sur la conception de l'Histoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 08 Oct 2004, 12:55

Merci pour ces appréciations courtoises et ces développements.

Permettez-moi de donner la référence de la petite discussion sur la guerre d'Espagne, à propos de la critique de L'Humanité sur mon dernier livre : http://www.delpla.org

Je maintiens que, s'il est excellent de conseiller des livres (que le Net complète et qu'il est plus que jamais loin de tuer, à condition qu'on ne prenne pas de mauvaises habitudes), lorsqu'on argumente il est souhaitable de dire soi-même ce qu'on en tire au lieu de faire comme si les titres parlaient d'eux-mêmes.

Quand je dis que la guerre d'Espagne est "locale", c'est évidemment une façon de parler, et de montrer par une image sans équivoque que je prends le contre-pied des visions traditionnelles. Je dirai la même chose, par exemple, à propos d'Hiroshima : les recherches sur l'atome ont été entreprises par les gouvernements anglais et américain dans l'unique éventualité où l'Allemagne, puissance mondiale redoutable, risquait d'avoir de l'avance dans ce domaine, et Truman porte une lourde responsabilité (ainsi d'ailleurs que toutes les forces politiques et sociales qui n'ont pas aussitôt condamné cet usage) d'avoir utilisé paresseusement ce moyen dans une guerre locale : quand je dis ça, je sais bien et je ne nie pas que la guerre contre le Japon était la phase finale d'une guerre mondiale !

Pour en revenir à l'Espagne, les gens qui se croyaient là sur un front très important, propre à tout faire basculer d'un côté ou d'un autre, faisaient preuve non seulement d'une singulière myopie quant au fait que l'auteur de Mein Kampf trônait à Berlin et nourrissait d'immenses plans de conquête en Europe de l'est, mais d'une myopie voulue et en partie fabriquée par ce Hitler lui-même. Les documents révélés après la guerre montrent en effet qu'il soutenait Franco au plus juste, pour lui éviter de sombrer, et souhaitait avant tout que la guerre durât, pour détourner en particulier l'attention des Français.
François Delpla
 
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Message par quijote » 08 Oct 2004, 15:41

Quoique que pensât Hitler ( décidément vous paraissez bien informé : etiez-vous dans ses confidences ?) décidément vous ne voyez toujours qu 'un aspect des choses ( en l ' occurence douteux , ce que " pensait" Hitler ) ,

Mais quoiqu'il pensât , l 'enjeu objectif de la guerre d 'Espagne allait bien au delà du local : la défaite du prolétariat espagnol a ouvert la voie à la voie à loa seconde guerre mondiale : plus d 'obstacles intérieurs , plus d 'opposition réeelle ( les Impérialistes savaient cela et comprenaient l 'enjeu réeel de la lutte .
Les peuples pouvaient donc s'étriper pour permettre aux capitalistes de s 'enrichir , pour arriver à un nouveau repartage du monde
quijote
 
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Message par François Delpla » 08 Oct 2004, 16:01

Je ne suis pas "dans ses confidences", mais il tenait des propos qui ont été, pour certains, connus après la guerre et qui éclairent (souvent moyennant un décryptement) ses actes.
Apprenant cela, non seulement vous dites que c'est sans intérêt (alors que cela explique une bonne part des événements de 39-40, puisque c'est suivant ses plans qu'ils sont déclenchés) mais vous accusez bien légèrement votre informateur de TOUT expliquer par ce facteur.
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 09 Oct 2004, 05:07

Bonjour !


Je ne nie pas qu'une Espagne socialiste aurait dopé le moral des gauches et empêché la SGM, que Churchill appelait "la plus évitable de toutes les guerres" en ayant un autre "what if ?" dans l'esprit -celui d'un regroupement des puissances contre l'agressivité allemande.

Je dis que cela n'a pas été. Les puissances ne se sont pas unies. Cela, Churchill ne l'explique guère, sinon par des facteurs moraux, paresse, lâcheté, égoïsme, aveuglement... L'Espagne rouge a perdu. Vous, Quijote et Caupo, vous l'expliquez comment ? Par des facteurs moraux (trahison etc.) ou individuels (Staline).

Je ne vois pas bien la supériorité théorique sur mon explication par le facteur individuel Hitler. Il a achevé de ridiculiser la SDN (ce que Bush récemment a loupé en beauté concernant l'ONU) et gagné une certaine honorabilité en faisant admettre son Etat-voyou au comité de non-intervention de Londres, aidé Franco à prolonger le conflit (non seulement par une aide aérienne bien chiche mais par ses encouragements à Mussolini), montré soudain en mars 38 après deux ans de calme de nouveaux appétits est-européens qui ont amené la France à se rapprocher dudit Franco (pendant que Churchill, peu glorieux sur ce dossier, se décidait à soutenir les républicains : le chassé-croisé a dû faire sourire Adolf), fait croire à tous les possédants du monde que son objectif unique était défensif et anticommuniste, s'est enfin attiré leur reconnaissance en laissant croire, surtout grâce aux cris d'orfraie des gauches, que la victoire de Franco était en fait la sienne et a par là-même fait surestimer sa puissance (et s'est offert de nouvelles cartes pour détourner l'attention) en laissant croire qu'en cas de conflit il avait à Madrid un allié automatique.

Facteur individuel donc, mais également tout à fait collectif. Car si les ruses marchent, c'est aussi bien sûr en raison de la capacité des dupes de se faire avoir.
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 09 Oct 2004, 09:32

Je suis favorablement impressionné, non seulement par le ton de Caupo, aux antipodes du dogmatisme, mais dans une certaine mesure par le fond.

Les échecs des révolutions du XXème siècle tiennent sans doute justement au dogmatisme. On a trop abusé des "patries des travailleurs", "glorieuses luttes du prolétariat", "fronts décisifs de la lutte de classes", etc., au détriment des analyses concrètes, que la bourgeoisie, par ses quelques idéologues intelligents (Weber, Keynes, Schumpeter ou Aron par exemple) a au total mieux pratiquées.

Si on prend l'exemple du
a écrit :Manifeste communiste
de 1848, Marx y fait une erreur à ma connaissance rarement relevée. Il est persuadé que la bourgeoisie est incapable d'inventer de nouvelles façons de faire rêver les gens et ne saura jamais masquer la prééminence des "eaux glacées du calcul égoïste", en sorte qu'il la voit quitter rapidement la place. Il n'a guère réédité l'affirmation ensuite mais ne l'a pas non plus, à ma connaissance, auto-critiquée.

Hitler est celui qui a le mieux fait rêver ensemble patrons et ouvriers d'un grand pays. Le comment de la chose est une question d'une grande actualité.
François Delpla
 
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Message par Jacquemart » 09 Oct 2004, 11:04

a écrit :Les échecs des révolutions du XXème siècle tiennent sans doute justement au dogmatisme. On a trop abusé des "patries des travailleurs", "glorieuses luttes du prolétariat", "fronts décisifs de la lutte de classes", etc., au détriment des analyses concrètes, que la bourgeoisie, par ses quelques idéologues intelligents (Weber, Keynes, Schumpeter ou Aron par exemple) a au total mieux pratiquées.

Il me semble qu'une fois de plus, vous ne prenez pas le problème par le bon bout, et que l'arbre vous cache la forêt.
Je ne sais pas très bien ce qu'est le "dogmatisme", car c'est une accusation qui a été maintes fois lancée contre le parti bolchevik et son principal dirigeant, Lénine. Or c'est précisément ce "dogmatisme" bolchevik qui a permis la victoire de la seule révolution ouvrière qui ait jamais eu lieu.
Si par "dogmatisme", on entend la défense d'une doctrine fausse et qui stérilise le combat de ceux qui s'en réclament, alors oui, évidemment, le stalinisme a été un dogmatisme. Mais ce dogmatisme stalinien n'était qu'un facteur secondaire, un symptôme. Le facteur profond de ce "dogmatisme" et des politiques myopes et catastrophiques qu'il a fait mener aux partis composant l'I.C., c'est l'hostilité profonde, organique, de la couche sociale dont Staline était le porte-parole à toute révolution ouvrière victorieuse. Considérer l'un sans remonter jusqu'à l'autre, c'est croire que tuberculeux est malade parce qu'il tousse.
Quant au fait d'attribuer les succès politiques de la bourgeoisie à la clairvoyance de ses intellectuels, cela me semble constituer une erreur symétrique. L'Etat a commencé à intervenir dans l'économie sous la pression de la nécessité, bien avant que Keynes écrive quoi que ce soit de marquant. Et la bourgeoisie a d'ailleurs su cracher sur Keynes dès lors que ses recommandations ne lui convenaient plus.
Quant à Schumpeter, Aron ou Weber, ils ont certes pu forger des idéologies qui dans l'intelligentsia, ont fait pièce au marxisme - ou qui en tout cas, avaient cette ambition - mais ils n'ont en aucun cas fourni à la bourgeoisie les critères concrets d'une politique concrète.
Pour ce qui est des erreurs du "Manifeste", il me semble que c'est un sujet intéressant qui mériterait un fil spécifique.
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Message par pelon » 09 Oct 2004, 12:53

Créé un nouveau fil sur l' erreur" de Marx dans Le Manifeste. Modérateur.
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