l'éducation populaire à la croisée des chemins

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Valiere » 17 Août 2006, 09:20

L’EDUCATION POPULAIRE A LA CROISEE DES CHEMINS


La baisse des subventions publiques risque de conduire certains mouvements à rechercher de nouveaux « marchés » pour se développer ou même survivre...
Certaines organisations se réclamant de l’Education Populaire traversent une crise d’identité, tant les changements opérés en termes d’actions prioritaires sont importants...
Rien n’est encore définitif...Des militantes et militants combattent les dérives en cours et de nouvelles associations ont vu le jour.

Dans leur livre noir de l’animation socioculturelle, les auteurs de l’USPAOC-CGT déclinent quatre définitions possibles de l’Education populaire.


"L’éducation populaire regroupe toutes les formes d’éducation en dehors de l’école." (une définition dominante - hélas !)

"L’éducation populaire est le processus par lequel le destinataire de l’acte éducatif est associé à la définition des contenus légitimes de savoirs transmis." (une définition pédagogique)

"L’éducation populaire est le développement des capacités de chacun à comprendre son environnement, à pouvoir s’y situer pour agir à le transformer." (une définition politique)

"L'éducation populaire est tout à la fois une philosophie de l'histoire, une configuration et un outil. Elle est au carrefour de l'éducation permanente, de l'éducation des adultes, de l'éducation ouvrière, de l'animation socioculturelle et de l'économie sociale ." (une définition sociale et politique)

Les pionniers de l’Education populaire qui ont oeuvré dès la fin du 19ème siècle ont voulu fonder un mouvement qui visait la transformation sociale et permettre que tous et toutes accèdent à la culture, aux savoirs et puissent par-là même disposer d’outils pour changer la société...

Les grandes associations nationales et fédérations qui existent aujourd’hui gardent d’ailleurs dans leurs statuts ou projets éducatifs une empreinte bien marquée de cette orientation.
Qu’en est-il aujourd’hui de ces grandes valeurs affichées ?
Ces organisations, héritières de l’action des militantes et militants qui ont fondé ce grand mouvement d’idée et d’action ont-elles changé de cap ?
On pourrait le penser en menant une analyse quelque peu sérieuse de leur mode de fonctionnement et de leur politique.
La prise en compte de plusieurs critères d’évaluation permet de confirmer l’inquiétude de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent que les mouvements agissent en cohérence avec les valeurs fondatrices affichées.


- L’engagement militant :D e nombreux adhérents ne sont que des « clients » : stagiaires BAFA et BAFD, parents d’enfants inscrits dans les centres de loisirs associatifs...Dans les principales associations, les « consommateurs » représentent 90% ou plus des effectifs ;

- L’action éducative : l’intervention en termes de conseils ou de formation auprès des collectivités territoriales demande une disponibilité et une ingénierie assez pointue... les instances des associations traitent de plus en plus des questions relatives à la gestion au détriment de l’action « politique et sociale » ;

- L’indépendance : la place de l’accompagnement des politiques publiques : pour obtenir des subventions les associations doivent adopter leurs interventions aux dispositifs institutionnels

- La solidarité :la priorisation donnée à la recherche de nouveaux marchés conduit les différentes organisations à défendre leur propre pré carré
Pour prendre un exemple : la bataille de Paris entre la Ligue de l’Enseignement et la fédération Léo Lagrange a été féroce. L’enjeu était de taille puisqu’il s’agissait d’obtenir un maximum de délégations de service public.

- La politique sociale
De nombreuses directions se comportent en patrons de combat, n’hésitant pas à licencier du personnel dès la moindre baisse importante des produits, même si l’excédent cumulé des exercices précédents reste confortable

Sans aucune concertation réelle avec les organisations syndicales et en obtenant le soutien du gouvernement qui a mis en place le CNE, les grandes associations d’éducation populaire ont réussi à faire adopter une loi pérennisant la précarité des animateurs.
Le contrat éducatif permet à des employeurs de ne verser à des animateurs travaillant jusqu’à 80 jours par an qu’une indemnité de 2, 2 heures de SMIC pour une journée entière de travail.


Ceux et celles qui continuent à militer dans une ou plusieurs associations combattent les dérives actuelles et agissent pour que les grands mouvements ne glissent pas dans le gouffre du libéralisme....

L’éducation populaire, vivante, active, fidèle aux principes n’est pas morte, elle vite et se développe :

- des associations adhérentes aux grands réseaux continuent à agir en adéquation avec les principes
- des mouvements apparus assez récemment comme ATTAC, l’UFAL ou Droit au Logement agissent au quotidien dans le cadre d’un combat éducatif, social et politique pour une transformation de la société, pour la rendre plus humaine et plus démocratique
- de nombreuses associations locales interviennent dans les quartiers pour une citoyenneté active

Les associations qui se réclament de l’Education populaire peuvent demander en fonction de leur territoire d’intervention un agrément au Ministère Jeunesse et Sports ou aux Directions départementales (DDJS)
Cette reconnaissance permet d’obtenir des subventions publiques, de la part de l’Etat ou des Conseils généraux et régionaux sans pour cela obliger à s’adapter aux dispositifs, à moins que l’on ne veuille passer de la transformation à l’adaptation sociale.

Aujourd’hui si l’on veut que la citoyenneté ne soit pas un terme vidé de son sens, il est nécessaire et urgent de développer à tous les niveaux des associations prônant la fin des inégalités et agissant pour l’émancipation.
Les collectifs d’associations comme le CRAJEP ( Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Education Populaire) et le CNAJEP ( Comité National des Associations de Jeunesse et d’Education Populaire) auxquels peuvent adhérer toutes les associations d’éducation populaire peuvent devenir ou redevenir des espaces de débats et d’élaboration de politiques qui visent à obtenir des avancées sociales. ( il existe parfois des coordinations départementales : CDAJEP)

L’éducation populaire n’est pas une institution de contrôle social, ni une entreprise socio-éducative mais un vecteur de transformation pour, comme l’écrivent encore dans leurs textes des grandes associations, conduire à ce que l’homme soit le plus libre possible dans la société la plus démocratique possible !
Toutes les organisations qui renient les principes constitutifs sont vouées à devenir des entités marchandes ou des relais des politiques libérales .

Valière
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