisme, les différentes branches de production sont inégalement mécanisées. Or, si les marchandises sont vendues à leur valeur, cela implique des taux de profits différents selon les branches, ce qui est incompatible avec la mobilité des capitaux d'une branche à l'autre. Résultat, la loi de la valeur est incompatible avec la formation d'un taux de profit uniforme dans les différentes branches.

A cela, Marx répond en expliquant que la loi de la valeur apparaît, dans ces conditions, sous une forme modifiée : les marchandises ne sont pas vendues à leur valeur, mais à leur prix de production, défini comme la somme des coûts plus le taux de profit moyen. Cela s'appelle, dans le jargon marxiste, la "péréquation du taux de profit". Pour Marx, il s'agit d'une simple répartition de la plus-value entre les différentes branches du capital. Dans l'affaire, rien ne se pert, rien ne se crée : la somme des profits est égale à la somme des plus-values, et la somme des prix est égale à la somme des valeurs.

La "transformation" (par le raisonnement, pas dans la réalité) des valeurs en prix de production apparaît donc comme un raffinement, une complexification de la loi de la valeur, et nullement comme une négation de celle-ci.

Fin du premier épisode...
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Message par Jacquemart » 03 Sep 2004, 15:12

Début du deuxième épisode :

Quand il montre comment se forme le taux général de profit et les différents prix de production, Marx emploie une illustration numérique (que j'ai d'ailleurs du poster dans le fil "travail productif et improductif", pour ceux qui n'ont pas encore une migraine trop insupportable). Dans celle-ci, le capital constant est compté à sa valeur, et le poduit final est compté à son prix de production.

On peut remarquer que Marx lui-même avait noté que c'était une approximation, et qu'en bonne rigueur, il aurait fallu soit tout compter en valeurs (comme au Livre I), soit tout compter en prix de production. Mais il passe dessus en disant en gros que cette approximation est sans importance... Et c'est là que le bât blesse.

Dès la fin du XIXe siècle, un économiste russe, Von Bortkiewikz, remarque que cette approximation pose problème quand on l'applique aux schémas de la reproduction du Livre II. Et peu à peu, dans la foulée, s'accumulent une foultitude de travaux qui démontrent, pour essayer de faire simple, que si tout est compté en prix de production, on ne peut maintenir les égalités entre somme des prix et des valeurs ou entre somme des profits et des plus-values, égalités auxquels Marx tenait tant.

Ce qui signifie en langage plus clair que le profit pouvait, dans l'opération de la formation des prix de production, être créé sans plus-value correspondante, ou qu'inversement, de la plus-value pouvait s'évaporer sans être concrétisée en profit.

A partir de là, ceux qui voulaient critiquer le marxisme d'un point de vue "savant" avaient un thème tout trouvé : la transformation des valeurs en prix de production "ne marche pas". Et depuis, plusieurs décennies, tous les manuels d'éco ressassent cette "évidence". Quant à ceux qui ont voulu défendre le marxisme... ils ont attrapé bien des maux de tête. Certains ont nié purement et simplement qu'il y eut problème, ce qui leur a permis de déployer des trésors d'ingéniosité pour nier une évidence. D'autres ont cherché une ligne de défense a minima, sacrifiant une partie des conclusions de Marx pour en préserver d'autres... mais au final, ils n'ont pas préservé grand chose.

Une nouvelle solution au problème a toutefois été proposée à la fin des années 1970, conjointement par deux chercheurs : G.Duménil en France, et D.Foley aux Etats-Unis. Et pour autant que je puisse en juger, elle a clôt le débat, en amendant ce qu'il y avait à amender tout en montrant que l'essentiel de l'édifice tenait debout.

Mais comme j'ai déjà été fort long et ennuyeux, je propose à ceux que cela intéresse de se référer aux écrits de ces économistes plutôt qu'à ce que je pourrais en dire.

Sauf si évidemment on me provoque.
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Message par emman » 03 Sep 2004, 15:19

Et comment on fait pour te provoquer... :dry:
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Message par faupatronim » 03 Sep 2004, 15:21

(emman @ vendredi 3 septembre 2004 à 16:19 a écrit : Et comment on fait pour te provoquer... :dry:
Facile regarde :

Et jacquemart, t'es même pas cap' de nous raconter la suite. Et d'abord y a qu'un rockeur qui pourrait nous la donner. Abandonne...
faupatronim
 
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Message par Jacquemart » 03 Sep 2004, 15:22

Chais pas, on dit : "dégonflé, même pas cap'".
Ou alors : "Ouais, c'est parce que tu y as rien compris que tu serais bien embêté pour en parler".
Enfin, on flatte l'amour-propre, on titille l'orgueil, on feint l'anxiété, on simule la curiosité intellectuelle... Bref, à vous de voir.
J'adooooooore quand le public demande un rappel.
:hinhin:
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Message par faupatronim » 03 Sep 2004, 15:25

(Jacquemart @ vendredi 3 septembre 2004 à 16:22 a écrit : Chais pas, on dit : "dégonflé, même pas cap'".
Ou alors : "Ouais, c'est parce que tu y as rien compris que tu serais bien embêté pour en parler".
Enfin, on flatte l'amour-propre, on titille l'orgueil, on feint l'anxiété, on simule la curiosité intellectuelle... Bref, à vous de voir.
J'adooooooore quand le public demande un rappel.
:hinhin:
Vas-y !
Tu sais que tu es beau et que tu sens bon quand tu nous parles d'économie ?
faupatronim
 
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Message par Barnabé » 03 Sep 2004, 15:31

ouais j'suis sûr qu'il veut pas répondre parce qu'en fait il a pas compris ... :hinhin:
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Message par Jacquemart » 03 Sep 2004, 15:40

Faupatronim, je te fais obligeamment remarquer que je suis toujours beau et que je sens toujours bon. Néanmoins, à la demande générale, je vais donc interpréter le fameux tube "la nouvelle solution au problème de la transformation"

Ca déménage... :zmassilia13_gif:

Cela dit, les quelques lignes qui suivent sont forcément une présentation ultra-simplifiée, et pas forcément très fidèle, donc pour les inconditionnels, ne pas hésiter à aller voir l'original.

La "nouvelle solution" consiste, sur le fond, à dire que les égalités de Marx doivent impérativement être maintenues, car il serait aberrant que de la plus-value apparaisse ou disparisse en changeant simplement la manière de la compter.

Simplement, tout le problème vient du capital constant, c'est-à-dire des marchandises déjà produites lors des périodes précédentes. C'est ce capital constant qui perturbe les égalités, mais c'est pourtant pour lui que celles-ci n'ont en réalité pas de sens.

En simplifiant outrageusement, ce qui compte, c'est la création nouvelle de valeur durant une période donnée. Pas la transmission de la valeur créée dans le passé, qui par définition ne génère aucune valeur nouvelle, donc aucune plus-value et aucun profit.

Duménil et Foley, indépendamment l'un de l'autre, nt donc proposé de n'appliquer les égalités de Marx qu'au produit net (c'est-à-dire, dans les abréviations marxistes traditionnelles, à v + pl) et d'en exclure le capital constant, c'est-à-dire C. Et là, tous les problèmes disparaissent.

Ce qui est séduisant dans cette solution :
- elle résout tous les problèmes sous leur forme mathématique.
- néanmoins, elle n'apparaît pas comme un simple artifice technique, mais s'inscrit dans la logique globale du raisonnement économique de Marx.
- elle s'appuie d'ailleurs sur quelques remarques que Marx avait lui-même formulées.
- last but not least, elle fonctionne quels que soient les prix de production en vigueur. A savoir que la non-formation d'un taux de profit uniforme, par l'existence d'un monopole, par exemple, ne l'invalide pas. Et ça, c'est fort, car cela signifie que le raisonnement de Marx n'est pas suspendu à l'établissement d'un cas idéal, celui du taux de profit uniforme.

S'il y a des obsédés de ces questions, je peux leur passer les références de deux bons bouquins sur le sujet. Mais il faut quand même être un tantinet vicieux et pas très occupé dans la vie pour les apprécier pleinement.
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Message par logan » 03 Sep 2004, 15:51

a écrit :S'il y a des obsédés de ces questions, je peux leur passer les références de deux bons bouquins sur le sujet. Mais il faut quand même être un tantinet vicieux et pas très occupé dans la vie pour les apprécier pleinement.


Je les veux!! :22:
Cela dit ta réponse me convient
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