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(Libération @ mardi 14 septembre 2004 a écrit :
Astronomie. Saisie par un télescope, l'image fait le tour du monde des labos d'astrophysique.
Exoplanète: portrait premier
Par Sylvestre HUET
Première image d'outre-monde. Une exoplanète, tournant autour d'une étoile située à 230 années-lumière, fixée sur l'image d'un télescope, sous la forme d'un point lumineux rougeâtre aux contours flous. L'image a déjà fait le tour du monde des labos d'astrophysique. Enfin ! Avec cet exploit technique du VLT le Very Large Telescope de l'Observatoire européen austral installé au mont Paranal (Chili) et d'une équipe européo-américaine, les planètes situées hors du système solaire quittent le domaine de l'évanescence, de la détection indirecte. Un statut qu'elles partageaient avec les trous noirs, invisibles et dont l'existence, outre la théorie, se déduit toujours de l'intense effet lumineux que leur féroce gravitation impose à la matière environnante.
Tache rouge. «Jusqu'à présent, explique Anne-Marie Lagrange (observatoire de Grenoble et coauteure de l'article à paraître dans Astronomy and Astrophysics), nous détections les exoplanètes en mesurant de minuscules modifications sur la lumière de leur étoile. Soit lors d'un transit un passage entre le télescope et l'étoile , soit par un petit effet Doppler en raison des attractions gravitationnelles entre les deux astres.» La détection se traduisait donc par d'abstraites courbes de lumière, selon le temps. Là, les astrophysiciens peuvent montrer au grand public une «vraie» image, où la grosse tache blanche de l'étoile s'accompagne d'une petite tache rouge, celle de la planète.
Obtenir l'image d'une exoplanète ne permet pas seulement de garnir l'atlas du bestiaire cosmique. Elle fournit des informations beaucoup plus précises que celles des détections indirectes. «La masse de l'exoplanète se déduit de sa luminosité. Le spectre de sa lumière nous informe de sa composition chimique, nous savons déjà que cette exoplanète contient de la vapeur d'eau», précise Anne-Marie Lagrange. Mais une méthode ne chassera pas l'autre. L'imagerie montre toute son efficacité pour les exoplanètes plutôt éloignées de leur étoile et n'est pas elle affectée par la géométrie du système, le plan orbital de la planète peut se situer n'importe où. A l'inverse, les détections indirectes sont plus performantes lorsque les deux astres sont très proches l'un de l'autre et nécessitent que l'exosystème solaire soit vu «par la tranche», l'exoplanète passant pile entre le télescope et l'étoile.
Il a fallu attendre près de dix ans entre la première détection indirecte et la première image d'une exoplanète. Signe de la difficulté technique à résoudre. Pour tirer le portrait d'une exoplanète, il faut séparer les lumières des deux astres, puis parvenir à détecter la faible luminosité de la planète sans être ébloui par celle de l'étoile, beaucoup plus intense. Il faut donc se limiter à notre petit coin de galaxie et disposer soit d'un télescope spatial, soit d'un dispositif d'optique adaptative corrigeant le «bougé» que les turbulences atmosphériques imposent à toute lumière venue de l'espace, d'où provient le scintillement des étoiles. Depuis l'installation du dispositif d'optique adaptative Naos, en novembre 2001, sur l'un des quatre télescopes de huit mètres du VLT, les Européens mènent la course pour cette technologie délicate. Elle consiste à modifier la surface d'un miroir secondaire selon une mesure en temps réel de la turbulence atmosphérique, afin de corriger son effet qui «élargit» l'image d'un astre.
Naine brune. L'étoile elle-même «n'a pas été visée au hasard», explique Anne-Marie Lagrange. Située à 230 années-lumière dans l'association stellaire de l'Hydre, elle est jeune quelques millions d'années seulement et petite. Le cas idéal. Ne pesant qu'environ 25 fois la masse de Jupiter, c'est une naine brune, les stars les plus petites et les moins lumineuses du ciel. Tandis que sa planète, environ 5 fois la masse de Jupiter, encore toute chaude de sa formation avec un millier de degrés, brille à son maximum. En outre, elle est plutôt loin de son étoile, 55 fois la distance Terre-Soleil, ce qui facilite la séparation des deux sources lumineuse. Les astrophysiciens ont mis un léger point d'interrogation à leur découverte, il subsiste en effet un risque «0,1 % selon les statistiques stellaires de cette région», explique Anne-Marie Lagrange que l'exoplanète ne soit pas liée à 2M1207. D'où la prudence du communiqué officiel de l'Observatoire européen austral, alors que l'on imagine les roulements de tambour de la Nasa si le Hubble Space Telescope avait réussi cette première.