sur la conception de l'Histoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par titi » 09 Oct 2004, 18:31

essayons de parler avec un autre vocabulaire, en attendant que F.Delpla lise un peu ce que nous souhaitons qu'il lise.

sur la discussion entre "les causes générales" et "les accidents", je citerai ci-après un extrait des Souvenirs de Tocqueville (à propos de la révolution de février 1848)
a écrit :J'ai vécu avec des gens de lettres, qui ont écrit l'histoire sans se mêler aux affaires, et avec des hommes politiques, qui ne se sont jamais occupés qu'à produire les évenements sans songer à les décrire. J'ai toujours remarqué que les premiers voyaient partout des causes générales, tandis que les autres, vivant au milieu du décousu des faits journaliers, se figuraient volontiers que tout dvait être attribué à des incidents particuliers, et que les petits ressorts, qu'ils faisaient sans cesse jouer dans leurs mains, étaient les mêmes que ceux qui font remuer le monde. Il est à croire que les uns et les autres se trompent.

Je hais, pour ma part, ces systèmes absolus, qui font dépendre tous les évenements de l'histoire de grandes causes premières se liant les unes aux autres par une chaîne fatale, et qui suppriment, pour ainsi dire, les homes de l'histoire du genre humain. Je les trouve étroits dans leur prétendue grandeur, et faux sous leur air de vérité mathématique. Je crois, n'en déplaise aux écrivains qui ont inventé ces sublimes théories pour nourrir leur vanité et facilité leur travail, que beaucoup de faits historiques importants ne sauraient être expliqués que par des circonstances accidentelles, et que beaucoup d'autres restent inexplicables ; qu'enfin le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes secondes, que nous appelons ainsi faute de savoir le démêler, entre pour beaucoup dans tout ce que nous voyons sur le théâtre du monde ; mais je crois fermement que le hasard n'y fait rien, qui ne soit préparé à l'avance. Les faits antérieurs, la nature des institutions, le tour des esprits, l'état des moeurs, sont les matériaux avec lesquels il compose ces impromptus qui nous étonnent et qui nous effraient.


On peut déjà noter une différence singulière avec l'époque de Tocqueville, c'est comme l'a rappelé Caupo que les politiques d'aujourd'hui ont des "réseaux" chargés de réfléchir (pour eux ?) aux causes générales. Et qu'apparemment aussi, du coté des écrivains, la mode est plutot à la recherche du "fait particulier" (je ne fais pas allusion spécialement à F.Delpla), peut-être (?) parce qu'ils ne cherchent plus les causes générales et que pour justifier leur "poste", ils faut bien qu'ils trouvent du nouveau, donc des "détails".

Sinon, la réfléxion de Tocqueville est d'après moi assez proche de celle des marxistes (bien sur avec son point de vue à lui qui n'est pas le nôtre...), à savoir qu'il n'y a pas de fatalité dans les événements, que ce n'est pas par exemple parce que la classe ouvrière doit arracher le pouvoir à la bourgeoisie, qu'elle le fera forcément. Cf les discussions sur l'importance d'un parti révolutionnaire.

Tocqueville disait "les causes générales fécondées par des accidents".
Ce que je rajouterai à la phrase de Tocqueville, c'est que les accidents sont nombreux, mais évidemment L'accident qui fécondera aura des caractéristiques particulières qui s'imprimeront. Par contre, outre l'accident, il faut
- des conditions objectives (le fonctionnement de la société)
- des conditions subjectives (par exemple l'existence et la force d'un parti révolutionnaire, et dans le cas de l'allemagne des années 30 l'existence d'un parti fasciste fort de milliers de membres, suite à la crise de 29, et qui avaient fait la guerre de 14 donc pour qui faire le coup de poing contre les communistes était une broutille)
C'est seulement sur la réunion des 2 que les accidents peuvent jouer.
titi
 
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Message par François Delpla » 10 Oct 2004, 05:29

Bon dimanche à tous !

Pour ma part je n'avais pas l'impression de m'être écarté du Reichstag et je n'ai toujours pas trop le temps de causer théorie mais tant pis pour moi, je n'avais qu'à pas citer Marx, sutout pour l'autocritiquer !


a écrit :Quant au fait d'attribuer les succès politiques de la bourgeoisie à la clairvoyance de ses intellectuels, cela me semble constituer une erreur symétrique. L'Etat a commencé à intervenir dans l'économie sous la pression de la nécessité, bien avant que Keynes écrive quoi que ce soit de marquant. Et la bourgeoisie a d'ailleurs su cracher sur Keynes dès lors que ses recommandations ne lui convenaient plus.



Faudrait peut-être arrêter de penser quand je parle d'une chose, elle occupe pour moi tout l'horizon.

Je n'ai rien expliqué par le rôle des intellos bourgeois, j'ai seulement dit que leurs analyses ont été globalement un peu plus fines et réalistes, au XXème siècle, que celles des révolutionnaires. C'est de la comparaison terme à terme au sein de la sphère intellectuelle et nullement une prise de parti sur l'articulation de celle-ci avec les faits matériels.
François Delpla
 
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