Les questions qui fachent ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par com_71 » 10 Sep 2005, 20:40

En anglais, ici, la critique d'un livre entier consacré en 1948 au sujet du marxisme et des "peuples sans histoire" par Roman Rosdolsky, proche du mouvement trotskyste.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Jacquemart » 10 Sep 2005, 21:37

Manu, je ne sais pas si c'est cet aspect qui te gène, mais on peut être aujourd'hui un peu surpris, voire choqué, par cette manière dont Marx parle "des Juifs", de leur caractère, comme si les Juifs formaient un peuple à part doté de caractères particuliers.

Sauf que c'était précisément le cas. Je ne suis pas très calé sur la question, et d'autres copains auront sûrement des précisions là-dessus, mais en Allemagne, comme dans la quasi-totalité des pays d'Europe de l'est, les juifs étaient frappés depuis des siècles par toute une série d'interdiction juridiques, professionnelles, résidentielles. Cela fait qu'ils formaient réellement une société dans la société, avec sa religion, ses coutumes, ses professions réservées - en particulier celle d'usurier - et la mentalité qui en découlait.

Parler à l'époque des caractères spécifiques des Juifs dans ces sociétés, ce n'était donc pas faire preuve de "racisme", mais partir d'une réalité sociale très palpable.
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Message par artza » 10 Sep 2005, 23:29

(manu @ samedi 10 septembre 2005 à 20:08 a écrit :
a écrit :Neue Rheinische Zeitung, revue dirigée par Karl Marx :

- 1849 : Engels appelle à l'extermination des Hongrois et de faire disparaître les Serbes, Slaves puis les Basques, les Bretons et les Ecossais.
- 15-16 février 1849, Engels écrit :
"En dehors des Polonais, des Russes et peut-être des Slaves de Turquie, aucune nation slave n'a d'avenir car il manque à tous les autres slaves les bases historiques, géographiques, politiques et industrielles qui sont nécessaires à l'indépendance et à la capacité d'exister. Des nations qui n'ont jamais eu leur propre histoire, qui ont à peine atteint le degré le plus bas de la civilisation, ne sont pas capables de vie et ne peuvent jamais atteindre la moindre indépendance" Engels, défini l'"infériorité" Slave comme étant due aux données historiques dont l'amélioration est rendue impossible par le facteur racial.

Révolution et contre-révolution en Allemagne - Karl Marx 1852 : "Comment se débarrasser de ces peuplades moribondes, les Bohémiens, les Corinthiens, les Dalmates,etc"

Lettre de Engels à W. Borgius (1894) : "Pour nous, les conditions économiques déterminent tous les phénomènes historiques, mais la race elle-même est une donnée économique..."
Sur la Question Juive - Karl Marx 1843 : "Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, la cupidité. Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son Dieu ? L'argent" et le communisme est "l'organisation de la société qui ferait disparaître les conditions du trafic et aurait rendu le juif impossible"



Comment considérer ces textes ? Je suis perplexe...........

Perplexe il y a de quoi l'être devant ce truc.
D'où sa sort tout ça des bouts de citation enfilées à la queue leu-leu entrecoupées de petits commentaires de qui ? qui n'expliquent rien , embrouillent tout et disent parfois des choses fausses.

Ca m'étonnerait beaucoup qu'Engels ait appelé à "l'extermination " des hongrois dont il vantait et soutenait les luttes pour leur indépendance.

Pour ce qui est de la disparition des bretons etc... c'est bien ce qui c'est passé non?
Penses-tu que les bretons soient aujourd'hui un peuple particulier? opprimé?
qu'à l'avenir ils vont former un état national indépendant?

Ce qu'il dit des slaves n'est pas si faux à voir les problèmes de Yougoslavie et de Tchécoslovaquie...

Je crois que Jacquemart a raison le mot race est ici synonyme de peuple ou ethnie comme on dit aujourd'hui.

Il faut lire Marx et Engels bien sur dans le contexte et sans les "modes" et le "préjugés" d'aujourd'hui. Et puis en discuter à partir du texte.
artza
 
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Message par Barikad » 11 Sep 2005, 15:44

(manu @ dimanche 11 septembre 2005 à 15:57 a écrit : Je veux juste vérifier pour avoir des arguments à opposer quand on me resortira ce genre de trucs afin de ne pas rester le bec dans l'eau comme un couillon qui ne sait plus quoi dire ! et non par simple soucis de vérifier que Marx n'était pas une ordure. Pas besoin de vérification pour ça....
Ben, le mieux, c'est effectivement d'aller à la source, comme te l'ont conseillé les camarades. Par ailleurs, je te conseille la lecture du livre d'Abraham Léon: "l'analyse materialiste de la question juive" puisque tu as l'air de t'interesser à la question (qui est passionante par ailleurs). Je ne sais pas si il est encore possible de le trouver en version papier, mais je sais qu'il est disponible sur marxists.org
Barikad
 
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Message par Gaby » 11 Sep 2005, 16:43

Manu, je crois que tu fais un grave contresens à la lecture des réponses des copains. Personne n'a dit "le racisme était généralisé au XIXème, c'est un homme de son temps". Certainement pas ! Ce genre d'arguments est irrecevable. Il est bien sûr absolument nécessaire de critiquer ce qui doit l'être et si les premiers marxistes avaient été xénophobes, nous serions les premiers à dénoncer la contradiction entre ce sentiment réactionnaire et le magnifique appel aux "travailleurs de tous les pays" (ce qui pour dire le moins, n'était pas une idée peu révolutionnaire).

Simplement, ce n'est pas ici le problème. Qui a lu Marx à même le texte, ou Engels, le sait.

Ce que te répondent les copains quand ils te disent de prendre en compte la date, de contextualiser, c'est de comprendre quelles sont les questions posées à l'époque, et avec quel vocabulaire. La première précision à te faire, et qui a été écrite clairement par Jacquemart, c'est qu'un mot comme "race" n'a plus le même sens. Ce n'est pas simplement que nous soyons devenu plus sensibles à ce sujet, c'est vraiment qu'il y a eu glissement. Il faut comprendre l'emploi d'un tel mot comme "peuple". On peut l'illustrer.
Tu n'es pas sans savoir que le XIXème siècle a été un tournant essentiel en Histoire (la science, la matière, la discipline). Pour la première fois, ou peut-être plutôt dans la continuité des Lumières, au-delà de l'érudition, les historiens cherchaient à comprendre le déroulement historique et ses mécanismes, ses logiques. C'est ainsi que différentes idées sont apparues et que pour la première fois, l'opposition des classes sociales comme facteur déterminant du cours des choses apparaissait à l'oeil du commentateur, notamment à travers la Révolution Française. Je ne parle pas ici des marxistes, mais bien d'auteurs eux-même bourgeois. On comprenait la Révolution comme l'émancipation d'une classe servile luttant contre la classe nobiliaire et ses privilèges. C'est même plutôt explicite dans les évènements et seuls les timides peuvent encore aujourd'hui ne pas reconnaître cet axe de compréhension scientifique. Les historiens cherchaient alors de façon générale des explications aux faits. C'était le récit qui se faisait thèse. Ainsi différents concepts ont vu le jour, comme la lutte des classes. Et, j'en viens là où je voulais en venir, des bourgeois comme Guizot ou Thierry ont même parlé de "lutte des races". Rien d'Hitlérien là-dedans, il s'agissait alors de comprendre l'histoire des nations et la place de cette idée dans l'évolution historique. La nation, ce n'est pas simplement une dénomination sans intérêt, c'est une construction historique ; ne pas le prendre en compte, cela revient à nier la réalité.
J'ajouterai de façon subsidiaire qu'il faut comprendre les différents racismes comme des effets de données sociales particulières. Je m'explique en prenant un exemple : le racisme américain autour du clivage entre noirs et blancs, c'est le fait d'une histoire de classes entre riches colons, indentured servants et esclaves d'Afrique. L'antisémitisme, populisme haineux qui se sert d'images comme celle du juif bourgeois des affaires et qui justifie les pires atrocités, n'est pas né de nul part non plus, mais d'une organisation particulière de la société qui a permis le développement de la xénophobie la plus vulgaire.

Il faut comprendre l'emploi du mot race comme il en convenait à l'époque, c'est-à-dire comme il était employé par tous dans le concert des nations, et où on ne se posait pas tout à fait les mêmes questions. Et en ce qui concerne le peuple juif, son histoire est tellement riche que son étude est indispensable. Les copains t'ont donné des références si tu souhaites vérifier par toi-même (en passant, merci com71 pour la réf' sur Rosdolsky). D'ailleurs sans doute aucun, "La question juive" est un des meilleurs ouvrages de jeunesse de Marx, avec le style particulier qui caractérises ses jeunes écrits.

Si quelqu'un t'emmerde dans le futur en arguant que les grands anciens du mouvement ouvrier étaient racistes, alors qu'ils ont été les véritables impulseurs des valeurs dont même les bourgeois s'honorent, désormais, envoie-les bouler avec force et fracas. Tu n'as rien à attendre d'un malhonnête et d'un fraudeur, car il ne connait rien de ce qu'il prétend maitriser. Si en revanche, il pose une question ouverte, alors explique-lui.

C'est un vieux truc "Marx antisémite"... Ca n'a jamais empêché les très nombreux et très excellents marxistes juifs de dormir.
Gaby
 
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