Qu'est-ce que le FN ?

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Screw » 05 Fév 2003, 09:27

(pelon @ mercredi 5 février 2003 à 09:12 a écrit :Je pose une question à 100 balles. Pourquoi les dirigeants de la LCR qui connaissent aussi bien que nous ce qu'est le fascisme tiennent-ils autant à qualifier ainsi le FN ? Je pense que la réponse à cette question éclaircirait le débat. :x

Ca m'intéresserait beaucoup aussi depuis le temps que je cherche vainement une explication.
Screw
 
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Message par emma-louise » 05 Fév 2003, 12:25

(Sandy Varlin @ mardi 4 février 2003 à 13:35 a écrit :en vrac sur toulon : y'avait pas de "bandes armées sous le chevallier" mais impossible de differ sans subir une pression des braves gens sécurisées , insultes racistes_sexistes-homophobes et anticomm) et des militants FN (menaces verbales et idem pour les insultes) Lisez le livre de M.Samson : Le front national aux affaires et visitez le site de Ras l'front...Et regardez les chiffres élection après élection... La violence des nervis - lumpens n'est décidément pas un très bon signe d'évaluation du fascisme... Le fascisme aujourd'hui a le pull-over de Haider et le rimmel de Marine Lepen plus que la chemise brune et :drink: des brasseries de Munich...

POLEMIQUE DURE qui va lui répondre? :bounce:
emma-louise
 
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Message par emma-louise » 05 Fév 2003, 12:26

(vilenne @ mercredi 5 février 2003 à 10:12 a écrit :
(Byrrh @ mardi 4 février 2003 à 22:55 a écrit :
(vilenne @ mardi  4 février 2003 à 12:14 a écrit :La période actuelle ne préfigure-t-elle pas une préfascisation de la société ? Toujours plus de police, protection quasi-absolue de ses membres. Extension de cette protection jusqu'aux gardiens d'immeuble et leur famille. Surveillance accrue : vidéo-surveillance, croisement de fichiers. Dénonciation encouragée, témoignage anonyme, procès accéléré pour les pauvres et en parallèle des procédures (lire le dernier lo sur l'affaire Bouygue, par exemple)...
Et par exemple, l'extension des droits des vigiles. N'est-ce pas une récupération bourgeoise des milices armées justement. Faut-il attendre la prochaine étape (autoriser les vigiles de s'armer avec des flingues sachant qu'ils ont déjà les bombes lacrymo et les chiens) avent de crier au loup ?

Ne s'était-il pas passé la même chose sous Giscard, avec la réorganisation de la police par Marcellin ? Je te conseille de lire "Les polices de la Nouvelle Société" de Claude Angeli et René Backmann (Petite Collection Maspero). Tu me diras ce que tu en penses.

T'as raison Byrrh. Rien de nouveau sous le soleil et nous ne sommes pas dans une période de totalitarisme.
La preuve ? Y a même Hardy qui dévoile son pseudo et montre sa face au soleil. A saint-Hyppolite-du-fort (Hérault 34), l'adjoint au maire n'a pas armé quelques amis pour administrer les quelques maghrebins habitant dans le coin. Juste de la contre-vérité journalistique, justice et police ne sont pas complices car ils n'ont rien vu. Le Gud n'a pas tiré (avec un flingue) contre le local des anars à Mtp. Juste de la contre-vérité journalistique, justice et police ne sont pas complices car ils n'ont rien vu. Il n'y a pas fichage et suivi administratif contre quelques familles à problème (!). K'Shoo n'est pas mis en examen parce qu'il vend des ouvrages canabiques et n'a surtout pas été l'objet de menace de "représentant de l'ordre nouveau". A Nîmes, un militant AL n'est pas mis en examen suite à une plainte d'une MNR et ne subit aucune pression d'aucun groupe que ce soit... Rien que des contre-vérités journalistiques, justice et police ne font rien parce qu'ils ne savent pas.

D'ailleurs, on se demande pourquoi les loïstes crient au loup dans le journal LO. Hardy, him-self, avoue que LO n'a pas vu venir 68 et n'a rien vu venir depuis. Y a pas d'ophtalmo à Paris ?
Continuez à jouer avec les mots*. Vous me faites penser aux puristes de la langue française, aux académiciens figés dans le lexique du 17ème siècle.

* Quand ça vous arrange d'ailleurs. Vous reprochez à la LCR son appel à voter chirac, vous répondez pas quand on vous interpelle sur le vote blanc vs l'abstention. Mhhhh... J'aimerais connaître la position de Wolf et Stef sur ce sujet. Vous applaudissez vous-aussi l'appel au vote blanc ? Je me demande quelle référence trotskiste on peut citer quand on veut cautionner la démocratie bourgeoise.

:t3xla:
emma-louise
 
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Message par emma-louise » 06 Fév 2003, 09:47

Article de Libération fin janvier-sur le site de RLF Sur la route qui mène à l'usine Metaleurop, à moins de 200 mètres des murs d'enceinte du site, une longue file de voitures garées et une toute petite plaque au mur signalent «La mosquée de la paix». A l'intérieur, ils sont une trentaine de fidèles à prier, pour la plupart des retraités de l'usine. Les 830 salariés de la fonderie encore en activité attendent toujours d'être fixés sur leur sort. «L'usine part, la mosquée, elle, elle reste», jette l'un d'eux, badge CGT au revers de la veste. «A Sangatte, on a donné 15 000 francs [près de 2 300 euros, ndlr] aux clandestins pour qu'ils rentrent chez eux. Nous, on nous fout dehors sans rien, à coups de pied au cul», lâche Jacques, qui revendique plus de «vingt ans de boîte».

Activisme. Sur cette terre ouvrière du Pas-de-Calais où Jean-Marie Le Pen a atteint 18,4 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle, et plus de 22 % au second, le FN avance, scrutin après scrutin. Et entend faire de Metaleurop le symbole de «l'insécurité sociale» qui fait sa fortune politique. Marine Le Pen y a fait un saut hier pour tenter de transformer la colère ouvrière en bénéfices électoraux (lire ci-dessous). Escapade discrète, tant l'activisme frontiste, efficace dans les urnes, suscite des réactions dans la rue.

Lundi, invités par le maire centre droit de Noyelles-Godault à participer à un défilé de soutien aux salariés, les élus FN avaient été priés de déguerpir par des militants cégétistes. Et les militants frontistes se gardent d'aller tracter jusqu'à la sortie de l'usine. Pourtant, visible ou non, l'extrême droite s'incruste. Ces derniers jours, les boîtes à lettres ont accueilli un tract du FN dénonçant «le grand capitalisme apatride, l'argent roi qui sacrifie des vies». Des termes que ne renierait pas Lutte ouvrière... «Ce sont les nouveaux maîtres de nouveaux esclaves dans une Europe de marchands. Nous vivons dans une société du profit immédiat où toutes les valeurs ont été inversées», renchérit Eric Iorio, conseiller régional FN du Nord-Pas-de-Calais et nouvel époux de Marine Le Pen.

«Fils du peuple». Pour l'extrême droite, Metaleurop résume tous les méfaits de «l'euromondialisme». «La gauche, ici, a abandonné le terrain. Et personne ne peut voter à droite. Les gens ont le sentiment que plus personne ne se préoccupe de leur sort», assène Laurent Brice. C'est lui qui est à l'origine, avec Steeve Briois, conseiller régional et élu municipal d'Hénin-Beaumont, de l'implantation du FN dans le département. Ces deux trentenaires ont commencé à militer dès le lycée. Grand-père mineur et communiste et père ouvrier sidérurgiste pour l'un, grand-père mineur aussi pour l'autre, tous deux revendiquent des parcours de «fils du peuple», des généalogies de vrais ch'tis. «Les logements miniers ne sont plus entretenus. Les toilettes sont toujours au fond du jardin, les toitures fuient et les installations électriques datent des années 20, s'énerve Laurent Brice. Et quand les ayants droit, les veuves de mineurs, décèdent, les corons sont réhabilités et des familles d'immigrés s'y installent !»

Le site de Metaleurop est à cheval sur deux communes, Noyelles-Godault et Courselles, dans lesquelles Steeve Briois a recueilli plus de 35 % des voix au second tour des législatives de juin dernier. A Hénin-Beaumont, il a même atteint 45 % des suffrages dans les anciennes cités minières. Dans un bar de Courselles, près du comptoir, une photo montre le patron, Jacques, vêtu du blazer du service d'ordre du FN, aux côtés de Le Pen. C'est un café où l'on vient se parler, se réconforter entre sympathisants lepénistes. Annie, 53 ans dont trente et un à Metaleurop, vit dans l'angoisse des «prochaines traites de la maison qu'on n'a pas fini de payer. Après la guerre, le mineur a nourri toute la France. Et aujourd'hui, on voudrait faire comme si nous n'existions pas !» Bruno Bilde, militant lepéniste, reconnaît que «le FN prospère sur la misère sociale de la région parce qu'il propose une solution alternative à tout ce qui a été fait avant».

Sans illusions. Au balcon de la mairie de gauche d'Hénin-Beaumont, une banderole proclame «soutien aux salariés de Metaleurop et à la gendarmerie», menacée de fermeture. «Mais la gauche a creusé un peu plus le fossé entre l'assisté et le smicard, s'agace Jean-Claude Ménin, imprimeur et adhérent FN. Après avoir accompagné la fermeture des mines, le PS et le PCF ne peuvent plus regagner le terrain perdu.» Alors, c'est le FN qui s'efforce de l'occuper. Steeve Briois se montre chaque vendredi sur le marché et inonde la ville de tracts deux fois par mois. De quoi désespérer ce qui reste du tissu local communiste. Sans illusions, Jean-Bernard Deshayes, adjoint au maire PCF, a fait son deuil de ce passé rouge. «Le chômage ne fait pas voter communiste. Nos militants sont vieillissants et la désyndicalisation nous a porté des coups rudes, raconte-t-il. Quand les gens travaillaient, la CGT faisait un vrai travail social dans les cités minières. Aujourd'hui, je crois que nous n'avons même plus de représentants dans l'association des accidentés du travail...»

A Rouvroy, longtemps fief communiste, le PCF est descendu sous la barre des 30 % quand le FN passait au-dessus de celle des 20 %. Et il a perdu près de la moitié de son électorat au plan départemental, une base populaire que les rivaux socialistes sont loin d'avoir récupéré. Au total, c'est cette faillite de la gauche qui permet au FN de labourer cette friche électorale. Et pousse Steeve Briois à fanfaronner : «Ici, il n'y a qu'à se baisser pour ramasser les électeurs !».
emma-louise
 
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Message par Louis » 06 Fév 2003, 10:26

collectif "les mots sont importants"

a écrit :Introduction au dictionnaire de la lepénisation des esprits


Introduction [1]

"Comment voulez-vous que le travailleur français qui vit avec sa femme et qui gagne, ensemble, environ 15 000 francs et qui voit, sur le palier d'à côté, entassés, un homme, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, qui gagnent 50 000 francs par mois de prestations sociales sans naturellement travailler, si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur, eh bien, le travailleur français il devient fou ! Et ce n'est pas être raciste que de dire cela. Nous n'avons plus les moyens d'honorer le regroupement familial. Et il faudra bien avoir le courage de poser ce débat, qui est un vrai débat moral, pour savoir s'il est naturel que des étrangers bénéficient d'une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu'ils ne payent pas d'impôts. "

Jacques Chirac, 1991.

"Nombreux sont ceux qui, sur nombre de sujets, ont convaincu et convainquent encore nombre de gens par la fiction d'un discours mensonger. Car si les hommes avaient en leur mémoire le déroulement de tout ce qui s'est passé, s'ils connaissaient tous les événements présents, et à l'avance tous les événements futurs, le discours ne serait pas investi d'une telle puissance ; mais lorsque les gens n'ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l'avenir, le discours a toutes les facilités."

Gorgias, Éloge d'Hélène.

Un racisme qui vient d'en haut

Le schéma est ancien, hérité de Platon : il y aurait d'un côté la plèbe, " bas-ventre " du " corps social ", de l'autre les philosophes-rois qui en forment la tête. D'un côté, par exemple, la " fièvre collective " de décembre 1995, de l'autre la voix de la " raison " incarnée par Alain Juppé, Nicole Notat et la quasi-totalité des éditorialistes [2]. Il en va de même à propos des politiques d'immigration : les partisans de ces politiques ne cessent d'afficher leur " raison " et d'invoquer les " émotions " et les " peurs des Français ". Ils se disent " à l'écoute " des " émotions populaires " - la formule, glaciale, est de Lionel Jospin - dans le but de les contenir. Ils affirment enfin qu'être sourd aux " inquiétudes " et aux " demandes de fermeté " de " l'opinion ", c'est " faire le jeu du Front National "… À ces discours rebattus, nous opposons une toute autre hypothèse : et si le racisme venait d'en haut ? Et si la demande xénophobe était produite par les " réponses raisonnables " des élites ? Les résultats électoraux confirment cette hypothèse : les régions les plus touchées par le vote FN ne sont pas celles où il y a le plus d'immigrés ou d'étrangers, mais souvent celles où les élus ont rivalisé de démagogie et de xénophobie avec le FN. Au cours des années 1980 et 1990 notamment, il est devenu de plus en plus fréquent de rendre les étrangers responsables du chômage, de la délinquance et des déficits publics, de prophétiser l'invasion, la fin de la République ou le " choc des cultures ", de fantasmer sur l'Afrique, la polygamie, le foulard islamique ou les " banlieues-ghettos ", et de défendre " l'identité française ", le " droit du sang " ou la " préférence nationale ". Ce sont des Présidents de la République et des Premiers Ministres, toutes tendances confondues, qui ont appelé à " remplacer la main d'œuvre immigrée par une main d'œuvre nationale ", et qui ont parlé d'" invasion ", de " seuil de tolérance dépassé ", d'" overdose d'immigrés " ou de " bonnes questions du Front National ". L'homme qui s'est plaint du bruit et de l'odeur des " immigrés " est aujourd'hui à l'Élysée [3]

Cette banalisation des stéréotypes racistes ou xénophobes doit beaucoup, également, aux faiseurs d'opinion que sont les grands médias. Les journalistes, les éditorialistes et les intellectuels médiatiques apportent en effet à ces stéréotypes le semblant de sérieux et de respectabilité morale qui leur manque, et que ne suffit pas à leur apporter le monde politique, largement discrédité. Les déclarations de Jean-Marie Le Pen l'attestent, par exemple lorsqu'il invoque l'autorité scientifique de Jean-Claude Barreau, ancien Président de l'INED (Institut National d'Études Démographiques) et conseiller spécial de François Mitterrand puis de Charles Pasqua et Jean-Louis Debré : " De la bouche même du spécialiste, il est entré en trente ans dans notre pays plus de 10 millions d'étrangers dont 5 millions de musulmans, et il compte aujourd'hui plus de 6 millions de légaux plus 1 ou 2 millions de clandestins en plus " [4] . Toutes les estimations sérieuses (par exemple celles du Bureau International du Travail) ont beau évaluer à 300 000 le nombre de sans-papiers, que peut-on répondre à Le Pen puisque le président de l'INED donne effectivement raison à ses fantasmes d'invasion ? De même, lorsqu'un célèbre chercheur du CNRS déclare que " deux millions de Musulmans sont deux millions d'intégristes potentiels ", l'effet est redoutable : les thèses de l'extrême droite sont en quelque sorte homologuées. Elles reçoivent un label scientifique et un brevet de respectabilité puisque, dans l'espace médiatique, l'auteur en question compte parmi les figures les plus fameuses de l'antiracisme [5]. Il est vrai qu'après le mouvement des sans-papiers de 1996-1997, les discours se sont quelque peu apaisés : on parle un peu moins du prétendu " problème de l'immigration ", et les propos les plus franchement injurieux ou dégradants tendent à disparaître de l'espace politique et médiatique. On évoque moins, par exemple, la responsabilité des " immigrés " dans le chômage ou les déficits publics. Il reste que trente ans de lepénisation ne s'effacent pas en deux ans, et que certaines habitudes ont été prises, qui ne se perdront pas toutes seules. Il faut se rendre à l'évidence : la " bataille du vocabulaire ", chère à Bruno Mégret, a été remportée par le Front National et perdue par les démocrates.

La bataille du vocabulaire

Plusieurs ouvrages ont déjà révélé que " l'ascension médiatique de Jean-Marie Le Pen a précédé son ascension électorale ", et que cette ascension médiatique a largement été encouragée par François Mitterrand [6]. Mais quelle que soit la valeur de ces livres, ils ne permettent pas de comprendre la durée du phénomène Le Pen, ni l'enracinement du Front national dans le paysage politique et idéologique français. Cet enracinement n'a pu avoir lieu que parce que les plus hautes autorités politiques et morales du pays ont légitimé les thèses du Front national en reprenant ses thématiques et son vocabulaire. Bruno Mégret voyait juste lorsqu'il était encore au Front national et qu'il déclarait : " Notre stratégie de conquête du pouvoir passe par une bataille du vocabulaire […] Lorsqu'ils parlent d'identité, de libanisation, de classe politico-médiatique, lorsqu'ils utilisent des termes comme l'établissement, le cosmopolitisme, le peuple, le totalitarisme larvé, hommes de la rue, journalistes et politiciens entrent dans notre champ lexical [7]. Aujourd'hui, malgré le retour de la croissance et l'éclatement du Front national, peu de choses ont changé sur le plan du vocabulaire : la majorité des dirigeants politiques et des éditorialistes, ainsi qu'un nombre conséquent de journalistes et de chercheurs, ont adopté sans s'en rendre compte un lexique qui a toujours pour effet de mettre à distance l'étranger. Par exemple :

en parlant sans cesse des " préoccupations des Français ", ils excluent de notre champ de vision les quatre millions d'étrangers qui résident en France (cf. Préférence nationale) [8] ;
en opposant " Français et immigrés ", ils laissent entendre qu'un immigré ne peut pas être vraiment français - alors que près d'un tiers le sont, par naturalisation ou par mariage avec un(e) Français(e).

Le mot " immigré " lui-même fonctionne, dans le débat politique, comme une catégorie raciale, puisqu'on appelle ainsi certains enfants d'origine africaine ou maghrébine qui sont nés en France - et qui n'ont par conséquent jamais immigré - et qu'inversement un cadre allemand ou américain qui arrive en France n'est jamais appelé " immigré " - du moins s'il est " blanc ". Tout le monde ne va certes pas aussi loin dans l'absurdité que l'" expert " Jean-Claude Barreau, qui parle d'" immigrés nés en France " [9] ; mais l'usage du mot " immigré " comme catégorie raciale se retrouve dans une expression désormais courante : " immigrés de la seconde génération ". L'immigration n'est alors plus un acte qu'on accomplit, mais un stigmate transmissible de père en fils (cf. Immigré). Une bataille sémantique importante a eu lieu également sur le nom des étrangers en situation irrégulière : il a fallu plus d'un an de lutte pour que, dans les grands médias, les " clandestins " deviennent des " sans-papiers ". On a, à ce propos, assisté à d'étonnants retournements : on a pu voir par exemple deux célèbres universitaires de gauche dénoncer la connotation " criminalisante " du mot " clandestins ", et user pourtant de ce mot quelques années plus tard, lorsqu'ils s'employèrent à justifier les lois Chevènement, qui maintenaient l'essentiel des lois Pasqua [10] (cf. Clandestin). Plus généralement, le nom donné aux " immigrés " en lutte manifeste souvent une fascination pour leurs origines lointaines et une indifférence totale à l'enjeu de leur lutte : on a plus souvent parlé des " Maliens de Vincennes " ou des " Maliens de Nouvelle France " que de mal-logés ou de résidents de foyers (cf. Afrique). Seuls les " Africains de Saint-Bernard " ont réussi à imposer un nouveau nom : sans-papiers. Une autre bataille importante s'est jouée autour du foulard islamique, rebaptisé " voile " ou " tchador ". Ces jeux de langage ont suscité ou favorisé un terrible amalgame : pour beaucoup, un simple morceau de tissu évoque désormais l'intégrisme iranien ou afghan, dont les exactions font régulièrement la une des journaux télévisés. Certains intellectuels ont même entretenu la confusion en parlant de voile " islamiste " ; d'autres ont tout bonnement assimilé le foulard au terrorisme, au fascisme et au nazisme, ou affirmé que la scolarisation de quelques jeunes filles voilées marquait l'avènement d'un " modèle d'intégration couleur taliban " [11]. La peur a enfin été entretenue par les grands médias, y compris la presse magazine dite modérée : lors des rentrées scolaires de 1989, puis de 1994, les kiosques se sont couverts d'images de femmes en tchador, accompagnées de légendes menaçantes :

" Fanatisme : la menace religieuse "
" La poussée islamiste en France ",
" Foulard : le complot. Comment les islamistes nous infiltrent ",
" La pieuvre islamiste " [12] (cf. Voile islamique).

Il n'est donc pas étonnant que les attentats du 11 septembre 2001 aient provoqué, dans un très grand nombre de médias français, une immense campagne de dénigrement et de stigmatisation de l'Islam sous toutes ses formes. La notion extrêmement floue de " nébuleuse islamique " a permis aux amalgames les plus grossiers de ressurgir : la communauté musulmane dans son ensemble a été sommée de " s'expliquer " sur son rapport à Oussama Ben Laden, les banlieues ont été montrées du doigt, les contrôles au faciès multipliés et plusieurs unes, dont celle du Point et celle du Nouvel Observateur, ont à nouveau fait voisiner l'image du tchador et le mot Islam :

" Islam : le temps de l'autocritique "
" Islam et terrorisme : la vérité " (cf. Islam et islamisme).

La peur de l'" immigré " est également omniprésente, de manière implicite, dans les nombreux discours incantatoires qui en appellent à la " raison " ou à la " modération ", et qui dénoncent " l'irresponsabilité " de certaines revendications comme la régularisation de tous les sans-papiers, le droit de vote des étrangers ou l'égalité complète des droits sociaux entre français et étrangers. En effet, en parlant d'irresponsabilité, ces discours laissent entendre qu'il existe un danger lié à la présence des résidents étrangers, ou du moins à la reconnaissance de leurs droits - sans jamais dire précisément quel danger (cf. Modération). Un autre lieu commun entretient la peur et le rejet : l'assimilation de l'arrivée de nouveaux immigrants à un afflux de " toute la misère du monde ". Cette opération occulte toute la richesse produite par l'exploitation des travailleurs immigrés. Une récente circulaire officielle est à cet égard explicite : elle encourage les préfectures à refuser des titres de séjour aux parents et aux conjoints de français ou de résidents réguliers, autrement dit à séparer des familles, et donc à violer la Convention Européenne des Droits de l'Homme, en prétextant que l'atteinte à la vie familiale n'est " pas excessive " par rapport au " but légitime " qu'est " la protection du bien-être économique du pays " [13](cf. Misère du monde). Au regard malveillant ou méprisant porté sur l'" immigré " s'oppose un regard on-ne-peut-plus complaisant sur les politiques d'immigration. Et au langage brutal, voire ordurier qu'on adresse à l'un, s'oppose une langue suave et euphémisée : on dit qu'on " renvoie chez eux " les expulsés, alors qu'ils ont leur " chez eux " en France et qu'on les en chasse. Et l'on emploie le mot " reconduite ", qui évoque plus les joies du retour au foyer que la douleur du bannissement (cf. Reconduite à la frontière). Bien d'autres lieux communs méritent un examen critique, notamment :

la tenace mythologie coloniale qui imprègne le discours médiatique et politique sur les " banlieues ", conçues comme des " zones de non-droit " à " reconquérir " (cf. Sauvageons) ;
les métaphores biologiques comme l'" assimilation " ou le " seuil de tolérance ", qui légitiment les réactions racistes en les faisant apparaître comme des réflexes de défense du " corps social " - rejetant l'aliment trop différent ("inassimilable ") ou trop abondant (en " overdose "). (cf. Chez soi, Intégration, Seuil de tolérance)

En guise de résumé, le tableau qui suit donne un aperçu hélas exact du discours caricatural qui est tenu à droite mais aussi à gauche pour légitimer les " politiques d'immigration ", disqualifier tous ceux qui s'y opposent, et ainsi empêcher tout débat.

Des mots aux maux

Il faudrait aussi s'interroger sur les raisons de cette dérive : la conviction souvent, mais parfois aussi le calcul politique à court terme ou le désir éperdu d'apparaître proche du peuple - ou encore le plaisir infantile de se singulariser en " défiant le politiquement correct ". Sans oublier la simple incompétence et l'absence de sens critique face aux poncifs ou aux chiffres fantaisistes assénés par les démagogues à propos des " immigrés ". Ce dernier point est décisif : pendant deux décennies, il y a souvent eu, chez les journalistes de télévision ou de radio qui recevaient complaisamment des dirigeants d'extrême droite, un silence aux effets symboliques redoutables. En effet, qui ne dit mot consent : en n'apportant pas la contradiction lorsqu'un chiffre mensonger était avancé, lorsqu'un argument fallacieux était énoncé ou lorsque la loi contre l'injure raciste était bafouée, les journalistes ont souvent laissé des mensonges apparaître comme des vérités, des sophismes apparaître comme des arguments et des propos illicites apparaître comme des opinions respectables. Les motivations peuvent être diverses, mais quelles qu'elles soient, elles supposent toutes une profonde indifférence ou un profond mépris à l'égard des " immigrés ", et elles débouchent toujours sur les mêmes conséquences : la banalisation et la légitimation de la violence raciste, qu'elle soit verbale ou physique, individuelle, collective ou institutionnelle. Car les mots engendrent des actes : le changement de discours produit un changement de climat, qui entraîne chez tous ceux qui ne prennent pas garde un changement de regard et donc de comportement. Il suscite par exemple des réflexes d'inquiétude ou de méfiance lorsqu'un homme jeune et basané entre dans une rame de métro. Il fait du moindre problème de voisinage ou de la moindre altercation un psychodrame vécu comme un " choc des cultures ", et facilite ainsi le passage à l'injure, à l'agression ou même au crime raciste. La " lepénisation " du discours politique et médiatique se traduit aussi par une " lepénisation " des pratiques administratives : aux guichets des préfectures ou des services sociaux s'est développée une attitude de soupçon systématique face aux étrangers, parfois accompagnée de délation [14]. La " lepénisation " se répercute enfin dans le droit lui-même : nous montrons, tout au long de ce dictionnaire, comment, en vingt ans, les résidents étrangers ont perdu une série importante de droits, alors qu'il en restait encore beaucoup à conquérir - en particulier :

le droit à l'asile politique (cf. Misère du monde) ;
le droit au regroupement familial (cf. Famille) ;
le droit aux titres de séjour (cf. Clandestins, Critères, Ordre public) ;
le droit à un jugement équitable pour les actes de délinquance, perdu du fait de la systématisation de la double peine (cf. Chez soi).

Pour se faire une idée du chemin parcouru, il faut se rappeler qu'en 1978, le Parti socialiste soutenait le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, l'abrogation de la double peine et l'interdiction des expulsions forcées.

Précisions sur le choix du corpus

Nous avons procédé à partir de sources écrites, essentiellement des quotidiens et des hebdomadaires de gauche et du centre (Le Monde, Libération, Le Figaro, Le Parisien, L'Humanité, L'Événement du Jeudi, Le Nouvel Observateur, Marianne). Nous avons peu pris en compte le traitement télévisuel des " problèmes de l'immigration ". La raison en est que le discours télévisuel, s'il peut être encore plus caricatural que celui de journaux (en particulier du fait de la brièveté des sujets), n'a au fond rien de spécifique (les journalistes de télévision et de radio sont très proches de ceux de la presse écrite, quand ce ne sont pas les mêmes). Une étude semblable à la nôtre pourrait en revanche être faite sur le rôle spécifique joué par les images : on pourrait montrer qu'il y a eu une lepénisation par les yeux en même temps que par les oreilles. Un livre récent de Nicolas Bancel et Pascal Blanchard fournit là-dessus quelques exemples édifiants [15]. Il reste que le jeu sur les mots, tel que nous l'analysons ici, joue un rôle décisif, y compris dans les montages visuels. Comme disait Pierre Bourdieu, aussi paradoxal que cela puisse paraître, " le monde de l'image est dominé par les mots " : " La photo n'est rien sans la légende qui dit ce qu'il faut lire (legendum), c'est-à-dire, bien souvent, des légendes, qui font voir n'importe quoi. Nommer, on le sait, c'est faire voir, c'est créer, porter à l'existence. Et les mots peuvent faire des ravages : islam, islamique, islamiste - le foulard est-il islamique ou islamiste ? Et s'il s'agissait simplement d'un fichu, sans plus ? Il m'arrive d'avoir envie de reprendre chaque mot des présentateurs qui parlent souvent à la légère, sans avoir la moindre idée de la difficulté et de la gravité de ce qu'ils évoquent et des responsabilités qu'ils encourent en les évoquant, devant des milliers de téléspectateurs, sans les comprendre et sans comprendre qu'ils ne les comprennent pas. Parce que ces mots font des choses, créent des fantasmes, des peurs, des phobies ou, simplement, des représentations fausses [16]. " Démonter les jeux de mots nous paraît pour cette raison être la priorité. Notre travail de recensement a porté sur trois corpus, correspondant à trois champs : politique, journalistique, intellectuel. Nous avons donc lu d'une part les lois et circulaires, les discours officiels, les déclarations publiques et les interviews des hommes politiques ; d'autre part les articles ou éditoriaux de la presse écrite, de gauche et du centre ; enfin, les tribunes ou les points de vue d'intellectuels publiés dans cette même presse, ainsi que les essais publiés sous forme de livre. Même si nous l'avons réactualisé, en prenant en compte les changements (notamment législatifs) intervenus entre 1999 et 2002, la plus grande partie de notre travail porte sur les années 1996-1998, qui correspondent à l'émergence sur la scène publique des mouvements de sans-papiers. Mais puisque l'analyse des discours tenus par les politiques, les journalistes et les intellectuels durant cette période fait souvent apparaître une généalogie remontant aux années 1970 et 1980, nous avons aussi pris en compte l'histoire moins récente de ces discours : celle des trente dernières années.

Collectif Les mots sont importants
Louis
 
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Message par conformistepote » 17 Fév 2003, 08:36

a écrit :La " France d’en bas " n’est pas lepéniste (ni sarkozyste)


par Pierre Tévanian*


Dans le semblant de débat qui a lieu en ce moment autour des " lois
Sarkozy ", il est un point sur lequel les partisans et les adversaires
de l’intégrisme sécuritaire se rejoignent, une évidence qu’il serait
pourtant opportun d’interroger : l’idée selon laquelle le discours et
les mesures prises par Nicolas Sarkozy recueillent l’adhésion de "
l’opinion ", et notamment celle de la " France d’en bas ".

Qu’un gouvernement de droite s’autorise ainsi
du soutien de " la majorité " et des " plus démunis ", c’est après tout
de bonne guerre. Il est en revanche grave que ce discours, qui relève de
la pure propagande, ait fini par persuader un si grand nombre
de ceux-là même qui, courageusement, tentent de s’opposer aux lois
Sarkozy. Nombreux sont en effets les militants qui, face à des mesures
qu’ils qualifient de "populistes " ou de "démagogiques ", ont
aujourd’hui l’impression de parler et d’agir " dans le désert ", au
milieu d’un " peuple " complètement " lepénisé " ou " sarkozyfié ". Et
le plus décourageant est sans doute que les ouvriers et chômeurs, pour
qui ces militants combattent, semblent les plus "atteints" par cette "
sarkozyfication des esprits ".

Il n’y a en réalité pas de raison de désespérer, car tout cela repose
sur une immense illusion.

Une illusion entretenue d’abord par les sondages. Or, il convient d’être
prudent face aux résultats de sondages, et de prêter attention notamment
à la manière dont ont été formulées les questions. Par exemple,
lorsqu’on demande s’il faut " sanctionner la mendicité agressive", on
prend partie, de fait, pour le ministre, en adoptant son vocabulaire, et
on pousse une partie des " indécis " à approuver une sanction qu’ils
auraient sans doute désapprouvée si la mendicité n’avait pas été
qualifiée d’ " agressive ", et si la dureté de la sanction avait été
mentionnée. De même, lorsqu’on demande s’il est juste de sanctionner
"l’outrage à l’hymne et au drapeau ", sans préciser la nature dérisoire
de l’outrage ni la lourdeur de la sanction, on recueille une majorité
d’adhésions, qu’on ne recueillerait sans doute pas si la question était
plus honnête et précise.

Il faut s’interroger également sur la représentativité des "
échantillons de population "interrogés, surtout lorsque, comme c’est
avéré, de plus en plus de personnes refusent de répondre aux sondeurs
(notamment au sein des classes populaires). Il faut enfin s’interroger
sur le matraquage médiatique et sur l’imposition de problématique qu’il
peut produire : un récent sondage montrait par exemple que les personnes
interrogées faisaient de " l’insécurité " le " problème le plus
préoccupant " du pays, loin devant les problèmes des retraites, de la
pauvreté, de la sécurité, de l’emploi, de l’hygiène alimentaire ou de la
pollution, mais que,lorsque la question spécifiait " pour vous, dans
votre vie, dans votre ville ", les mêmes personnes plaçaient
l’insécurité liée à la délinquance de rue en dixième position, avec
seulement 20% de personnes " plutôt insatisfaites ", et près de 80% de "
plutôt satisfaites ".

Comment dire, de manière plus éloquente, que les sondages sont moins un
moyen de s’informer sur la vie concrète et les préoccupations réelles
des habitants du pays qu’un moyen de " faire entériner " par " le peuple
" des " problèmes de société " que la classe politique a construits et
que la télévision a " authentifiés " et " homologués " ?

Mais, dira-t-on, il y a aussi le " séisme du 21 avril " ! On a bien vu,
ce jour-là, que le Front national avait recueilli près de 30% des
suffrages chez les chômeurs, et presque autant chez les ouvriers ; c’est
bien la preuve que le vote FN est un " vote d’exclus ", un vote "
protestataire", un vote de " désespéré " ; c’est bien la preuve qu’il
existe, dans les classes populaires, une immense " demande de sécurité "
Ce discours, là encore, est acceptable dans la bouche d’un Sarkozy, dont
la préoccupation n’est ni la vérité, ni la justice ; mais ses
adversaires devraient réfléchir à deux fois avant de s’y rallier.

D’abord parce que cette analyse repose sur une omission : le candidat FN
a recueilli également 30% des suffrages chez les
"artisans-commerçants-chefs d’entreprise ", et de cela, on ne parle
guère... Ensuite, parce qu’elle repose sur une seconde omission, qui
fausse radicalement notre vision du " paysage politique " : en oubliant
de prendre en compte la non-participation (qui
représente plus de la moitié des comportements chez les chômeurs), on
passe d’un constat exact (le score de Le Pen est de 30% chez les
chômeurs) à une conclusion inexacte : " 30% des chômeurs ont voté
Le Pen ". Car en réalité, les chômeurs, comme les ouvriers, se
caractérisent avant tout par un très fort taux de non-inscription (près
de 15% de non-inscrits dans la cité des Cosmonautes à Saint Denis, par
exemple) et d’abstention (près de 40% d’abstention chez
les chômeurs au niveau national), ce qui fait que (même si l’on ne prend
pas en compte les chômeurs étrangers, qui n’ont pas le droit de vote),
moins de la moitié des chômeurs s’est exprimée à l’élection de 2002. Par
conséquent, les 30% de suffrages exprimés pour Le Pen représentent en
réalité 30% de moins de la moitié des chômeurs, soit : moins de 15%
des chômeurs.

Si, dans chaque classe sociale, on prend en compte ces " invisibles "
que sont les étrangers,les non-inscrits, les abstentionnistes, et les
votants " nul ", on aboutit à des conclusions très différentes des
conclusions habituelles : les chômeurs n’ont pas plus
voté Le Pen que la moyenne nationale ; ce sont essentiellement les "
artisans-commerçants-chefs d’entreprise " qui ont voté Le Pen dans des
proportions supérieures à la moyenne.

Il est enfin un dernier poncif qui entretient toute une série
d’illusions sur le caractère "populaire " des dérives racistes et
sécuritaires : c’est l’idée selon laquelle les ouvriers seraient passés
du vote communiste au vote FN.  Or, là encore, on passe d’un constat
exact (dans les circonscriptions autrefois dominées par le vote
communiste, le FN augmente ses scores, tandis que le Parti communiste
chute) à une conclusion inexacte: " les électeurs sont passés du vote
PCF au vote FN "). Car en réalité, rien n’indique que dans ces
circonscriptions, les électeurs qui cessent de voter PCF sont les mêmes
que ceux qui se mettent à voter FN. Au contraire, les quelques données
dont on dispose indiquent qu’il y a peu de passages directs du vote PCF
au vote FN. Par exemple, seuls 5% des électeurs PCF de 1995
sont passés au vote Le Pen le 21 avril 2002 (c’est le plus faible taux
de " fuite vers le FN " : 18% des électeurs de Chirac de 1995 et 8% des
électeurs de Jospin de 1995 sont passés au vote Le Pen le 21 avril
2002). En somme, ce qui explique la chute du PCF et la montée du
FN dans les anciens " fiefs communistes ", c’est non pas un passage
massif des électeurs PCF vers le vote FN, mais plutôt un ensemble
d’évolutions parallèles : les anciens électeurs PCF arrêtent de voter ;
et la minorité des ouvriers votant à droite se radicalise et passe au
vote FN.

Toutes ces illusions liées à l’oubli de l’abstention et de la
non-inscription sont très lourdes de conséquences. Tout d’abord, elles
contribuent à occulter un problème crucial, le seul problème  spécifique
des classes populaires du point de vue du jeu électoral : un problème
bien connu (depuis les analyses déjà anciennes de Pierre Bourdieu ou de
Daniel Gaxie) mais soigneusement refoulé, celui de la non-participation.
Ensuite, ces illusions aboutissent, y compris dans des organisations
antifascistes ou antiracistes, à un découragement qui n’a pas lieu
d’être, et, plus grave, à un discours misérabiliste expliquant
le vote FN par des difficultés sociales. Ce qui revient en définitive à
occulter ou à minorer la question raciste.

Car il faut se rendre à l’évidence : si les ouvriers ou les chômeurs ne
votent finalement pas davantage FN que les autres classes sociales, la
vérité de ce vote doit être cherchée ailleurs que dans la précarité
sociale, et la réponse s’impose assez vite : c’est bien le racisme, en
particulier l’antisémitisme, le racisme anti-noir et plus encore le
racisme anti-maghrébin, qui est en France l’une des choses les mieux
partagées – pour des raisons historiques sur lesquelles il serait temps
de s’interroger. Et c’est bien le racisme anti-arabe qui est au coeur
des lois Sarkozy, caché derrière des euphémismes (comme " inquiétude "
et " sentiment d’insécurité ") et des périphrases (comme " outrage au
drapeau français " ou " occupation des halls d’immeuble "). C’est bien
le racisme, enfin, et lui seul, qui, pour reprendre une formule
de Sartre, permet aux maîtres de communier avec leurs serviteurs.



*Pierre Tévanian professeur de philosophie à Drancy, membre du collectif
Les mots sont importants (http://www.lmsi.net), auteur du Racisme républicain,
et co-auteur (avec Sylvie Tissot) de Stop quelle violence ? et
Dictionnaire de la lepénisation des esprits (L’esprit frappeur, 2002)
conformistepote
 
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Message par Screw » 17 Fév 2003, 08:57

Bien.
Maintenant, développez (Lcr, Sandy, Conformistepote) votre caractérisation du FN parce que beaucoup de choses semblent sous-entendues.
Screw
 
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Message par faupatronim » 17 Fév 2003, 12:05

(Sandy Varlin @ lundi 17 février 2003 à 11:55 a écrit :oui!!! piste n° 1 : existe t- - il une course de vitesse entre notre camp et la construction d'un PCR... et les fachos FN ? piste n° 2: :raviver le débat marxiste et révolutionnaire sur "combattivité" et "conscience de classe" ?

Sandy, pourrais tu expliquer davantage ce que tu veux dire ? Je reste perplexe sur ton deuxième point en particulier. Pourrais-tu développer ?

Et peux tu répondre à cette question simple : le FN (ou le MNR) est-il aujourd'hui un parti fasciste ?

On pourra ensuite discuter plus clairement, non ?
faupatronim
 
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