Pannekoek et son "Lénine philosophe"

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par piter » 24 Août 2006, 12:08

le passage d'Engels que je cite ne fait pas passer Engels pour un idéaliste (à moins de lire trop rapidement...ou de prendre toute dialectique pour de l'idéalisme...). ce qui est une abstraction c'est, dit Engels, la matière "en tant que telle", la matière avec un grand M si l'on peut dire, le concept de matière qui fait abstractoin de ce qu'il n'y a pas "de la matière" en général. de la meme façon que Marx et Engels se moquent des philosophes qui parlent de l'Homme alors qu'il n'y a que des individus inscrit dans telle ou telle situation concréte et ayant tele ou telle activité, ils critiquent les matérialistes vulgaire qui opérent avec une conception métaphysique de "La Matière".

pour ce qui est de Pannekoek, ses critiques prétenduemment idéalistes sont du meme type que celles d'Engels contre le matérialisme vulgaire (là ou il se trompe, lourdement, c'est lorsqu'il présente Lénine comme un révolutionnaire bourgeois).
assimiler Pannekoek et Berkeley c'est ne connaitre ni l'un ni l'autre.

la critique de Berkeley est effectivement plutot dans Matérialisme et empiriocriticisme (et là Lénine à raison bien entendu).
piter
 
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Message par piter » 24 Août 2006, 16:17

il ne suffit pas de l'affirmer.
piter
 
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Message par canardos » 24 Août 2006, 21:58

d'abord je fais mon autocrique sur Pannekoek qui n'est pas un idéaliste pur comme l'éveque Bekerley (la aussi tu as raison shadoko c'est surtout lenine qui parle de Bekerley dans matérialisme et empiriocritisme).

Toutefois les theses de Pannekoek sont extrement ambigues et l'auteur confond toujours la représentation de la matiere, du monde exterieur par l'esprit humain avec la eéalité de la matiere elle meme, de monde exterieur, en dehors de toute présence et représentation humaine.

Pannekoek à certes raison de dire que cette représentation se batit dans une relation dialectique entre l'homme et la matière ou celui ci interagit avec elle et la transforme au fur et à mesure qu'il découvre ses propriétés.

Toutefois, il va trop loin quand il oppose le point de vue des "savants" à celui des révolutionnaires, le matérialisme bourgeois au matérialisme historique:


a écrit :
Voilà pourquoi le matérialisme historique voit tout d'abord dans les résultats de la science, ses concepts, ses substances, ses lois naturelles, ses forces - sans doute extraits de la nature - des créations du travail de l'esprit humain.

A l'opposé, le matérialisme bourgeois, en adoptant le point de vue des savants, y voit une partie de la nature elle-même, découverte et mise en lumière par la science. Les savants considèrent les entités invariantes, comme la matière, l'énergie, l'électricité, la pesanteur, l'éther, la loi de gravitation, la loi de croissance de l'entropie, etc., comme autant d'éléments fondamentaux du monde, comme la réalité à découvrir. Du point de vue du matérialisme historique, ce sont des produits de l'activité créatrice de l'esprit, formés à partir de la matière primitive des phénomènes naturels. C'est là une différence fondamentale dans le mode de pensée des deux matérialismes."



Non la matiere et l'énergie ne sont pas produits de l'activité créatrice de l'esprit humain. elles existaient avant l'homme et existeront apres.

Mais Pannekoek mais cette réalité exterieure sur le meme plan que les lois que l'homme a tiré de son observation, de son interaction avec elle.

Au nom du fait que la vision que l'homme a de la réalité exterieure est le le produit de cette interaction avec la matiere, il considere que la matière elle meme est le produit du cerveau humain, traitant de matérialistes bourgeois ceux qui ne confondent pas la représentation mentale de l'objet observé dans le cerveau de l'observateur avec l'objet observé lui-meme.

C'est ça l'idéalisme de Pannekoek, et c'est cette confusion entre la matière et la représentation que nous nous en faisons que fait également Piter quand il interprete la pensée de Engels. Engels dit que la matière en tant que telle en ce ci ne nous est connue que que sous forme d'une abstraction, d'une construction du cerveau humain, de la manière dont il interprète ses sensations et ses observations, il ne dit pas que la matière est une abstraction, car cela signifierait que le monde exterieur est une création de l'esprit humain.

Ne pas le comprendre, ce n'est pas défendre le matérialisme historique contre un soit disant "matérialisme bourgeois" des "savants" c'est sombrer dans l'idéalisme.
canardos
 
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Message par logan » 24 Août 2006, 22:33

(canardos a écrit :C'est ça l'idéalisme de Pannekoek, et c'est cette confusion entre la matière et la représentation que nous nous en faisons que fait également Piter quand il interprete la pensée de Engels. Engels dit que la matière en tant que telle en ce ci ne nous est connue que que sous forme d'une abstraction, d'une construction du cerveau humain, de la manière dont il interprète ses sensations et ses observations, il ne dit pas que la matière est une abstraction, car cela signifierait que le monde exterieur est une création de l'esprit humain.


Tout à fait d'accord, le noeud de la question est là.
logan
 
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Message par shadoko » 24 Août 2006, 22:40

a écrit :
Non la matiere et l'énergie ne sont pas produits de l'activité créatrice de l'esprit humain. elles existaient avant l'homme et existeront apres.

Le problème, c'est ce que tu entends par "matière", ici. Si tu veux dire "le monde extérieur, indépendament du fait qu'il y ait des hommes ou pas", oui, bien sûr (et j'écrirais Matière avec une majuscule pour cela par la suite). Mais par exemple, quand tu mentionnes l'énergie à part (comme une chose qui serait différente de la matière), on a l'impression que tu parles de la matière au sens commun (ce qui a une masse, par exemple).
L'énergie, de plus, est typiquement un concept inventé par l'homme pour décrire la Matière (avec un grand "M"), concept qui n'a d'ailleurs de sens que couplé avec un autre concept, la "matière" (avec un petit "m"). Attention, je ne dis pas que ces concepts n'ont pas d'origine matérielle (ils décrivent bien quelque chose), mais ils peuvent très bien varier, être remplacés par quelque chose de plus précis et pratique plus tard. Un exemple frappant est la "force", qui est bien ancrée dans les représentations mentales de la plupart d'entre nous (comme l'énergie), mais qui est en train de disparaître de la physique moderne (au profit de champs, une autre notion). Ou encore la "masse", qui n'a plus la même signification aujourd'hui qu'au temps de Newton. Mais bien sûr, il y a toujours un phénomène bien réel derrière tout ça, et nos concepts qui évoluent ne font que le décrire plus ou moins bien. Pannekoek ne semple dire rien d'autre dans le paragraphe que tu cites. Il reconnaît d'ailleurs explicitement que ces concepts sont du monde extérieur:
a écrit :
ses concepts, ses substances, ses lois naturelles, ses forces - sans doute extraits de la nature -


Donc, quand tu dis:
a écrit :
Au nom du fait que la vision que l'homme a de la réalité exterieure est le le produit de cette interaction avec la matiere, il considere que la matière elle meme est le produit du cerveau humain, traitant de matérialistes bourgeois ceux qui ne confondent pas la représentation mentale de l'objet observé dans le cerveau de l'observateur avec l'objet observé lui-meme.

j'ai précisément l'impression que Pannekoek ne fait pas cette confusion. Ceux qu'il appelle les "matérialistes bourgeois", c'est ceux qui s'imaginent (avec certains savants le nez dans le guidon et sans recul sur l'évolution des sciences) que ces concepts "sont" la réalité, sans s'apercevoir qu'il ne font que la décrire et l'approximer, et surtout sans voir qu'il peuvent radicalement changer (comme dans l'exemple de la masse ou des forces).

a écrit :
Engels dit que la matière en tant que telle en ce ci ne nous est connue que que sous forme d'une abstraction, d'une construction du cerveau humain, de la manière dont il interprète ses sensations et ses observations, il ne dit pas que la matière est une abstraction, car cela signifierait que le monde exterieur est une création de l'esprit humain.

En effet, mais Pannekoek non plus, dans ce que j'ai pu lire (en tout cas pas dans le passage que tu cites).
shadoko
 
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Message par canardos » 24 Août 2006, 23:42

désolé shadoko

mais pannekoek reproche aux " savants" de considerer
a écrit :les entités invariantes, comme la matière, l'énergie, l'électricité, la pesanteur, l'éther, la loi de gravitation, la loi de croissance de l'entropie, etc., comme autant d'éléments fondamentaux du monde, comme la réalité à découvrir



c'est faux. ni lénine ni "les matérialistes bourgeois", concept inventé par Pannekoek, n'ont fait une telle confusion. Ce qu'on peut constater au contraire c'est que beaucoup de scientifiques anti matérialistes ont argué de l'impossibilité de connaitre la matière autrement que comme des représentations pour défendre des points de vues idéalistes dans lesquels la matière n'existe pas indépendamment de l'observateur.

Pannekoek admet certes que ces "entités invariantes" sont des produits de l'esprit
a écrit :formés à partir de la matière primitive des phénomènes naturels

mais au bout du compte il refuse de considerer que ces "entités invariantes", meme si elle ne sont que des relations incomplètes ou approximatives de la réalité peuvent donc etre utilisées pour apporter la preuve du monde matériel, qui resterait irréductible aux théories utilisées pour le décrire et donc inconnaissable en soi.

c'est sur cette base qu'il critique Lénine qui, lui, se sert des théories scientifiques de son époque, pour prouver la réalité de la matière.

Si ce n'est pas de l'idéalisme, c'est au moins une forme d'agnosticisme, de refus de considerer que nos sensations nous permettent véritablement de comprendre le monde exterieur.

C'est justement cet agnosticisme que reprochait lénine à bogdanov dans matérialisme et empiriocriticisme.

"Lenine philosophe" n'est finalement qu'une défense et illustration des théories de bogdanov, et à travers le mur infranchissable que Pannekoek construit entre la matière et se représentation, une certaine forme de relativisme.
canardos
 
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Message par shadoko » 25 Août 2006, 00:30

a écrit :
Pannekoek admet certes que ces "entités invariantes" sont des produits de l'esprit
a écrit :
formés à partir de la matière primitive des phénomènes naturels

mais au bout du compte il refuse de considerer que ces "entités invariantes", meme si elle ne sont que des relations incomplètes ou approximatives de la réalité peuvent donc etre utilisées pour apporter la preuve du monde matériel,

Mais justement, "entités invariantes", il le met dans la bouche des savants réprésentant de ce qu'il appelle le "matérialisme bourgeois", il décrit leur manière de penser. Ce n'est pas lui qui pense comme ça. C'est pour expliquer comment pensent ceux auxquels il s'oppose. Et précisément, lui, pense que ces "entités" ne sont pas invariantes (l'éther avait par exemple disparu des théories scientifiques bien avant qu'il n'écrive, et c'est à dessein qu'il le cite ici), et qu'elles sont des manières que nous avons d'appréhender la réalité extérieure, qu'il ne nie aucunement. Dans le même chapître que celui que tu cites, on trouve par exemple, quelques paragraphes avant:
a écrit :
En quoi diffèrent le matérialisme historique et le matérialisme bourgeois ?
L’un et l’autre sont des philosophies matérialistes, c’est-à-dire que l’un comme l’autre reconnaissent la primauté
du monde matériel extérieur, de la réalité de la nature, dont dérivent les phénomènes spirituels, sensation,
conscience et idées.

aussi, il est assez faux de dire:
a écrit :
Si ce n'est pas de l'idéalisme, c'est au moins une forme d'agnosticisme, de refus de considerer que nos sensations nous permettent véritablement de comprendre le monde exterieur.

Ce n'est pas de ça qu'il discute. Il ne nie pas cela (où as-tu vu qu'il le niait?). Il prétend simplement que là où ceux qu'il appelle "matérialistes bourgeois" (que cette tendance ait existé ou non, c'est un autre problème) voient des entités (forces, éther) directement issues du monde matériel, les "matérialistes historiques" voient des concepts dépendant de la société et évoluant avec le temps (mais qui décrivent tout de même une réalité matérielle qu'il ne nie pas). Il ne construit nullement un mur infranchissable entre matière et représentation. Il dit simplement que ces représentations varient, et que c'est une erreur de prendre celles d'une époque, et de les confondre avec "la réalité".

Plus loin, par exemple, il dit explicitement:
a écrit :
Les sciences de la nature mêmes n’en souffrent pas trop. Elles surmontent leurs difficultés et leurs contradictions dans la pratique en révisant sans cesse leur formulation, en s’intéressant à des détails de plus en plus fins, en améliorant, grâce aux formules mathématiques, les distinctions qualitatives, en étendant et en corrigeant ces formules, amenant ainsi l’image de plus en plus près de l’original, c’est-à-dire du monde des phénomènes.

Ce n'est donc certainement pas une forme de
a écrit :
refus de considerer que nos sensations nous permettent véritablement de comprendre le monde exterieur.


Ne lui plaquons pas une opinion qu'il n'a pas.
shadoko
 
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Message par piter » 25 Août 2006, 15:45

je suis dans l'ensemble avec Shadoko, Canardos tire Pannekoek dans le sens du subjectivisme, déformant en cela sa pensée.
pour ce qui est de mon "interprétation" d'Engels selon Canardos, il y a confusion, l'interprétation qu'il donne du passage que je cite, n'est d'ailleurs pas tellement différente de la mienne.

pour ce qui est de la position de Lénine il est intéressant de constater que, prenant des notes sur la Science de la logique de Hegel (cf Cahiers philosophiques ou tome 38 des oeuvres complètes en Editions Sociales), il relève avec appobation les citiques d'Hegel contre Kant et l'idéalisme jubjectif, notant qu'elles s'appliques aussi contre les machiste. or parmi les passages qu'il relève il y a les passage dans lesquels Hegel montre les limites des lois pour la connaissance de la nature, comment celles-ci n'expriment pas la totalité de la réalité concréte, et en quoi elles sont des produits de l'automouvement de la pensée humaine s'approchant de la vérité (pour Hegel, les lois sont encore d'entendement, encore abstraite, pour avoir le concret, il faut aller au concept, aller plus profond que l'immédiatement donné. ce que Lénine relève avec satisfaction montrant qu'avec cette idée d'automouvement allant au concret est ce qu'il y a de vivant et de valable chez Hegel). critiques qui vont dans le meme sens que celles de Pannekoek (qui n'est en rien subjectiviste) qui lui rajoute que cette autoactivité créatrice des loi n'est pas seulement celle de la pensée mais aussi celle de la pratique scientifique concréte inscrite dans l'ensemble de l'évolution sociale.

comme la dialectique est la clé de la critique de l'idéalisme subjectif (chez Hegel), c'est aussi la clé de la critique des machiste aussi bien que des matérialiste vulgaire (voir Lénine). il est vain de vouloir comprendre pleinement Engels, Marx, voir meme ici Pannekoek, sans étudier sérieusement Hegel et la dialectique. cela Lénine le comprendra bien après 14 (cf les notes en question, en particulier le passage qu'il appelle "résumé de la dialectique").
piter
 
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Message par eruditrotsk » 04 Sep 2006, 16:53

Chers camarades,

Ne perdez pas de vue que Pannekoek, à sa façon, faisait de la politique. Son fétichisme des conseils ouvriers, son rejet de toutes les formes d'organisation du prolétariat antérieures (syndicats et partis) guide son analyse "philosophique". Pour les membres les plus éminents de ce courant, ce livre est celui qui expliquerait le mieux "la nature de l'URSS" !

C'est un livre militant écrit par Lénine pour dénoncer un courant politique issu de ses rangs, les "chercheurs de dieu", séduits par des philosophes idéalistes alors en vogue (qu'en reste-t-il aujourd'hui ?).

Lénine défend donc le matérialisme contre l'idéalisme. Le livre de Lénine n'est pas un exposé philosophique bien léché mais un texte polémique. Et Pannekoek essaye d'en tirer de le sens de son a-priori anti-léniniste : Lénine n'est qu'un vulgaire matérialiste bourgeois (du XVIIIe siècle, si on préfère), c'est normal, c'est un jacobin et donc cela confirme le caractère bourgeois de la révolution russe.

Et le bourgeois Lénine est un révolutionnaire jacobin sacrément sioux, parce qu'il a lancé une Internationale Communiste, dont certains amis politiques de Pannekoek ont d'ailleurs un temps fait partie... certainement pour affaiblir ses adversaires bourgeois sur l'arène mondiale. Rien n'est simple...
eruditrotsk
 
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