(sylvestre @ lundi 9 juin 2008 à 20:47 a écrit : Le passage cité par artza figure au début d'une section consacrée aux "buts sociaux de l'opposition anti-stalinienne" (
ici dans l'original ) et décrit donc ce que sont.... les buts sociaux de l'opposition anti-stalinienne, qui de fait n'étaient pas d'aller vers une économie capitaliste de propriété privée pour les deux courants spécifiques qu'il cite, le mouvement Vlassov et l'UPA, et qu'il détaille plus avant dans la suite de la section.
Donc pas grand chose à voir avec une impossibilité objective de passer à une économie capitaliste classique, mais une description des mouvements d'opposition.
Je ne sais pas si il y a un autre passage où Cliff défend vraiment l'impossibilité du passage du capitalisme d'état au capitalisme privé.
Si j'ai bien compris le texte dont Sylvestre donne le lien, il s'agit d'un texte écrit à la fin de la guerre (et republié avec des ajouts et commentaires par la suite.)
Les deux mouvements dont il parle sont l'armée Vlassov (formée par les nazis) et un mouvement de guerilla - l'UPA - hostile à la fois à Staline et aux nazis.
L'étude des "positions" de ces armées n'a guère d'interet aujourd'hui. D'autant qu'il est difficile de parler de position concernant une armée à la solde de l'Allemagne nazie...
De plus, à mon avis, Cliff se trompe en disant qu'une victoire de l'UPA et/ou de Vlassov n'aurait pas abouti au rétablissement de la propriété privée. Si ces gens-là ne se revendiquaient pas de ce rétablissement c'était - on peut le supposer - par démagogie, notamment vis à vis des paysans qui n'avaient pas du tout envie qu'on rende leurs terres aux nobles tsaristes.
Mais, honnêtement, il me semble que l'analyse de ces mouvements a vraiment peu d'interet aujourd'hui. Sauf si Cliff avait soutenu Vlassov ou l'UPA, ce qui n'est pas le cas.
Sur sa façon de voir le retour au pouvoir des travailleurs en URSS - à cette époque, il faut le souligner -, elle ressemble en effet beaucoup... à celle de Trotsky. C'est compréhensible puisque Cliff était trotskyste. Ses positions et ses divergences avec l'analyse trotskyste de l'URSS et de la révolution politique se sont précisées avec le temps.
Il serait donc intéressantd e voir s'il existe des textes plus récents où il affirme l'impossibilité du rétablissement de la propriété privée. Comme je l'ai dit, j'avais remarqué pour ma part qu'il sous-estimait cette possibilité. Et, dans son dernier texte, dont j'ai mis le lien en ligne, il se contente de dire qu'on est passé du capitalisme bureaucratique d'Etat au capitalisme privé, donc que ça ne change pas grand chose, ce sont deux formes de capitalisme. Ce avec quoi je suis en gros d'accord, bien que je pense qu'il sous-estime l'importance du changement économique, meme si l'Etat n'a pas changé de nature classe - d'ailleurs LO pense aussi que l'Etat russe n'a pas changé de nature...
Mais mon propos n'est pas de défendre à toute force tout ce que Cliff a écrit ! Comme je l'ai déjà dit, on n'a pas nécessairement raison ou tort sur tout.
Quand je dis que je me reconnais dans l'essentiel de son analyse, qui me semble la plus adequate pour comprendre non seulement l'URSS mais la Chine et les autres Etats staliniens, c'est parce que Cliff a pointé a mon avis les erreurs essentielles de Trotsky :
-Abandon de la conception marxiste-léniniste de l'Etat et de la dictature du prolétariat, à savoir la classe ouvrière organisée en Etat et, pour l'Etat bourgeois : des bandes d'hommes armés, de bureaucrates etc.
-Conception substitutiste : une bureaucratie pourrait exercer la dictature du prolétariat à la place du prolétariat sans que les prolétaires eux-memes, soumis à une féroce dictature et une féroce exploitation, jouent le moindre role.
-Contrairement à la bourgeoisie qui peut conserver le pouvoir économique sous n'importe quel régime, le prolétariat ne peut pas avoir le pouvoir économique sans détenir le pouvoir politique.
-Confusion entre rapports de propriété et rapports de production. Qui aboutit à penser qu'un Etat bourgeois ne peut pas étatiser l'économie.
Il y a beaucoup d'autres erreurs de Trotsky, que je ne vais pas répéter ici, ce qui n'empêche pas que sa description du phénomène de la bureaucratisation a été un apport de premier plan à la compréhension du phénomène.
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a écrit : Quijote
"Détruire l ' Etat " : c'est une façon trop abstraite de poser la question à laquelle on ne peut répondre par oui ou par non .
Pour le prolétariat là bas il s 'agit de s ' imposer politiquement . . renouer avec des principes pas si lointains que ça , pas complêtement oubliés Cela passe par un contrôle ouvrier sur les entreprises qu 'il sera très facile de remettre dans le giron car quoiqu'on dise , les travailleurs là bas considèrent que les nouveaux " Russes" sont des usurpateurs , des maffieux .
Quijote a fait l'effort d'essayer de répondre à une question à la quelle visiblement LO ne veut ni ne peut répondre. Mais c'est une réponse de jésuite ! "Une façon trop abstraite de poser le problème" :lenine: Quand il s'agit de détruire l'Etat bourgeois, considères-tu qu'il s'agit d'une question abstraite ? Non, tu penses, comme Lénine qu'il faudra disperser les bandes armées du capital, envoyer les CRS, les gendarmes, les légionnaires et les Saint-Cyriens au travail etc. Crois-tu sérieusement que la tache du prolétariat russe soit différente vis à vis des Omon, des militaires et des bureaucrates ?
Donc, encore un effort camarades pour répondre à cette question clé et aux deux autres :
-Que faudrait-il de plus pour que la Russie devienne un Etat bourgeois ? Détruire l'Etat ?
-Quelle différence concrète entre l'URSS et la Chine maoiste ? La Russie et la Chine d'aujourd'hui ? (Puisqu'il est question de "processus", examinons les différentes étapes.)
PROCESSUS ? :33:
a écrit :
cette notion de "processus" semble échapper à toutes les variétés de capitalistes d'état....
D'abord, Satanas, comme tu le sais aussi bien que moi, tout processus connait des sauts qualitatifs, les processus ne sont pas en général linéaires et indolores. Donc, de ton propre point de vue, le processus de dégénérescence de l'URSS devrait en connaître, en a connu etc. On ne peut pas opposer comme cela une "théorie du processus" défendue par les Trotskystes à une théorie de "non processus" (?) défendue par les capitalistes d'Etat.
Bien entendu, depuis 1917, il y a eu un très long processus, et qui continue car la société continue à évoluer en Russie comme ailleurs. A lire pas mal d'intervenants, on a d'ailleurs plutot l'impression que c'est LO qui considère que le processus s'est arrêté en 1940 avec les derniers écrits de Trotsky, puisqu'il n'y aurait plus rien de nouveau à dire sur le sujet.
Trève de polémique. Le problème est en fait que nous n'analysons pas le processus
- c'est à dire les changements survenus en URSS - de la meme façon. Quitte à me répéter, à mon avis il y a :
-Un premier saut qualitatif avec l'effondrement de l'Etat ouvrier (les ouvriers organisés)
-Un deuxième saut qualitatif avec l'adoption du programme nationaliste bourgeoisi du "socialisme dans un seul pays", le planquinquennal, le travail forcé et la répression massive et sanglante qui s'en suit dans les années trente. C'est ce second saut qui marque le changement complet de nature de l'Etat.
-Le nouveau saut qualitatif que représente le rétablissement de la propriété privée en 1991 correspond à la crise de l'économie russe incapable de passer du stade extensif au stade intensif. La planification bureaucratique, la coercition, le travail forcé sont relativement efficaces dans la première phase, pas du tout dans la seconde, ce qui explique le retard économique de l'URSS au moment de son effondrement. Mais, pour important que soit ce changement, il n'affecte pas l'appareil d'Etat qui reste intégralement en place. Il ne s'agit donc pas d'une contre-révolution, la contre-révolution a eu lieu bien avant.
-Ensuite, depuis 1991, le "processus" continue bien entendu, si tu tiens à ce terme censé expliquer davantage de choses :33: . Après une phase de crise, d'effondrement et de main-mise des compradores pillards sur le pays (la période Eltsine en gros), nous assistons à une reprise en main de l'Etat et de l'économie.
Qui ne représente en rien un retour vers le "socialisme" mais est une façon plus efficace de gérer le pays dans l'interet général bien compris de la bourgeoisie russe. Et ce n'est pas fini, bien entendu...