La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Marxisme et mouvement ouvrier.

La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par com_71 » 31 Oct 2025, 11:31

Une brochure de Lutte Ouvrière - Belgique :
https://lutte-ouvriere.be/la-voie-de-le ... 1941-1943/

Une collection du journal La Voie de Lénine (Belgique) peut être consultée ici.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par com_71 » 01 Nov 2025, 10:29

L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par com_71 » 01 Nov 2025, 18:02

L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par Gayraud de Mazars » 03 Nov 2025, 17:58

Chers camarades,

Cela n'est pas en rapport strictement avec la Voie de Lénine, mais publié en Octobre 2025, sur le MIA (l'Archive Internet des Marxistes), voici le programme de la WIL (GB) (mars 1943)...

Le programme de guerre de la Ligue Ouvrière Internationaliste (WIL)

Source : Ted Grant, Trotskyism and the 2nd world war 1943-1945.

1°) Envoi immédiat d'armes et de matériel en Union Soviétique sous le contrôle des syndicats et des comités d'usine.

2°) Nationalisation des terres, mines, banques, transports et de la grande industrie sans compensation.

3°) Confiscation des profits de guerre – ouverture des livres de comptes et inspection sous contrôle syndical.

4°) Contrôle ouvrier de la production exercé par les comités ouvriers pour mettre fin au chaos et à la mauvaise gestion dans l'industrie.

5°) Répartition égale de la nourriture, des vêtements et autres biens de consommation sous le contrôle de comités de travailleurs élus dans le commerce et les usines, les comités de ménagères et les petits commerçants.

6°) Échelle mobile des salaires pour répondre à la hausse du coût de la vie, avec un salaire minimum.

7°) Abrogation de l’Essential Works Order [1] et des autres lois anti-ouvrières et anti-grèves.

8°) Élimination de la caste des officiers réactionnaires pro-fascistes de l'armée et de la Home Guard Élection des officiers par les soldats. Salaires syndicaux pour tous les travailleurs des forces armées.

9°) Mise en place d’académies militaires par les syndicats au frais de l’État pour l’instruction des ouvriers officiers.

10°) Armement des travailleurs sous contrôle des comités ouvriers élus dans les usines, les syndicats ou les localités pour prévenir le danger d’une invasion ou une forme de pétainisme.

11°) Liberté pour l’Irlande, l’Inde et les colonies.

12°) Un appel socialiste aux ouvriers allemands et d’Europe sur la base de ce programme pour la Grande-Bretagne, afin de se joindre à la lutte socialiste contre Hitler, pour les États-Unis Socialistes d’Europe.

Notes :

1 L’EWO liait les ouvriers à leur poste s’il été considéré comme essentiel pour l’effort de guerre et interdisait tout licenciement sans accord du ministère du Travail.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par com_71 » 03 Nov 2025, 21:11

Les points 8, 10 et 12 orientent clairement l'organisation vers le soutien d'un camp impérialiste (pseudo-démocratique) contre l'autre (l'Axe autour de l'Allemagne nazie). Ce programme comporte bien des symptômes de la faillite de la direction de la WIL dans la situation de la guerre inter-impérialiste.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Texte de Ted Grant - La question nationale

Message par Gayraud de Mazars » 22 Nov 2025, 11:59

Salut camarades,

Tout nouveau sur le MIA de Ted Grant - La question nationale [en Europe] Octobre 1944

https://www.marxists.org/francais/grant ... 441000.htm

Les problèmes posés par les victoires d'Hitler

Les victoires de type napoléonien d'Hitler en Europe ont mis en évidence la nécessité d'un réexamen des perspectives et des objectifs de la révolution européenne. Un tel réexamen ne pouvait être mené qu'à l'aune de la méthode scientifique et de l'analyse bolchevique. La Quatrième Internationale caractérise notre époque comme celle des guerres et des révolutions. L'essor et les victoires du fascisme n'étaient pas l'expression d'une nouvelle période de prospérité pour un système capitaliste historiquement dépassé, mais le reflet de l'impasse dans laquelle la société européenne était plongée par les contradictions insolubles engendrées par ce même système.

L'impasse dans laquelle se trouvait le prolétariat était due non pas à des conditions objectives, mais à l'incapacité des vieilles organisations ouvrières à renverser le capitalisme et à résoudre les problèmes de la société par la prise du pouvoir. Cela a conduit à de terribles défaites et à l'écrasement du mouvement ouvrier à travers l'Europe. La soumission et la capitulation complètes du stalinisme et du réformisme face aux impérialistes démocratiques accentuèrent leur pression sur l'avant-garde. Désorientés par ces événements, certains camarades de l'émigration cédèrent à la pression des forces démocratiques bourgeoises et se prononcèrent que la lutte des classes en Europe soit subordonnée à la quête de « liberté nationale » :

« Tout sera réduit au désir de renverser cet ennemi et, en réalité, il faut reconnaître que sans cela, il ne saurait être question de changement de la situation actuelle. »

Ceci est en totale contradiction avec les conceptions fondamentales du trotskisme. L'effondrement d'États-nations entiers face aux forces d'invasion de l'impérialisme allemand reflétait le fait que l'État-nation était devenu obsolète. Certes, Hitler avait réduit toute l'Europe à un esclavage national et social, mais c'est précisément pour cette raison que la lutte des classes s'est manifestée de façon si aiguë.

Pour les marxistes, la révolution démocratique bourgeoise et la question nationale étaient depuis longtemps résolues en Europe. C’est avec l’essor de la bourgeoisie, alors qu’elle poursuivait encore une mission historique progressiste, que la question de la révolution démocratique bourgeoise et de la libération nationale se posa historiquement à l’Europe. Déjà en Allemagne, en 1848, face à la menace que représentait un prolétariat jeune mais vigoureux, loin de mener à bien une révolution, la bourgeoisie se jeta dans les bras des Junkers réactionnaires et de la monarchie pour se protéger du danger que représentait le prolétariat. La capitulation de la bourgeoisie française face à Hitler en 1940 fut dictée par des considérations similaires. Ce seul fait aurait dû mettre en lumière le problème, d’un point de vue de classe.

La théorie de la révolution permanente repose sur l’idée qu’à l’époque moderne, la bourgeoisie des pays en retardataires – sans parler de celle des pays industrialisés ou semi-industrialisés – est incapable de mener à bien la lutte pour la libération nationale contre l’impérialisme. En Inde, en Chine et dans les autres pays d'Orient, en raison des liens unissant la bourgeoisie nationale, l'impérialisme et les intérêts féodaux et ecclésiastiques, la bourgeoisie coloniale est incapable de lutter contre l'impérialisme et de mener à bien la révolution démocratique bourgeoise. La petite bourgeoisie, quant à elle, est incapable d'agir de manière indépendante et doit se rallier au camp du prolétariat ou être entraînée dans son sillage. Ainsi, le rôle de premier plan dans la révolution démocratique bourgeoise doit revenir au prolétariat. Cependant, tout en se plaçant à la tête de la nation, le prolétariat doit inévitablement lutter pour conquérir le pouvoir d'État. Se subordonner à la bourgeoisie ou à la petite bourgeoisie – et cette dernière option conduit inévitablement à la subordination à la première – signifierait un désastre pour le prolétariat, la défaite de la lutte pour l'émancipation nationale et l'effondrement de toute possibilité d'instauration d'une démocratie bourgeoise. L'expérience du Kuomintang et du Congrès en Inde l'a démontré de manière irréfutable.

En Europe, nous avons également fait l'expérience, lors des révolutions espagnoles et russes, où la bourgeoisie, arrivée tardivement, a montré son incapacité à résoudre les problèmes de la révolution démocratique bourgeoise. Ces leçons ont maintes fois démontré que la bourgeoisie est incapable d'accomplir cette tâche où que ce soit.

Partant de la possibilité théorique d'une conquête totale de la Chine par le Japon, Trotsky a démontré que cela conduirait la bourgeoisie chinoise à un rôle encore plus servile qu'auparavant – cela mènerait à une collaboration complète entre la bourgeoisie chinoise et les conquérants japonais. La bourgeoisie serait encore plus détachée de la lutte pour la libération nationale et s'y opposerait davantage. Ainsi, le rôle de premier plan que le prolétariat devrait jouer dans la lutte pour la liberté nationale s'en trouverait accentué. Le premier mouvement du prolétariat serait dirigé non seulement contre le conquérant étranger, mais aussi contre sa propre bourgeoisie, qui résisterait et combattrait tout mouvement de masse qu'elle percevrait comme une menace mortelle. Le prolétariat rallierait derrière lui toutes les forces de la nation dans sa lutte pour l'émancipation. L'hégémonie du prolétariat dans la révolution serait immédiatement manifeste.

Cette incursion à l'Est nous conduit au cœur même du problème auquel nous sommes confrontés en Occident. Quelle révolution se profile ? Une révolution démocratique bourgeoise pour la « libération nationale » , ou une révolution prolétarienne ? Notre réponse, ou son équivalent à cette question, doit être claire et sans équivoque : la révolution démocratique bourgeoise est une étape révolue en Europe ; la révolution européenne qui s'annonce est une révolution prolétarienne.

La bourgeoisie, et notamment ses composantes dominantes à travers l'Europe, a collaboré avec le vainqueur fasciste. Les sentiments du prolétariat et de la petite bourgeoisie sont inévitablement imprégnés d'une haine profonde envers les trusts, les conglomérats et tous ceux qui ont collaboré avec les nazis. La lutte des masses à travers l'Europe pour se libérer de l'oppression nationale devait nécessairement revêtir une dimension de classe. Leur haine était dirigée non seulement contre les oppresseurs étrangers, mais aussi contre la classe dirigeante de leurs propres pays, qui tirait profit de son rôle d'agents du conquérant étranger.

Il est vrai que les staliniens et les sociaux-démocrates ont tenté d'affaiblir le mouvement en l'orientant vers des voies nationalistes et chauvines. Mais, comme pour le Front populaire en Espagne, l'« unité » de la nation n'était pas une unité avec la bourgeoisie nationale, mais avec son ombre. La bourgeoisie elle-même se trouvait dans le camp ennemi. La tâche du bolchevisme-léninisme devait plus que jamais être de brandir l'étendard de la lutte des classes, tout en combattant pour la liberté nationale et les droits démocratiques. La tâche du prolétariat était de rallier la petite bourgeoisie à la lutte contre la grande bourgeoisie et l'envahisseur. La lutte des classes demeurait l'axe autour duquel toute politique devait se cristalliser. Tout en conservant une hostilité implacable envers l'oppression de la puissance occupante, les bolcheviques-léninistes devaient s'attacher à rallier les soldats de base de l'armée allemande à la cause de la classe ouvrière du pays occupé. En s'engageant dans le mouvement de résistance et en opposant systématiquement les intérêts et la politique de la bourgeoisie à ceux des masses ; en révélant les calculs de classe flagrants de la politique du capital financier, tant des nationalités dominantes que des nationalités assujetties ; en soulevant la question de la lutte dans les usines contre les propriétaires et les directeurs bourgeois, considérés comme des collaborateurs et des traîtres, les enjeux de classe auraient dû être mis en avant ; en montrant que les fractions de la bourgeoisie qui ont rejoint le mouvement de résistance à la fin de la guerre ne l'ont fait que parce qu'elles avaient compris que les impérialistes anglo-américains seraient victorieux ; en démontrant que, depuis sa position d'oppression nationale, la bourgeoisie instrumentaliserait la défaite de la coalition germano-italienne pour participer elle-même à l'oppression, au démembrement et à l'assujettissement des nations vaincues ; en montrant que ce sont les contradictions du capitalisme qui ont provoqué le déclin de l'Europe et qui sont responsables du cannibalisme national de l'impérialisme ; en soulevant la question de l'unification de toute l'Europe au sein d'États-Unis soviétiques, garantissant la pleine liberté et les droits nationaux à tous les États et minorités d'Europe.

Comment les luttes se sont-elles développées en Europe ?

Les événements en Europe confirment pleinement cette analyse. Dans les Balkans, où la révolution démocratique bourgeoise n'a pu avoir lieu, faute de prise en charge par la bourgeoisie, nous avons constaté qu'une lutte des classes féroce a fait rage au sein de la résistance. En Yougoslavie, en Grèce, en Pologne, alors même que la majeure partie du pays était sous le joug de l'impérialisme allemand, les deux camps, prolétarien et bourgeois, se sont livrés à une guerre civile sanglante, aussi violente que la lutte contre les nazis. La lutte pour la liberté nationale s'est trouvée inextricablement liée à la lutte pour le pain et la terre ; la lutte pour les droits démocratiques, au droit à la vie. Telle était la situation en Europe de l'Est. À plus forte raison en Europe de l'Ouest !

L'avancée des armées anglo-américaines en Europe occidentale a apporté une réponse définitive à cette question. La question « nationale » s'est immédiatement révélée être une question sociale. La levée de la pression de l'armée d'occupation des conquérants entraîna immédiatement les prémices non pas de soulèvements bourgeois, mais de soulèvements prolétariens. Les ouvriers et la petite bourgeoisie s'armèrent en France et en Belgique, et c'est notamment en France qu'entama la prise des usines et des mines, annonçant ainsi que la révolution prolétarienne française avait atteint un nouveau stade. Le basculement vers la gauche – c'est-à-dire vers la révolution ouvrière – fut si important que non seulement les staliniens et les sociaux-démocrates, mais même le bonapartiste de Gaulle dut recourir à la démagogie sociale. L'état d'esprit de la petite bourgeoisie française est tel que de Gaulle a feint de défendre la nationalisation des mines, des banques et des grands combinats, ainsi que le châtiment de tous les grands capitalistes et collaborateurs du Comité des Forges, etc.

On pourrait arguer que si Hitler avait triomphé, la situation aurait été tout autre. Que nenni ! Il est vrai que les événements auraient pris une autre tournure, mais la bourgeoisie se serait montrée encore plus étrangère aux intérêts des masses populaires en collaborant avec les dirigeants nazis. Si, en Chine, Trotsky avait soulevé la question de la collaboration de la bourgeoisie avec les envahisseurs en cas de victoire totale du Japon, à plus forte raison en France, en Belgique, en Norvège, en Grèce ou en Yougoslavie ?

À l’Est, le temps des empires était révolu ; les impérialistes japonais n’avaient pas la moindre chance de bâtir un empire aussi stable que l’Empire britannique. En Europe, les victoires d’Hitler n’auraient été qu’éphémères, même si elles avaient abouti à un succès total. Contenir Londres, Moscou, Paris, Bruxelles aurait été au-delà des forces de l’impérialisme allemand. L’empire hitlérien aurait été bâti sur du sable et n’aurait même pas duré une décennie. Les révoltes et soulèvements inévitables auraient réveillé la solidarité de classe des ouvriers et des soldats allemands. Loin de pouvoir maintenir son emprise sur le territoire occupé, Hitler aurait eu bien du mal à conserver ne serait-ce que son emprise sur Berlin.

Problème posé par les victoires alliées

Les ultra-gauches affirment qu'il n'existe pas d'oppression « nationale » en Europe, révélant ainsi une compréhension confuse de la position du marxisme sur cette question. Les Français, les Tchèques et les Polonais ont été opprimés non seulement en tant que membres des classes exploitées, mais aussi en tant que membres d'une race assujettie. Ils ont donc subi une oppression à la fois sociale et nationale. Le fait qu'il y ait eu différents degrés de subjugation et d'oppression n’y change rien. Le parti révolutionnaire lutte contre toutes les formes d'oppression et de domination nationales et œuvre pour le droit libre et absolu de toutes les nations à déterminer leur propre destin. Il soutient le droit de chaque nation à l'autodétermination. Il soutient la lutte des petites et grandes nations d'Europe pour se libérer du joug de l'oppression impérialiste allemande. Mais la bourgeoisie des nations soumises d'aujourd'hui deviendra demain l'oppresseur et le bourreau des droits de l'Allemagne et des autres nations vaincues. Tous resteront sous la domination de l'impérialisme anglo-américain. Tant que le système impérialiste perdure, les puissances de taille réduite, et même les grandes, ne peuvent demeurer que des satellites et des appendices des grandes puissances aspirant à la domination mondiale. Ainsi, tout en soutenant la lutte pour l'émancipation nationale, la Quatrième Internationale ne la conçoit pas, et ne peut la concevoir, comme distincte de la lutte pour l'émancipation sociale. Il ne peut y avoir de véritable solution au problème de l'autodétermination qu'à partir de la destruction de l'impérialisme en Europe et de l'établissement d'une fédération de républiques soviétiques socialistes. Par conséquent, la lutte pour l'autodétermination et la liberté nationale est la lutte pour les États-Unis soviétiques d'Europe.

La victoire imminente de l'impérialisme anglo-américain pose le problème sous un angle entièrement différent. L'Amérique entend asservir toute l'Europe. Mais comme c'est généralement le cas pour l'Amérique du Sud, et comme elle l'espère pour la Chine et l'Inde, il s'agira d'une domination financière et économique invisible. En Allemagne, et peut-être dans certains États balkaniques, ainsi qu'en cas d'« urgence » , c'est-à-dire d'affrontements ouverts et de guerre civile entre le prolétariat et la bourgeoisie dans d'autres pays d'Europe, les impérialistes anglo-américains seront contraints de recourir à l'occupation militaire et à la dictature, du moins dans un premier temps, pour maintenir leur domination. Mais, d'une manière générale et autant que possible, la bourgeoisie américaine, en particulier, privilégiera la domination indirecte qu'elle espère maintenir grâce à sa puissance économique et militaire. Face au risque de provoquer les ouvriers en Grande-Bretagne et en Amérique, et au danger que représentent leurs propres troupes, les impérialistes alliés sont contraints à la prudence dans leurs relations avec l'Europe. La bourgeoisie en France, en Belgique, en Italie et en Europe de l'Est change de maître avec une grande rapidité. Elle s'est rangée du côté des vainqueurs. Elle a accueilli favorablement les impérialistes anglo-américains et compte sur leurs baïonnettes pour réprimer un soulèvement ouvrier. Mais dans l'esprit des ouvriers, les termes « traîtres » et « grands capitalistes » étaient interchangeables. Ils croyaient que c'était la lutte héroïque des masses contre l'occupation nazie et les collaborateurs qui avait sapé la position de l'impérialisme allemand. Révoltés par la collaboration de la bourgeoisie, ils commencèrent immédiatement à lutter pour leurs droits économiques et politiques.

Les victoires de l'Armée rouge posèrent directement aux masses européennes la question de la conquête du pouvoir et de l'expropriation de la bourgeoisie. La réaction ne disposait que d'une base très mince au sein des masses, même de la petite bourgeoisie. L'expérience de la guerre et la ruine économique causée par l'inflation et l'emprise des grandes entreprises, la trahison de la bourgeoisie nationale, la crise et l'incertitude générales du capitalisme, ainsi que le mouvement de masse des travailleurs en première ligne de la lutte contre l'oppression, ont engendré une radicalisation considérable au sein de la petite bourgeoisie. Sur la vague révolutionnaire qui ne fait que commencer, dès les premiers soubresauts avant même qu'elle n'ait pris son ampleur, il est déjà clair que la petite bourgeoisie et les ouvriers se radicaliseront rapidement à gauche malgré toutes les mesures prises pour les contenir. Toute tentative de dictature militaire en Europe occupée serait désastreuse pour les impérialistes. Les soldats des Alliés ne toléreraient pas longtemps leurs armées contre-révolutionnaires.

Mais le cœur du problème réside dans la place centrale qu'occupe désormais l'Allemagne dans la révolution européenne. Que la bourgeoisie alliée et la bureaucratie stalinienne en soient pleinement conscientes est clairement démontré par les plans d'occupation militaire et de démembrement de l'Allemagne. La désintégration du régime nazi entraînerait presque immédiatement des soulèvements prolétariens qui, à leur tour, constitueraient l'enjeu de la révolution socialiste en Allemagne. La dissolution de la structure totalitaire du régime nazi créerait un vide. Hormis quelques vestiges, les nazis disparaîtraient de la scène. Cependant, comme en Europe, la bourgeoisie en Allemagne n'aurait d'autre choix que de s'appuyer sur ses conquérants. Elle deviendrait collaboratrice et traîtresse de l'impérialisme anglo-américain. Ainsi, le problème de la libération de l'Allemagne de la domination et de l'oppression alliées prendrait une dimension à la fois anticapitaliste et anti-alliée. La lutte des classes se manifesterait par une opposition non seulement aux oppresseurs étrangers, mais aussi à leurs agents en Allemagne même. Le problème des ouvriers allemands serait donc d'établir des relations fraternelles avec leurs frères de classe dans les armées alliées.

Les travailleurs étrangers en Allemagne joueront un rôle crucial dans le rapprochement de la classe ouvrière européenne et allemande, mais on ne peut les approcher que dans le cadre d'une résistance de classe unie contre tous les oppresseurs.

Afin de traverser la crise des premières années, il est fort probable qu'avant de recourir à la répression ouverte, la bourgeoisie tentera d'instrumentaliser les sociaux-démocrates et les staliniens pour paralyser la révolte des masses.

Le fait que la révolution qui approche en Europe ne puisse être que la révolution prolétarienne n'exclut pas la possibilité que la bourgeoisie alliée et européenne, dans sa lutte contre la révolution, n'adopte pas les méthodes de la démocratie bourgeoise. L'expérience allemande de la révolution de 1918 a montré que, dans ses premières phases, la contre-révolution prend une forme « démocratique bourgeoise » ou pseudo-démocratique. Face à l'immense soulèvement des masses en Europe ; Compte tenu des complications liées à la bourgeoisie en Asie et dans les colonies, ainsi que des problèmes internes à la bourgeoisie européenne, il serait extrêmement difficile, voire impossible, pour la bourgeoisie alliée d'instaurer des dictatures militaires sur toute l'Europe. Face à la montée des révolutions et en l'absence de soutien populaire massif en Europe, toute tentative de dictature serait vouée à l'échec. Ainsi, la bourgeoisie, qui se prépare à des représailles et à la répression, ne peut que se tourner vers des concessions illusoires. Le déroulement de la révolution espagnole entre 1931 et 1936 peut servir de modèle à l'Europe entière dans la période à venir.

Les révolutions européennes à venir connaîtront des hauts et des bas similaires. Elles traverseront différentes phases, aboutissant inévitablement à des guerres civiles. Mais les masses européennes sont bien plus conscientes de leur propre force et la crise du capitalisme est bien plus grave. L'ensemble du continent européen sera touché par ces bouleversements, car la guerre et les événements de la dernière décennie ont déraciné la société européenne. L'idée que les masses, partout, aspirent instinctivement à une solution socialiste est inconcevable. Si de tels régimes ne sont pas exclus, ils ne seront, dans un premier temps, que provisoires et en situation de crise. Les gouvernements se succéderont rapidement, entraînant une accélération des luttes populaires. La bourgeoisie manœuvrera entre répression et concessions.

Dans certains pays européens, une tentative de perpétuer des dictatures militaires est possible. Mais toutes ces tentatives ne pourront qu'aboutir à la guerre civile et à la lutte pour le pouvoir des ouvriers et des paysans. La relative faiblesse de la bourgeoisie la pousse à recourir autant à la tromperie qu'à la force. La faiblesse du prolétariat réside dans son manque de clarté quant aux tâches qui lui incombent. Ainsi, dans les premières phases du mouvement, les réformistes et les staliniens, en se plaçant à sa tête et en l'orientant vers des voies réformistes, empêchent le prolétariat de s'emparer directement du pouvoir. Mais si le prolétariat n'est pas suffisamment conscient ni organisé (par le biais du parti révolutionnaire) pour établir le pouvoir ouvrier, il l'est néanmoins assez pour résister farouchement à toute tentative de dictature militaire. Ce n'est qu'après une période de terribles luttes de classes et de bouleversements, fondée sur des défaites décisives du prolétariat, que la bourgeoisie peut parvenir à stabiliser la situation grâce à des dictatures militaires.

En France, en Italie, dans les Balkans et dans toute l'Europe, le mouvement est tombé sous le contrôle des staliniens et des sociaux-démocrates, qui tentent de le guider vers les voies inoffensives du frontisme populaire, du parlementarisme, de la démocratie bourgeoise et de la lutte des classes. Pour arracher les masses à leur influence, il est nécessaire de les exposer à l'action. Cela ne peut se faire qu'à travers l'utilisation de slogans et de revendications transitoires qui peuvent revêtir une grande importance. Parallèlement, la demande d'élections et de convocation d'une assemblée nationale peut s'intégrer à l'agitation en faveur des bolcheviks-léninistes. Simultanément, il convient de développer la revendication d'un gouvernement affranchi de tout représentant du capitalisme.

Ces revendications ne sont pas dissociables de l'agitation menée simultanément pour la création de comités ouvriers, de comités de femmes au foyer, de comités d'employés, l'armement des ouvriers et des milices ouvrières, ni même pour la création de soviets et l'instauration d'un gouvernement ouvrier.

L’Assemblée constituante

L'assemblée constituante pourra être convoquée ou non, selon le rapport de forces. Elle pourra toutefois servir à mobiliser les masses contre la bourgeoisie et ses agents. En exigeant que les prétendus représentants du peuple au sein des gouvernements provisoires et d'émigrés rendent leurs prétentions irrévocables en laissant les masses décider, on pourra dissiper les illusions de ces dernières. Les dirigeants travaillistes et staliniens se retrancheront derrière leur statut de minorité au sein du gouvernement, sans en contrôler le pouvoir. Rompez avec la bourgeoisie et prenez le pouvoir ! Ce slogan peut devenir un puissant levier contre les dirigeants des organisations ouvrières traditionnelles. Le Programme de transition, dans son ensemble, devient un guide indispensable au travail quotidien de la Quatrième Internationale en Europe.

Ces questions ne peuvent être résolues à l'avance tant que l'orientation stratégique et tactique de la révolution n'est pas correctement définie. Les mots d’ordre concrets devront être déterminés par la situation à laquelle le parti révolutionnaire sera confronté au fil des événements.

Le mot d’ordre des États-Unis socialistes d'Europe conserve son caractère fondamental pour la période à venir, auquel tous les autres slogans sont rattachés. Les conditions dans lesquelles l'Europe a évolué ces dernières années rendent les masses sensibles non seulement aux questions quotidiennes, mais aussi, et de manière indissociable, aux enjeux nationaux et internationaux. Ainsi, le mot d’ordre des États-Unis socialistes d'Europe conserve toute sa vitalité en tant qu'axe principal autour duquel doit s'articuler l'activité du parti prolétarien en Europe.

Union Soviétique et liberté nationale

L'avancée de l'Armée rouge et l'importance qu'a prise la politique étrangère soviétique dans la vie de l'Europe exigent une analyse claire du rôle que joue désormais l'État soviétique. D'une part, l'acquis fondamental d'Octobre, la nationalisation des moyens de production, a été maintenu et les « alliés » bourgeois de l'Union soviétique ont été tenus à distance, malgré toutes les pressions, comme en témoigne le maintien du monopole du commerce extérieur. D'autre part, la dégénérescence de la bureaucratie soviétique s'est encore accentuée, subissant au cours de la guerre des transformations qui l'ont encore davantage éloignée des masses, accentué son emprise parasitaire sur l'économie soviétique. En matière de politique étrangère, elle s'est efforcée de promouvoir les intérêts de la bureaucratie soviétique, ce qui a engendré des contradictions avec les Alliés. D’autre part, elle s'est rangée aux côtés des impérialistes pour s'opposant implacablement à la révolution socialiste en Europe.

L'avancée de l'Armée rouge dans les Balkans, en Pologne et en Europe centrale illustre ce rôle. La bureaucratie soviétique est alliée à la contre-révolution européenne sous un vernis démocratique. Dans tous les pays où elle est intervenue, aucun problème social ou national n'a été résolu. L'oppression des peuples européens se poursuivra de la même manière, voire s’aggravera par la création de nouvelles minorités nationales, par rapport à l’avant-guerre. Au sein même de l'Union Soviétique, l'oppression des minorités nationales par la bureaucratie russe est passée au second plan pendant la guerre. Les masses des nationalités opprimées, dans leur écrasante majorité, à l'instar des ouvriers et des paysans russes, ont préféré le moindre mal, celui de la bureaucratie soviétique, à l'oppression impérialiste. Mais la question de l'indépendance de l'Ukraine, des États baltes et des autres nationalités soumises se posera comme un problème urgent dans la période à venir. Les bolcheviks-léninistes défendent le droit à l'autodétermination et à l'indépendance, notamment par la création d'une Ukraine socialiste soviétique indépendante, si tel est le désir des masses. Mais une telle lutte ne peut être qu'une composante de la lutte pour le renversement de la bureaucratie stalinienne et la restauration de la démocratie ouvrière en Russie. Il s'agit d'une lutte pour une fédération socialiste des peuples de l'URSS et pour une fédération socialiste des peuples d'Europe.

L'Armée rouge a simultanément un rôle réactionnaire et progressiste en Europe : progressiste dans la mesure où il reflète la volonté de la bureaucratie de défendre les fondements sociaux de l'État soviétique ; réactionnaire dans la mesure où elle révèle son hostilité implacable au développement de la révolution socialiste en Europe.

La bureaucratie stalinienne semble déterminée à utiliser l'Armée rouge afin de réprimer avant tout la tentative des masses allemandes de prendre le pouvoir. D'où la campagne raciste menée contre ces masses. Mais les soulèvements révolutionnaires sont inévitables dans la période à venir. En Allemagne et en Europe, cela provoquera inévitablement des répercussions au sein même de l'Armée rouge.

La bureaucratie stalinienne semble déterminée à former l'Armée rouge dans le but de réprimer avant tout toute tentative des masses allemandes de prendre le pouvoir. D'où la campagne raciste menée contre ces masses. Mais les soulèvements révolutionnaires sont inévitables dans la période à venir. En Allemagne et en Europe, cela provoquera inévitablement des répercussions au sein même de l'Armée rouge.

L'avancée de l'Armée rouge dans les Balkans a engendré une vague de radicalisation et d'organisation du prolétariat dans tous les pays qu'elle a pénétrés. Partout, les partis staliniens se sont immédiatement transformés en organisations de masse. Ainsi, les masses ont manifesté leur adhésion à une solution socialiste à leurs problèmes. Le prestige de l'Armée rouge, que les masses reconnaissent comme la force ayant joué un rôle primordial et décisif dans la défaite des nazis, et la tradition usurpée de la Révolution d'Octobre ont contribué à la mobilisation des masses européennes. Pour la première période, il est désormais clair que les staliniens joueront un rôle majeur au sein du prolétariat, voire dans certaines franges de la petite bourgeoisie, dans presque tous les pays d'Europe. L'Allemagne semble être la seule exception. La politique des staliniens, en tant que collaborateurs des impérialistes, va rapidement leur faire perdre le soutien déjà fragile qu'ils reçoivent des masses allemandes. En Allemagne, la Quatrième Internationale a l'opportunité de s'imposer rapidement au sein de la classe ouvrière allemande.

Le stalinisme représente aujourd'hui un danger encore plus grand pour la révolution socialiste en Europe que ne l'a été la social-démocratie pour les mouvements prolétariens allemands et européens après la Seconde Guerre mondiale. Forts des ressources de la bureaucratie soviétique et du GPU, et surfant sur la vague des victoires soviétiques, ils demeurent une force puissante pour désorienter et perturber systématiquement le mouvement prolétarien au profit de la réaction. Mais l'évolution objective de la situation, la crise et la faillite bien plus graves du capitalisme, l'expérience des masses au cours des 25 dernières années ; la faiblesse des forces réactionnaires ; l'effondrement du fascisme et la radicalisation de la petite bourgeoisie rendent le programme réactionnaire du stalinisme extrêmement difficile à mettre en œuvre. La bourgeoisie sera contrainte de recourir à la démagogie plutôt qu'à la répression directe, sous l'effet de l'impulsion tumultueuse des masses. Ainsi, la politique stalinienne se heurtera aux aspirations des masses et provoquera crises et divisions permanentes ou intermittentes en leur sein.

Cependant, il n'est pas exclu que les staliniens soient capables d'un nouveau tournant à gauche. À l'approche de la fin de la guerre, les antagonismes entre l'impérialisme britannique et américain et la bureaucratie soviétique s'exacerbent. Ainsi, selon les impératifs diplomatiques du moment ou la pression directe des masses, les partis staliniens pourraient être entraînés dans de nouvelles convulsions. Ceci créerait des conditions de travail exceptionnellement difficiles pour le parti révolutionnaire dans ses premiers temps. Une politique pseudo-gauche accroîtrait considérablement le danger que représentent les organisations staliniennes pour la révolution.

L'insurrection imminente contre les nazis ou l'effondrement possible de l'impérialisme allemand mettra immédiatement en lumière la question de la fraternisation entre les ouvriers et les soldats des pays alliés et le peuple allemand. Face au chauvinisme et au racisme abjects des staliniens et des sociaux-démocrates, la Quatrième Internationale en Europe opposera la coopération fraternelle des peuples pour la réalisation de la révolution socialiste. Mais inévitablement, le mouvement des masses en Europe, les grèves et les soulèvements, auront un impact sur les soldats britanniques et américains. Malgré toutes les interdictions (et ces interdictions révèlent que l'état-major allié et la bourgeoisie comprennent parfaitement la situation à laquelle ils seront confrontés), toute tentative d'utiliser les troupes pour des expéditions punitives et pour la répression entraînera une fraternisation et une démoralisation rapide des effectifs. Cet impact sera encore plus marqué parmi les simples soldats de l'Armée rouge. Face à un prolétariat européen en révolte, l'emprise psychologique de la bureaucratie totalitaire s'affaiblira et des tentatives de fraternisation avec les ouvriers allemands et la révolution européenne se manifesteront immédiatement.

Le développement de la révolution en Europe annonce une longue période de kerenskisme ou de régimes de front populaire sur tout le continent. La guerre atteindra un nouveau sommet révolutionnaire qui surpassera largement celui de 1917-1921. La tendance fondamentale de la bourgeoisie sera de tenter de canaliser ce raz-de-marée révolutionnaire en l'orientant vers les rouages ​​de la démocratie bourgeoise. Toute tentative de riposte frontale risquerait d'entraîner des pertes considérables dans des efforts vains pour endiguer l'opposition des masses. Il n'est toutefois pas exclu que, suivant le modèle général des régimes de Front populaire, la bourgeoisie tente de se maintenir au pouvoir par une répression féroce et une dictature ouverte. Mais, dans le contexte général de troubles en Europe et dans le monde, il serait plus avantageux pour la bourgeoisie de combiner la politique de la tromperie avec celle des représailles et de la répression. D'autant plus que les masses elles-mêmes tendront à échapper complètement à son contrôle. Dans ce contexte, les leçons de la révolution espagnole revêtent une urgence immédiate. Le stalinisme, la social-démocratie et le centrisme joueront tous un rôle dans le schéma familier des événements espagnols. Mais précisément parce que la situation peut et va changer brusquement au cours des événements, il est nécessaire de se prémunir contre toutes les formes de sectarisme et d'ultra-gauchisme néfastes (qui ne font que répéter des formules marxistes et refusent d'intégrer les revendications démocratiques dans les phases de transition), tout en participant au mouvement de masse et en se gardant de sombrer dans l'opportunisme et le rapport de forces temporaire.

Au cours des événements à venir en Europe, on assistera à des changements rapides, passant de l'agitation quotidienne aux soulèvements révolutionnaires ; des périodes tempétueuses, suivies de périodes d'accalmie, qui se transformeront à leur tour en bouleversements révolutionnaires. L'instabilité de la situation et les changements brusques et soudains doivent constituer le point de départ de la formation des cadres de la Quatrième Internationale à travers l'Europe.

La pression des masses sur les organisations staliniennes et social-démocrates, en l'absence de partis révolutionnaires forts, tendra inévitablement à provoquer des scissions et l'émergence de courants et d'organisations centristes ou centristes de gauche. En l'absence d'organisations faisant autorité telles que le Komintern, ou même de dirigeants aussi influents que Lénine et Trotsky, une période de confusion idéologique et de regroupement au sein du mouvement révolutionnaire semble inévitable. Tout en préservant leur intransigeance et leur fermeté idéologiques sur la question du programme et des principes du parti, une attitude de pédagogie patiente et d'explications systématiques sera nécessaire, en particulier pour les groupements qui se rapprochent de la Quatrième Internationale.

La situation dans différents pays posera bien sûr le problème à un rythme et de manières différents. Dans certains, la guerre civile éclatera presque immédiatement après la « libération » ou peu après ; dans d'autres, elle aura déjà éclaté avant même l'expulsion des envahisseurs (Grèce, Yougoslavie). La situation en France est différente de celle de l'Italie ; celle de la Belgique de celle des Pays-Bas ; celle de la Yougoslavie de celle de la Hongrie.

Tout en menant leur action dans le but stratégique de conquérir le pouvoir par la révolution prolétarienne, les bolcheviks-léninistes ne sont aucunement exemptés de la nécessité de développer une agitation autour de questions spécifiques afin de mobiliser les masses. L'extrême faiblesse des forces révolutionnaires impose que cela constitue une part importante de leur travail quotidien. Même en présence de partis de masse, ceux-ci ne peuvent se dispenser de mobiliser les masses autour des problèmes concrets auxquels ils sont confrontés. À plus forte raison pour les partis faibles qui s'efforcent de gagner la confiance des masses.

C’est dans ce contexte que se construira le parti révolutionnaire. Les défaites des dernières décennies, conséquences des politiques criminelles des réformistes, des staliniens et des centristes, ont créé des conditions exceptionnellement difficiles pour son édification. Les événements tumultueux qui s’annoncent ne trouvent aucune organisation bolchevique forte sur tout le continent européen. C’est ce qui donnera à l’époque à venir en Europe son caractère tumultueux. L’élan des masses à l’assaut des citadelles du capitalisme atteindra un nouvel élan. Les lâches et les timorés à la périphérie de la Quatrième Internationale ont soulevé la question de l’impossibilité de construire le parti révolutionnaire à temps. Or, toute l’expérience historique a démontré que sans parti, la révolution socialiste est impossible. Ils en concluent que la révolution en Europe sera vaincue. Un tel point de vue est une capitulation lâche face à la bourgeoisie avant même le combat. Il est vrai que le mouvement spontané des masses ne pourra pas renverser le capitalisme sans une organisation directrice pour le prolétariat. Mais il peut et doit créer le milieu propice à la construction du parti révolutionnaire. Sans la lutte elle-même, il est impossible de construire la Quatrième Internationale. Avec une stratégie et une tactique adéquates de la part de l'avant-garde, des partis de masse de la Quatrième Internationale peuvent être construits en quelques années seulement. Une fois fusionnés, organisés, éprouvés et enracinés dans les masses, ils seront la force décisive.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par com_71 » 22 Nov 2025, 15:36

Cette longue déclaration n'est pas nourrie par cette réalité "l'ennemi principal est dans notre propre pays". Elle est significative de la volonté de la majorité du mouvement trotskyste, en 43-44, de passer l'éponge sur ses errements passés. Ce n' est pas cette tradition qui peut permettre de voir clair dans la période actuelle.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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Re: La Voie de Lénine (Belgique 1941-43)

Message par Gayraud de Mazars » 16 Déc 2025, 17:44

Salut camarades,

Nouveauté sur le MIA en français - Par le grand théoricien marxiste britannique Ted Grant, ancien dirigeant du vieux groupe "Militant" - Une Résolution adoptée par le congrès d’août 1945 du Revolutionary Communist Party britannique. Écrit entre mars et mai 1945.

1945 : le nouveau rapport de forces en Europe

https://www.marxists.org/francais/grant ... 450300.htm

La fin de la guerre ouvre une nouvelle étape dans les développements militaires, diplomatiques, économiques et politiques à l’échelle mondiale.

Les impérialismes allemand et japonais ont été réduits en poussière par l’écrasante prépondérance militaire et économique de l’Union Soviétique, à l’Est, et de l’impérialisme américain – avec son satellite britannique – à l’Ouest.

Dans le sillage des armées « alliées » victorieuses, les ministres des Affaires étrangères et les diplomates des trois grandes puissances [États-Unis, Grande-Bretagne et URSS] tissent des accords secrets pour diviser l’Europe et le monde en sphères d’influence et en zones d’exploitation. Les États satellites ne sont invités dans les conseils de l’ONU que pour sauver les apparences : leurs votes donnent du poids aux décisions préalablement négociées en coulisses par les « trois grands » .

Mais les intrigues militaires et diplomatiques passent au second plan face à la menace d’une révolution prolétarienne en Allemagne, à travers toute l’Europe et dans les colonies d’Orient. Ce problème fondamental est la préoccupation centrale des trois grandes puissances, qui cherchent une solution radicale pour y remédier. La peur de la révolution est désormais la première justification de leur alliance, et elle le restera. Ils élaborent conjointement des plans pour conjurer ou réprimer les soulèvements révolutionnaires qui ne manqueront pas d’éclater et de défier le vieil ordre capitaliste en Allemagne et en Europe.

Le rapport de forces entre les puissances mondiales s’est transformé depuis le traité de Versailles. D’abord masquée par une évolution graduelle entre les deux guerres mondiales, cette transformation se manifeste désormais dans les destinées militaires des nations.

Le déclin de la France s’est révélé par la destruction de son armée (jadis la plus puissante d’Europe), par la désintégration de son empire colonial et par le rôle misérable de sa classe dirigeante dans sa collaboration avec l’occupant nazi. C’est désormais une puissance de troisième ordre, en Europe comme dans le monde.

La bulle des prétentions impériales bruyamment affichées par la classe dirigeante italienne a éclaté au premier test. Ses orgueilleuses légions de chemises noires reposaient sur une base économique trop faible, qui n’a pas résisté à la pression. L’Italie s’en trouve réduite au rôle d’un pays des Balkans.

D’Est en Ouest, la guerre a drastiquement diminué l’importance des nations européennes dans le nouvel équilibre des forces. La Pologne, la Tchécoslovaquie, les pays baltes et balkaniques, la Belgique, la Hollande et les pays scandinaves – tous en sortent avec un poids et un rôle amoindris dans le « concert des nations » .

L’hégémonie britannique sur la planète est révolue. Incapable de tenir ses positions sur le continent européen et d’intervenir de façon décisive dans les affrontements militaires – où ses commandants sont subordonnés à ceux de ses maîtres yankees –, la Grande-Bretagne décline au profit de ses alliés russo-américains. Face aux autres puissances, elle est devenue « la plus grande des petites nations » .

Dès son entrée dans l’arène mondiale, l’impérialisme américain s’est placé au premier rang des nations impérialistes grâce au gigantisme de son économie et de ses ressources militaires. Sa prépondérance économique et militaire lui assure une position dominante à l’Est comme à l’Ouest. L’océan Pacifique est devenu un « lac américain » . Le dollar exerce sa force d’attraction sur les possessions britanniques, qui ne sont plus que nominalement liées à leur métropole.

L’émergence de la Russie

Mais le développement mondial le plus important est, de loin, l’émergence de la Russie, qui est désormais – et pour la première fois – la plus grande puissance militaire d’Europe et d’Asie. Les extraordinaires victoires de l’Armée Rouge en Europe ont forcé la majorité de la bourgeoisie européenne à se tourner vers le Kremlin. Dans le même temps, le mouvement pro-soviétique dans les masses a fourni à l’URSS une puissante base de soutien.

Il ne reste plus de puissance, en Europe, capable de rivaliser avec l’Armée Rouge. Quelques années ne suffiraient pas à créer une force militaire capable de relever un tel défi, aussi bien matériellement que moralement. Pour regrouper les forces du capitalisme européen dans un assaut contre la Russie, il faudrait d’abord une défaite complète de la classe ouvrière, la destruction totale de ses organisations et l’instauration d’une terrible réaction yankee.

Au rapport de forces militaire s’ajoutent la lassitude des masses dans tous les pays (en particulier en Europe), ainsi que l’admiration pour l’Armée Rouge et la vive sympathie pro-soviétique qui animent des sections entières de la classe ouvrière, y compris aux États-Unis. Tout cela rend difficile, sinon impossible, une attaque des Alliés contre l’Union Soviétique dans l’immédiat après-guerre.

Une telle opération aurait des implications politiques bien trop risquées – non seulement en Europe et en Asie, où les masses soutiendraient l’Union Soviétique, mais aussi en Grande-Bretagne et en Amérique. D’un point de vue idéologique, mobiliser les masses pour une telle guerre est impossible, car cela dévoilerait la véritable nature de la lutte menée précédemment contre l’Axe. En outre, la puissance militaire de l’Union Soviétique en ferait une guerre longue, qui provoquerait des explosions révolutionnaires à travers la planète. Malgré leur hostilité à son égard, les Alliés seront donc forcés de tolérer un arrangement avec l’URSS dans la période à venir.

L’échec des plans impérialistes

L’impérialisme allemand anticipait avec assurance la destruction et la désintégration de l’État soviétique. Les impérialistes anglo-américains attendaient et espéraient l’effondrement de l’URSS, eux aussi, tout en tablant sur le fait que l’impérialisme allemand en sortirait très affaibli. Ainsi serait garantie la victoire finale des États-Unis et de la Grande-Bretagne. A minima, ils s’attendaient à ce que l’Union Soviétique sorte de la guerre brisée, ou décisivement affaiblie, et en tout cas incapable de résister aux conditions qu’ils voulaient lui imposer.

Mais leurs plans ont échoué. L’un des résultats fondamentaux de la guerre impérialiste est le suivant : l’Union Soviétique, autrefois arriérée, a durablement émergé comme la plus grande puissance militaire d’Europe. Les calculs des impérialistes des deux camps s’en sont trouvés contrariés. Les chancelleries du monde entier ont éprouvé des sueurs froides.

En Europe, la guerre s’est essentiellement ramenée à un affrontement entre l’Allemagne – armée des ressources de toute l’Europe – et l’Union Soviétique. La Russie a triomphé de cette épreuve décisive.

La bureaucratie stalinienne occupe désormais l’Europe de l’Est pour s’assurer une position de défense stratégique contre ses alliés, d’une part, et d’autre part pour défendre ses intérêts en dominant, pillant et asservissant les peuples des Balkans et d’Europe centrale. Mais l’avancée de l’Armée Rouge en Europe de l’Est a aussi déclenché un mouvement dans de larges couches d’ouvriers et des paysans opprimés. La bureaucratie stalinienne s’est servie de ce mouvement pour placer ses marionnettes à la tête des gouvernements. Pour rassurer ses alliés, Staline a maintenu le capitalisme dans les territoires occupés qu’il n’a pas incorporés à l’Union Soviétique, tout en concédant des réformes agraires aux paysans.

Si la bureaucratie stalinienne n’a pas aboli le capitalisme dans les territoires occupés, c’est aussi parce qu’elle craint les inévitables répercussions d’une mobilisation des forces de la révolution prolétarienne, même sous une forme caricaturale, dans les Balkans et à travers le continent européen. Dans cette situation hautement explosive, le mouvement pourrait échapper au contrôle de la bureaucratie. Il pourrait avoir d’importantes répercussions dans l’Armée Rouge et parmi les ouvriers et paysans d’Union Soviétique.

L’occupation de l’Allemagne et de l’Europe de l’Est répond donc à un double objectif, du point de vue de la bureaucratie. Elle doit protéger l’Union Soviétique, mais par des moyens servant les intérêts réactionnaires de la bureaucratie stalinienne. Ces méthodes n’ont rien à voir avec le léninisme ; elles en sont même la négation. L’occupation soviétique vise à étrangler et détruire la révolution du prolétariat européen.

Désormais que l’impérialisme allemand s’est effondré, le premier devoir du prolétariat d’URSS n’est plus de défendre l’Union Soviétique, comme pendant la guerre, mais de défendre la révolution européenne contre la bureaucratie soviétique. La bureaucratie bonapartiste stalinienne utilise l’Armée Rouge comme une arme contre-révolutionnaire. De manière générale, la bureaucratie représente un danger mortel pour le prolétariat européen.

Mais la situation comporte aussi de grands dangers pour la bureaucratie stalinienne. Les soldats de l’Armée Rouge finiront inévitablement par fraterniser avec les ouvriers et les paysans des pays conquis. Et en observant les conditions de vie dans les autres pays, qu’ils compareront à celles de la Russie, ils verront toute la fausseté de la propagande de la bureaucratie.

De façon générale, la période à venir posera l’alternative suivante : soit le maintien du capitalisme dans les pays d’Europe centrale et de l’Est occupés par l’URSS permettra à la bureaucratie d’acquérir la propriété de moyens de production, et dès lors servira de base à la restauration du capitalisme en Union Soviétique ; soit la bureaucratie sera forcée, au risque de se mettre à dos ses alliés impérialistes, de nationaliser les industries des pays durablement occupés – si possible par en haut, sans participation des masses.

Tout en expliquant la nature de l’Union Soviétique et la nécessité de la défendre contre l’impérialisme mondial, la IV° Internationale dévoilera le rôle contre-révolutionnaire de la bureaucratie dans la révolution européenne et mondiale. La nouvelle étape dans la défense de l’Union Soviétique consiste principalement à défendre la révolution européenne contre la conspiration de la bureaucratie stalinienne avec l’impérialisme mondial. Là où l’Armée Rouge, que la bureaucratie contrôle pour servir ses fins, est utilisée pour écraser le mouvement révolutionnaire des masses, pour réprimer des soulèvements et des insurrections des travailleurs, la IV° Internationale appellera les travailleurs à s’y opposer par tous les moyens disponibles, y compris par la grève et la force armée. Il faudra s’adresser aux soldats de l’Armée Rouge pour leur rappeler les idéaux d’Octobre et les appeler à rejoindre le camp de la classe ouvrière. La meilleure façon de défendre l’Union Soviétique est d’étendre Octobre et de restaurer la démocratie soviétique en URSS.

La position de la bureaucratie stalinienne

La bureaucratie grand-russe étouffe les aspirations nationales des minorités d’Union Soviétique. Tout en subordonnant la lutte pour l’indépendance à la défense de l’Union Soviétique, le Revolutionary Communist Party [1] défend le droit des minorités ukrainiennes, baltes, etc., à se séparer de l’Union Soviétique stalinienne et à former des États socialistes indépendants. Mais la sécession est une utopie réactionnaire si elle ne s’inscrit pas dans une lutte pour la démocratie soviétique, le renversement du stalinisme et l’unification d’une URSS démocratisée avec des États-Unis socialistes d’Europe.

Au cours de la guerre, l’écart entre la caste bureaucratique et les masses s’est profondément creusé. De toutes les conquêtes d’Octobre, il ne reste que la plus fondamentale : la nationalisation des moyens de production. Le pouvoir est passé de la bureaucratie civile à la bureaucratie militaire, dirigée par une galaxie de maréchaux. Des processus contradictoires sont à l’œuvre en Union Soviétique. D’une part, la guerre a accéléré la prolétarisation de nouvelles couches de la population, de femmes et même d’enfants. Le prolétariat soviétique ne doit plus être très loin des effectifs du prolétariat américain. D’autre part, la différenciation entre la bureaucratie et les masses acquiert un caractère de plus en plus capitaliste.

Deux tendances opposées sont donc à l’œuvre. Les tendances bourgeoises se tournent toujours plus vers l’Occident capitaliste, dont la bureaucratie soviétique a adopté tous les vices. Mais les masses soviétiques sont bien conscientes des crimes de la bureaucratie et la haïssent profondément. Les ouvriers, les paysans et les soldats victorieux lui demanderont bientôt de rendre des comptes. Les victoires de l’Armée Rouge ont donné de la confiance et de l’élan aux masses soviétiques. Elles n’accepteront pas facilement les ordres et les excuses de la bureaucratie, une fois écarté le danger d’une intervention capitaliste. La guerre et ses luttes herculéennes ont arraché la masse de la population au désespoir et à l’apathie. La société soviétique n’a pas été moins bouleversée par la guerre que les sociétés des pays capitalistes.

Les victoires de l’Union Soviétique sont un capital pour la révolution mondiale, aussi bien par leurs effets dans les masses du monde entier que pour le rôle qu’elles jouent dans la préservation de l’économie nationalisée. Mais il faut que les classes laborieuses comprennent le caractère double et contradictoire de ce processus.

D’un côté, les victoires de l’Armée Rouge suscitent des échos de la révolution d’Octobre dans les masses européennes. D’autre part, la bureaucratie utilise l’Armée Rouge et ses relais – les partis communistes – pour étrangler la révolution prolétarienne.

D’un point de vue purement économique, malgré les excès bureaucratiques et l’étouffement de l’initiative des masses, l’Union Soviétique parviendra probablement, d’ici quelques années, à restaurer la production à son niveau d’avant-guerre. Les succès économiques pourraient encore se poursuivre au-delà, mais cela ne veut pas dire que la guerre n’aura pas eu de profonds effets sur la vie économique soviétique, ni que les développements économiques d’après-guerre, en Union Soviétique, seront sans heurts et sans crises.

Au cours des quatre dernières années, l’économie a été tournée quasi exclusivement vers la production d’équipements militaires. Les remarquables résultats productifs qui en ont résulté ont coûté cher : les machines sont usées, des industries de consommation courante ont été éliminées, les travailleurs sont épuisés. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les disproportions de l’économie soviétique provoquent des crises sévères, comparables à celles qui ont éclaté avant la guerre. La « planification » bureaucratique ne pourra pas les résoudre, car elles découlent de l’isolement de l’économie nationalisée.

La guerre a nettement accentué les disproportions qui existaient déjà entre les différents secteurs de l’économie soviétique – entre l’industrie lourde et l’industrie légère, entre l’industrie et l’agriculture. En 1941, déjà, l’agriculture ne s’était pas complètement remise des ravages de la collectivisation forcée. Depuis, elle a été massivement dévastée par la guerre. Il n’y a aucune solution définitive à ce problème dans le cadre de l’économie isolée de l’Union Soviétique.

Cependant, les avantages de l’économie nationalisée sont tels que, malgré les contradictions économiques et dans ce cadre précaire, elle pourrait tout de même connaître des accomplissements productifs à une échelle et à une vitesse dont même les États capitalistes les plus avancés sont incapables.

Les inégalités en Union Soviétique ont atteint de telles proportions que les perspectives se ramènent à trois possibilités :

Théoriquement, sur fond de croissance économique, il n’est pas exclu que la bureaucratie se maintienne au pouvoir pendant un certain nombre d’années.

La poursuite de la dégénérescence de la bureaucratie soviétique pourrait paver la voie à une restauration du capitalisme.

Le réveil du prolétariat pourrait conduire au renversement de la bureaucratie et au rétablissement de la démocratie soviétique.

La bourgeoisie mondiale, et en particulier l’impérialisme anglo-américain, mise sur la dégénérescence interne de l’Union Soviétique. Les impérialistes espèrent que la combinaison d’une pression économique extérieure et de la réaction à l’intérieur aboutira au rétablissement du capitalisme. Si la réaction l’emporte en Europe et en Asie, ils pensent pouvoir accomplir cette restauration, si nécessaire par des moyens militaires. Mais pour l’heure, malgré les rivalités, il leur faut attendre, car ils ont besoin du Kremlin pour étrangler la révolution qui menace le capitalisme en Europe et en Asie. En cette heure de grand péril, la bourgeoisie utilise les services de la bureaucratie, mais c’est pour mieux tenter d’étrangler l’Union Soviétique quand la crise sera surmontée.

Bien que la bureaucratie ait atteint des proportions immenses, la situation comprend aussi des facteurs favorables à la renaissance du pouvoir des travailleurs. Les conquêtes économiques entrent en contradiction avec la mainmise de la bureaucratie, qui devient un fardeau grandissant pour l’économie du pays. La guerre a montré la puissance des traditions d’Octobre, même souillées par la bureaucratie.

Les événements surprendront autant la bourgeoisie mondiale que la bureaucratie stalinienne. La propriété collective, qui a montré sa supériorité dans la paix comme dans la guerre, deviendra de plus en plus incompatible avec la bureaucratie. La faiblesse de celle-ci s’exprimera dans une crise politique après la guerre. Il est inévitable que des affrontements éclatent entre les ouvriers, les paysans, les soldats, qui réclameront les fruits de leur victoire, et les usurpateurs. Dans ces luttes, le puissant prolétariat soviétique, guidé par la IV° Internationale et trempé par trois révolutions et deux guerres victorieuses, reprendra conscience de sa force.

La question nationale en Europe

La machine de guerre nazie n’a eu aucun mal à s’emparer de l’Europe, mais cette conquête s’est avérée illusoire en quelques années. Les nazis ne parvenaient pas à soumettre les peuples souffrants sous leur joug – qui était synonyme de pauvreté, de famine et d’une intolérable oppression totalitaire. Malgré l’absence d’un programme de classe clair et au prix d’innombrables victimes, les masses ont lutté et sapé la domination nazie sur le continent.

Bon gré mal gré, les bourgeoisies des pays conquis avaient fait allégeance aux nazis. À l’heure de la défaite, les champions de la « dignité patriotique » et de « l’unité nationale » sont devenus les gestionnaires des conquérants. Ils se sont unis aux oppresseurs contre les masses de leurs propres nations. Les intérêts de classe finissent toujours par primer sur tout le reste.

Les nazis réussirent temporairement à stabiliser la situation grâce aux régimes collaborateurs, à la torture et à la terreur SS. Mais ils bénéficièrent aussi de la politique des dirigeants sociaux-démocrates et staliniens, qui attisaient le chauvinisme national. Cela ne pouvait qu’aider les impérialistes allemands à conserver le soutien des ouvriers et des paysans allemands, au nom de la « lutte des races » . Elle joua le rôle de ciment national pour les bandits nazis et la bourgeoisie allemande.

Les soldats allemands devaient choisir quelle nation serait asservie : la leur ou les autres. Ils continuèrent donc d’agir – souvent à contrecœur – comme des forces d’occupation. Si les organisations clandestines de masse de la classe ouvrière ou les dirigeants de l’Union Soviétique en avaient appelé à l’internationalisme socialiste et avaient organisé une campagne systématique de fraternisation de classe, ils auraient été entendus. Les résultats s’en seraient fait sentir jusqu’aux confins du Reich et de l’empire nazi. Mais ils s’y refusèrent et ne firent rien pour permettre la fraternisation de classe.

Notre rapport aux mouvements de résistance

Les staliniens, les sociaux-démocrates, des partis petits-bourgeois et certaines sections de la bourgeoisie ont organisé la résistance à l’oppression étrangère. Ces groupes hétérogènes étaient traversés par des contradictions de classes, qui ont pris la forme de conflits ouverts et organisés, allant dans certains pays jusqu’à la guerre civile.

En Pologne, en Yougoslavie et en Grèce, cette division a conduit à la formation de mouvements de résistance distincts et rivaux. Zérvas et l’EDES représentaient la vieille réaction capitaliste-féodale ; ils se sont même appuyés sur les nazis, à un certain stade, pour lutter contre Tito et Siantos, qui représentaient les masses plébéiennes. Dans une moindre mesure, on retrouve les mêmes divisions dans tous les pays occupés, comme en France avec les maquis et les FTP [2].

Les éléments constituant l’aile « gauche » de la Résistance, qui s’appuyaient directement sur les couches révolutionnaires de la population, furent parfois forcés par la pression de la lutte des classes à entrer en conflit avec les éléments représentant la bourgeoisie. Malgré la politique « nationale » de trahison et de collaboration de classe de leurs directions, ces mouvements représentaient les aspirations et la pression des masses pour une solution de classe. C’est pourquoi les marxistes révolutionnaires avaient le devoir d’apporter un soutien critique à cette aile gauche, contre l’aile droite.

Cependant, même cette aile gauche des mouvements de résistance ne reposait pas sur de larges comités. C’était un bloc entre partis, une caricature de Front populaire constituée face à la collaboration de la majorité de la bourgeoisie. Malgré le soutien dont elle jouissait auprès de milliers de combattants prolétariens loyaux, qui voyaient dans l’aile gauche de la Résistance une réponse à leurs aspirations de classe, le programme, la direction et les méthodes petites-bourgeoises chauvines de la Résistance en firent un instrument direct de l’impérialisme.

En pleine guerre impérialiste, les conditions objectives étaient telles qu’une véritable lutte pour la libération nationale et pour la rupture de l’alliance avec les impérialistes n’aurait été possible que sur la base d’un programme socialiste et du mot d’ordre des États-Unis socialistes d’Europe. Organiser la lutte sur d’autres bases, comme le firent les deux ailes de la Résistance, revenait à soutenir un des deux camps impérialistes dans le conflit.

Les trotskystes ne devaient pas souiller leur bannière en entrant dans ce bloc de partis et en soutenant cette caricature de Front populaire. Ils devaient soutenir et, si possible, diriger les véritables initiatives des masses – grèves, manifestations et affrontements armés – tout en dénonçant le bloc de la Résistance et sa direction comme des agents de l’impérialisme anglo-américain, dont les intérêts s’opposent à ceux de la classe ouvrière.

Pour s’opposer aux organisations militaires de la Résistance d’inspiration bourgeoise et petite-bourgeoise, le parti prolétarien devait soutenir – et si possible former lui-même – des organisations militaires ouvrières indépendantes et ses propres corps armés.

Cette implacable hostilité à l’égard du « bloc résistant » devait s’accompagner d’une tactique flexible dans l’application de la ligne du parti. Les organisations de résistance étaient d’importants terrains d’activité révolutionnaire. Le parti révolutionnaire devait y envoyer ses cadres pour opposer un programme prolétarien à celui de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie, miner l’influence de la bourgeoisie sur les couches combatives de la classe ouvrière, et organiser une opposition prolétarienne consciente à la politique chauvine des dirigeants.

La « libération » du continent par l’impérialisme anglo-américain a posé la question de la lutte des classes sous une forme aiguë. Avec la fin de l’oppression totalitaire allemande, la question nationale est passée au second plan. Il faudrait que l’occupation militaire par les impérialistes anglo-américains ou la bureaucratie soviétique se prolonge pendant des années pour que cette question redevienne un sujet politique en Europe. En revanche, l’oppression indirecte et l’exploitation des peuples européens par les trois grandes puissances – ainsi que leur intervention militaire aux côtés des anciennes classes dirigeantes contre le prolétariat – font revenir la question de classe au premier plan dans les consciences. Il n’y a qu’en Allemagne que la question nationale se pose avec acuité, du fait du démembrement et de l’assujettissement du pays par les Alliés.

Les conditions classiques de la révolution prolétarienne
Déjà secouées par les grands mouvements de masses des années d’avant-guerre, la plupart des bourgeoisies européennes échouèrent à mener leurs nations dans la « défense de la patrie » . Démoralisées par la défaite militaire, privées de perspectives et remplies de haine à l’égard de leurs propres classes ouvrières, les classes dirigeantes de presque tous les pays conquis ont fraternisé avec l’ennemi. Elles ont collaboré avec l’oppresseur étranger pour organiser l’exploitation des masses de leurs propres nations. C’est ainsi que la bourgeoisie « collabo » s’attira la haine de la grande masse des travailleurs et de la petite bourgeoisie.

Face à la victoire des Alliés, la bourgeoisie cherche maintenant à jouer auprès de ces « libérateurs » le même rôle qu’elle a joué auprès des « conquérants » . Dépourvue d’organes stables de répression étatique, privée de la confiance dont toute classe exploiteuse a besoin, démoralisée et terrifiée par la colère montante des masses, elle dépend entièrement des baïonnettes alliées pour se maintenir au pouvoir.

À l’autre pôle, la masse des travailleurs ne veut plus de l’ancien régime. Elle a fait l’expérience d’une génération sous domination capitaliste depuis la Première Guerre mondiale, puis du rôle de sa classe dirigeante sous l’occupation nazie. Elle a connu le chômage et la famine, le fascisme et l’humiliation nationale. Elle a vu la classe dirigeante collaborer et s’enrichir tandis que les masses luttaient contre l’invasion étrangère. Tous ces facteurs – combinés avec les immenses victoires d’une Armée Rouge auréolée du prestige de la révolution d’Octobre – ont transformé l’état d’esprit des masses laborieuses.

Les travailleurs d’Europe sont en train de rompre avec la politique bourgeoise parlementaire et le réformisme social-démocrate. Ils s’orientent vers la révolution et le communisme, bien qu’à ce stade ce soit malheureusement sous la forme caricaturale et déformée qu’en offrent les partis staliniens.

La guerre totale et la défaite ont accéléré la concentration du capital et la ruine des classes moyennes, en particulier dans les villes. Un grand nombre de petits-bourgeois ont été brutalement poussés dans les rangs de la classe ouvrière. Jetés dans les usines et dans les camps de travail forcé, ils se sont prolétarisés. À mesure que la classe ouvrière se radicalise, la petite bourgeoisie connaît une évolution analogue.

Comme toujours, les couches les plus opprimées de la population – les femmes et la jeunesse – ont porté le plus lourd fardeau de la guerre. En découle l’aspiration à un changement radical et à une solution communiste aux problèmes du moment, en particulier dans la jeunesse.

Les conditions objectives du renversement du capitalisme et de la transformation socialiste de la société sont donc clairement réunies. Mais il manque encore le facteur subjectif. Il n’y a pas encore de partis révolutionnaires de masse de la IV° Internationale. La tâche brûlante de nos camarades européens est de hisser les petits groupes et partis trotskystes à la tête des luttes de la classe ouvrière. Sans puissants partis trotskystes, les masses égarées par la social-démocratie et, en particulier, par le stalinisme, frapperont vainement leurs têtes contre les remparts du capitalisme.

Si les classes dirigeantes peuvent respirer, c’est seulement parce que les cadres de la IV° Internationale sont peu nombreux et isolés. La direction de la bourgeoisie est consciente des besoins de sa classe, malgré sa démoralisation. Elle doit à tout prix écraser la classe ouvrière, mais n’en a pas encore les forces.

L’expérience de la Grèce

Les événements en Grèce [3] ont ouvert une nouvelle phase de révolution et de contre-révolution en Europe. Une guerre civile a éclaté dans ce petit pays, où l’énergie de la lutte des classes s’était accumulée pendant des siècles et qui est plongé dans l’instabilité depuis trois décennies. Les impérialistes britanniques y ont mené une sanglante guerre d’intervention.

Durant les affrontements entre royalistes et républicains de la période précédente, la bourgeoisie a été aussi incapable d’agir résolument contre les propriétaires terriens féodaux que de régler les problèmes de la révolution démocratique. Elle a donc pavé la voie à la réaction monarchiste.

La restauration du roi Georges fut suivie par la dictature de Metaxás, qui représentait une tentative de rétablir la « tranquillité » et la « paix » entre les classes [4]. Cette « expérience » visait à atomiser la classe ouvrière et le mouvement paysan, qui menaçaient de renverser l’ancien régime et d’avancer vers la révolution socialiste – comme l’indiquaient les grèves ouvrières et les révoltes de différentes couches de la paysannerie. En raison de leurs intérêts financiers et stratégiques, les impérialistes britanniques considéraient la Grèce comme une sous-colonie, et apportèrent leur appui à la classe dirigeante grecque dans cette entreprise réactionnaire.

Avant la guerre, la brutalité de la dictature de Metaxás avait déjà miné l’autorité de la classe dirigeante grecque et nourri un mouvement populaire de révolte. Mais la collaboration de la bourgeoisie grecque avec l’occupant allemand cristallisa l’hostilité des masses et provoqua une véritable explosion après le retrait des troupes allemandes.

Les masses grecques ne pouvaient tolérer sans combat qu’on rétablisse le pouvoir de la vieille classe dirigeante et, plus encore, qu’on restaure la monarchie. Elles avaient mené une guerre terrible et sanglante contre les SS, et joué le rôle principal dans la libération de la Grèce. Elles avaient de facto le pouvoir entre leurs mains, à travers l’organisation militaire de l’ELAS. Il a donc suffi que la police du gouvernement grec tire sur des manifestants désarmés pour qu’éclate une insurrection armée. Sans préparation, sans organisation et sans perspective claire sur la façon de l’emporter, les courageux prolétaires et paysans grecs passèrent à l’action. Mais l’absence d’une direction révolutionnaire provoqua la défaite de la lutte.

La direction stalinienne détourna le mouvement vers les eaux familières du « Front populaire » , et limita ses revendications sociales à ce qui était acceptable dans le carcan du parlementarisme bourgeois. Ce faisant, les dirigeants staliniens pavaient la voie de la défaite et la capitulation.

Les événements en Grèce démontrèrent une nouvelle fois que l’absence d’un parti révolutionnaire condamne les masses au désastre, surtout quand la lutte des classes prend la forme d’une guerre civile ouverte. Sans parti, les masses ne peuvent pas conquérir le pouvoir.

Abstraction faite de ses spécificités locales, l’expérience grecque soulève des problématiques et des leçons qui concernent toute l’Europe. La répression acharnée menée par Churchill fut dictée à la fois par des considérations de stratégie impérialiste et par le rapport de force interne entre les classes. La bureaucratie stalinienne dominant les Balkans grâce aux victoires de l’Armée Rouge, les Britanniques avaient besoin de garder fermement le contrôle de la Grèce pour défendre leurs intérêts impérialistes en Méditerranée.

Mais en Grèce, les impérialistes découvrirent combien il est difficile de mener une politique de répression militaire ouverte en Europe. La fraction la plus réaliste et modérée de la classe dirigeante britannique s’opposa à la répression brutale et aventuriste mise en œuvre par Churchill. Même dans un petit pays de 6 millions d’habitants, une telle politique présente des risques, comme la suite des événements l’a démontré. L’impérialisme britannique a été forcé de conclure un compromis avec les traîtres petits-bourgeois qui dirigeaient le Front de Libération Nationale.

Le gouvernement Plastíras et son successeur, le gouvernement Voúlgaris, sont autant de tentatives maladroites de restaurer l’équilibre de la société bourgeoise en Grèce [5]. Il y a clairement des éléments de bonapartisme et de dictature militaire dans cet assemblage. Mais le compromis réalisé après la capitulation de la direction stalinienne a dû rester modéré, dans sa forme, du fait de la lutte des masses et des protestations du prolétariat britannique. Cela a permis aux masses de conserver leurs organisations qui, si elles ne sont pas complètement intactes, sont loin d’être détruites.

Cet équilibre précaire ne peut durer indéfiniment. Soit la monarchie sera restaurée, ce qui conduira inévitablement à la destruction des organisations du prolétariat, soit la réaction se sentira encore trop faible et tentera de manœuvrer à travers une République. Mais même dans ce dernier cas, le régime actuel ne pourra pas se maintenir longtemps. Il sera balayé dès que les masses se remettront en mouvement, et la bourgeoisie tentera alors de se servir à nouveau du Front populaire pour manipuler le jeu politique. Ceci dit, les développements en Grèce dépendront largement des événements en Europe de l’Ouest, dans les Balkans et en Grande-Bretagne. Une chose est sûre : le régime grec ira d’une crise à l’autre dans les temps qui viennent.

La contre-révolution sous une forme « démocratique »

La Grèce donne à voir les premiers éclairs de l’orage révolutionnaire qui se prépare en Europe. La bourgeoisie mondiale en a tiré les conclusions qui s’imposent : la base de l’ancien système s’est effondrée de part et d’autre de l’Europe en ruines. Privée de Hitler et de Mussolini, la réaction a perdu tout appui stable sur le continent, du moins dans l’immédiat.

Sur fond d’effervescence et de radicalisation des masses, que l’esprit de révolte pousse directement sur la voie de l’insurrection – et alors que la petite bourgeoisie, trois fois ruinée, remplie de haine et de dégoût pour les trusts et les monopoles, s’arrache à l’influence de la réaction capitaliste –, les impérialistes anglo-américains doivent opérer des manœuvres complexes pour rétablir « l’ordre » et la domination du capital en Europe. Le bâton ne suffira pas, à ce stade, pour diriger les masses : il faudra recourir à toutes sortes de carottes, comme le « progrès » , les « réformes » et la « démocratie » , présentées comme des antidotes aux horreurs du totalitarisme. En Europe, le contrôle de la situation a néanmoins largement glissé des mains de la bourgeoisie. Ce sont les organisations de masse de la classe ouvrière qui auront le dernier mot.

À la chute de Mussolini, une partie des ouvriers, des soldats et des paysans italiens ont immédiatement constitué des organisations de type soviétique, marquant la réapparition du prolétariat sur la scène politique. Ici aussi, les prémices d’une situation de double pouvoir étaient évidentes. Mais à nouveau, le développement de la révolution a été freiné par l’attitude des vieux partis ouvriers. La conscience des masses est encore à un stade élémentaire : elles ne veulent plus du capitalisme ni de l’ancien régime ; elles aspirent à suivre l’exemple des travailleurs russes dans la révolution d’Octobre ; mais elles ne comprennent ni le rôle de frein que jouent les vieux partis ouvriers dans le développement de la lutte, ni la nécessité d’un parti trotskyste de masse.

On observe des embryons de crises révolutionnaires dans toute l’Europe de l’Ouest. L’effondrement de la répression totalitaire a fait surgir les forces qui se développaient sous la surface. En Belgique comme aux Pays-Bas, et même en Scandinavie, les masses résistent à l’oppression et se défient des vieilles cliques gouvernementales revenues d’exil.

En Europe de l’Est aussi, le processus moléculaire de la révolution est à l’œuvre. L’héroïque insurrection des travailleurs de Varsovie [6] à l’approche de l’Armée Rouge – même si elle fut déformée et détournée par le Comité de Londres – témoigne de l’humeur des masses polonaises. La trahison préméditée de Varsovie par la bureaucratie stalinienne souligna son rôle contre-révolutionnaire en Europe et dans le monde.

Si elle devait affronter des partis révolutionnaires de masse de la classe ouvrière en Europe, la bourgeoisie serait dans une position désespérée. Mais comme l’expliquait Lénine, tant que l’avant-garde révolutionnaire est faible, aucune situation n’est désespérée pour la bourgeoisie. La social-démocratie a sauvé le capitalisme après la dernière guerre. Aujourd’hui, le capital a à son service deux « Internationales » dirigées par des traîtres : les staliniens et les sociaux-démocrates. Ils jouent le rôle de mercenaires du capital – aux côtés des directions des syndicats, qui ont immédiatement resurgi après le départ des nazis.

Les SS n’ont pas réussi à contrôler l’Europe. Après cette expérience, la bourgeoisie a compris qu’elle ne pourrait pas dominer les masses par de telles méthodes. Dans les organisations sociales-démocrates et staliniennes, elle a trouvé un instrument adapté et volontaire pour canaliser le réveil révolutionnaire des masses dans les voies inoffensives de la collaboration de classe – à travers une forme de Front populaire encore plus dégénérée que l’ancienne.

La bourgeoisie va donc combiner la répression avec des réformes illusoires : tout en écrasant les organes embryonnaires de pouvoir ouvrier et en désarmant les masses, elle va proclamer son amour pour le gouvernement « représentatif » et les libertés « démocratiques » . C’est le seul moyen, pour elle, d’empêcher les masses révoltées de renverser le système capitaliste. Dans ses premières phases, après un bref intermède de gouvernement militaire, la contre-révolution capitaliste prendra une forme « démocratique » . La bourgeoisie combinera des concessions trompeuses avec la répression des forces révolutionnaires.

En Europe, la révolution à venir sera nécessairement prolétarienne. Mais dans ses premières étapes, ce sont forcément les vieilles organisations du prolétariat qui prendront la tête des masses. Celles-ci apprendront à travers l’expérience que les sommets de ces organisations représentent les intérêts de leur ennemi de classe. Bien qu’elles sachent clairement ce qu’elles veulent, les masses ne savent pas encore précisément comment y parvenir. Tous ces facteurs conduiront à une période de kerenskysme [7] dans les premiers temps de la révolution européenne.

L’impérialisme anglo-américain pressent que, depuis la disparition de Hitler, la chute de Franco est inévitable et qu’elle provoquera des troubles révolutionnaires à travers toute la péninsule ibérique. Face au mécontentement croissant des masses, les impérialistes négocient et manœuvrent déjà avec des fractions de la bourgeoisie espagnole, avec Franco et avec des politiciens en exil, dans le but de décapiter le mouvement révolutionnaire.

Une insurrection en Espagne aurait de puissantes répercussions dans le reste de l’Europe. C’est ce qui explique les tentatives de trouver un Badoglio [8] espagnol, pour préparer une alternative « tranquille » et « pacifique » au régime condamné de Franco. Qu’ils y parviennent ou non, ils ne pourront que retarder temporairement le mouvement des masses. Mais les représentants sérieux du capital financier ont appris bien plus de l’expérience des dernières décennies que ne l’ont fait les traîtres « dirigeants » de la classe ouvrière. Pour ces bourgeois, la transition d’un régime à l’autre est déterminée par ce qui sert le mieux les intérêts de la classe dirigeante.

Les bourgeoisies de Grande-Bretagne et d’Amérique ne sont pas en mesure d’imposer un joug totalitaire étranger aux peuples d’Europe, fût-ce temporairement. Le rôle du Kremlin est essentiel à cet égard. Tout en étant terrifié par la victoire de la révolution prolétarienne, le Kremlin a intérêt à préserver partout où c’est possible la plus grande liberté d’action pour ses relais, les partis communistes. La victoire de la réaction à travers l’Europe raviverait le danger d’une intervention impérialiste contre l’Union Soviétique. La politique de la bureaucratie soviétique consiste donc à garantir le règne du capital, tout en assurant l’existence du mouvement ouvrier pour qu’il lui serve de garde-fou contre la bourgeoisie.

Les masses européennes voient dans l’Union Soviétique un porte-drapeau du socialisme. Pour l’heure, les démocraties capitalistes sont obligées d’en tenir compte. Sur la base du maintien du capitalisme en Europe, elles acceptent de nouer des compromis avec la bureaucratie soviétique. Elles n’ont d’ailleurs pas d’autre choix.

Les expériences de la révolution russe, de la révolution allemande de 1918 et de la révolution espagnole de 1931 renforcent toutes ces conclusions. En Espagne, le soulèvement des masses avait conduit au renversement de la monarchie et à la proclamation de la République par la bourgeoisie. La coalition gouvernementale des républicains bourgeois et des socialistes défendait formellement un programme radical tout en réprimant les ouvriers et les paysans. Un tel gouvernement ne peut durer longtemps. Le régime de la République espagnole alla de crise en crise. Les flux et les reflux de la radicalisation et de la réaction culminèrent, au bout de cinq ans, dans une guerre civile sanglante et désespérée entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Le processus des événements en Espagne se reproduira à l’échelle européenne. Les pays arriérés et les pays avancés sont tous frappés par la même crise, à divers degrés. De la Volga à la mer du Nord, de la mer Noire à la Baltique, presque toute l’Europe a été réduite à la ruine et au chaos. Il n’y a pas de base stable pour la démocratie bourgeoise. Même la relative « stabilité » que connaissait la République espagnole est inaccessible. Les événements d’Italie et de Grèce sont le présage de la période la plus révolutionnaire de l’histoire de l’Europe.

Le programme des Alliés pour l’Europe

Avec l’aggravation de la crise du capitalisme, les dispositions du programme que les Alliés prévoient pour l’Europe sont bien pires que celles du traité de Versailles. Alors que les nazis voulaient unifier le continent par la force pour en faire un gigantesque camp de concentration, les Alliés souhaitent atomiser et découper l’Europe, selon la méthode qui a conduit à la catastrophe après la dernière guerre. L’Europe sera la proie des impérialismes britannique et américain, tandis que certaines régions deviendront des satellites dans la sphère d’influence de la bureaucratie soviétique.

Même sous les auspices du capitalisme, une Europe unifiée serait un rival trop menaçant pour l’impérialisme britannique et américain. Et la bureaucratie soviétique est résolument opposée à l’unification – même partielle – du continent dans une fédération capitaliste, car cela poserait inévitablement les bases d’une nouvelle guerre contre l’URSS. C’est pourquoi Staline, de concert avec Truman [9] et Churchill, prône la balkanisation de l’Europe et le démembrement de l’Allemagne, qu’il considère comme le seul adversaire à sa taille dans une potentielle guerre continentale.

L’impérialisme américain est poussé par l’immensité de ses ressources et de ses capacités productives à « organiser » le monde entier, pour échapper à la contradiction entre ce qu’il est capable de produire et les limites de ce que son vaste marché intérieur peut absorber. L’Amérique cherche à remplacer l’Europe – et surtout l’impérialisme britannique décrépit – et à accaparer tous les marchés de la planète. Les pays coloniaux ne lui suffisent pas : l’Amérique veut étendre son emprise sur les marchés et les industries d’Europe, et imposer le règne du dollar aux monnaies et aux économies européennes.

Le capital financier américain compte profiter du chaos et de la désorganisation entraînés par la guerre en Europe pour rationner le continent, en lui fournissant des prêts, de la nourriture et des équipements. En temps de crise, cela lui donnera un moyen de pression pour menacer et corrompre les révolutions.

La sauvagerie de l’impérialisme anglo-américain en Allemagne n’est pas seulement dictée par un projet d’asservissement et d’exploitation, mais aussi par la crainte de la révolution prolétarienne. En quelques décennies, le peuple allemand a fait l’expérience de tous les types de régimes bourgeois. Son prolétariat et sa petite bourgeoisie vont inévitablement s’orienter vers la révolution socialiste.

C’est en Allemagne que la bourgeoisie va découvrir combien ses plans pour préserver l’ancien système sont utopiques. Toutes les tentatives de réprimer les fraternisations vont échouer dès lors qu’il faudra occuper durablement le pays. Les « Tommies » et les « Doughboys » [10] considéreront que leur mission en Europe est remplie. Ils réclameront d’être démobilisés et de pouvoir rentrer chez eux, pour profiter de ce monde meilleur que la bourgeoisie leur a promis. La lutte du prolétariat allemand contre les forces d’occupation, contre l’humiliation nationale et le démembrement de l’Allemagne, cette lutte pour la liberté nationale et sociale menée sous le joug de l’occupant, préparera une puissante résistance de la part des masses.

Avec leur programme réactionnaire d’asservissement national, les staliniens ne feront pas longtemps illusion auprès des masses allemandes. Le prolétariat allemand regroupera bientôt ses forces dans une direction révolutionnaire. L’expérience italienne montre combien les masses peuvent rapidement se relever de terribles défaites sous le coup des événements historiques. Les ressources et la disposition au combat du prolétariat semblent presque inépuisables.

La balkanisation de l’Allemagne et de l’Europe, l’occupation anglo-américaine à l’Ouest, les prétentions de la France et la domination de pantins bourgeois du Kremlin à l’Est auront de bien pires conséquences sur le continent torturé que n’en eut la « paix » de Versailles. À l’heure des aéroplanes et des divisions blindées, l’absurdité des frontières nationales, des barrières douanières et de la division de l’Europe en petits et grands États conduira au désastre. Les forces productives seront lentement étranglées et la culture européenne déclinera. Les grandes puissances – dont aucune n’est européenne, désormais – saigneront l’Europe pour parvenir à leurs fins. La période qui vient sera faite de guerres, de révolutions et de contre-révolutions – toutes intensifiées par l’expérience des décennies passées.

Il est possible que, grâce au répit que lui offrent le stalinisme et le réformisme traditionnel (c’est un facteur objectif qu’il faut prendre en compte), l’impérialisme mondial parvienne à « stabiliser » temporairement des régimes bourgeois démocratiques dans certains pays. Le stalinisme a besoin de garantir des conquêtes aux masses, notamment le rétablissement des syndicats, une relative liberté d’expression et de la presse (comme en Espagne en 1931) et le droit de vote – le tout sous une forme plus ou moins atténuée. Quant aux impérialistes, ils ont besoin d’un intermède « démocratique » avant de reprendre la voie de la réaction. Ils n’ont pas le choix : les secousses de la guerre et la débâcle du fascisme ont détruit toute base de masse pour la réaction, dans l’immédiat. Il serait difficile d’établir des dictatures militaires sans base sociale pour les soutenir. Et de tels régimes ne tiendraient pas longtemps après le départ des troupes britanniques et américaines. L’élan orageux des masses les force donc à utiliser leur arme de secours : les organisations ouvrières.

On ne peut pas exclure que les impérialistes anglo-américains et les bourgeoisies nationales parviennent ponctuellement à imposer d’emblée des dictatures militaires. Mais celles-ci ne pourront pas durer longtemps sans base sociale dans les masses. Sur fond d’instabilité et d’affrontements en Europe et dans le monde, ces régimes seront la proie de crises et de convulsions.

Cette analyse des événements ne doit pas nous conduire à des conclusions pessimistes, bien au contraire. Mais elle impose à la IV° Internationale d’utiliser la situation pour se préparer aux chocs qui attendent les impérialistes. Notre époque est marquée par de brusques tournants. Après la révolution de 1931, les événements évoluèrent très vite en Espagne [11] : les masses se soulevèrent, les réformistes trahirent, les anarcho-syndicalistes et les staliniens furent incapables de constituer une direction révolutionnaire (et en particulier d’avancer des mots d’ordre démocratiques et transitoires). S’ensuivit une brève accalmie, pendant laquelle la réaction se prépara à régler ses comptes avec les masses déçues et désespérées par leur direction. Puis les masses réagirent au fouet de la contre-révolution par une grève générale et une insurrection dans les Asturies et en Catalogne. La réaction ne parvint pas à se consolider. Les masses se réveillèrent, et le Front populaire fut formé pour les brider. Après les élections de février 1936, les ouvriers et les paysans s’élancèrent vers la révolution socialiste, sans que les réformistes et les staliniens ne parviennent à les contrôler. Finalement, Franco fit un coup d’État et les masses y répondirent par une insurrection.

Voilà un aperçu de ce qui attend l’Europe. Les cadres de la IV° Internationale doivent soigneusement étudier les leçons de ces événements. À chaque étape correspondent des mots d’ordre, une tactique, des méthodes d’agitation et de propagande, et des modes d’action des masses.

C’est sur ce fond de crise étendue à l’échelle du continent, débordant les frontières nationales archaïques, que seront créées les conditions objectives pour l’établissement des États-Unis socialistes d’Europe, seule solution aux tourments qui agitent tous les pays.

Les conséquences de la guerre, la lutte des peuples contre l’occupation nazie, l’exemple de la fédération d’URSS, la riposte à venir contre la domination des Alliés, l’inévitable réaction aux poisons du nationalisme et du chauvinisme, et la radicalisation des masses européennes fourniront une base subjective à notre propagande pour les États-Unis socialistes d’Europe, qui trouvera un écho dans les masses. Ce sera la colonne vertébrale du programme de la IV° Internationale : les États-Unis socialistes d’Europe comme seule alternative au déclin et à la désintégration des nations, à l’effondrement de la culture et de la civilisation dans tous les pays du continent.

Nos tâches en Europe

La IV° Internationale ne pénétrera les masses et ne construira le parti de la révolution socialiste que si elle adopte une tactique correcte face aux transformations de la situation et de la conscience.

Il faudrait toute une série de terribles défaites pour que la bourgeoisie parvienne à établir une dictature ouverte, semblable aux régimes fascistes de Hitler et Mussolini. Un nouveau cycle s’est ouvert, sur de nouvelles bases. Le déclin du système capitaliste a affaibli la bourgeoisie et son emprise sur les masses. Le monde fait face à un nouveau 1917-1921, mais à un niveau supérieur.

La dégénérescence des organisations ouvrières offre un répit aux capitalistes. Il faudrait que la série des révolutions échoue pour que la bourgeoisie tente à nouveau de sauver son système par la répression, en instaurant une réaction néo-fasciste. D’ici là, les masses auront été mises à l’épreuve. Le prolétariat abandonnera ses vieilles organisations si la IV° Internationale parvient, grâce à sa stratégie et à sa tactique, à fusionner avec le mouvement de masse des travailleurs.

La tâche fondamentale de la période est de bâtir des partis révolutionnaires de masse de la IV° Internationale. Nos camarades européens n’y parviendront pas dans l’immédiat – même s’ils devront, entre temps, défendre la formation d’organisations de combat ad hoc, et expliquer la nécessité de la dictature du prolétariat partout où ils le peuvent. Les masses cherchent certes une solution socialiste, mais il leur faudra d’abord passer par l’expérience de la trahison des staliniens et des sociaux-démocrates, pour comprendre que même leurs anciennes conditions de vie ne pourront être obtenues qu’à travers la dictature de la classe ouvrière.

La lutte pour les revendications démocratiques, économiques et transitoires n’est pas dépassée, ni devenue obsolète dans la période révolutionnaire qui s’annonce. Au contraire : elle jouera un rôle crucial pour construire l’armature de notre mouvement. Parallèlement à la propagande pour les soviets et le gouvernement des travailleurs, nous devrons mener une agitation en direction des vieilles organisations ouvrières qui jouissent encore de la confiance et du soutien des masses, les appeler à rompre leur alliance avec la bourgeoisie décadente et l’impérialisme allié, et appeler leurs chefs à traduire leurs paroles en actes.

Nos camarades doivent réclamer que les organisations de masse qui prétendent représenter les travailleurs mènent la lutte pour prendre le pouvoir. La IV° Internationale doit revendiquer l’instauration d’un « gouvernement des socialistes et des communistes » , pour mobiliser les travailleurs sociaux-démocrates et communistes dans la lutte contre la classe capitaliste.

Il faudra également réclamer la tenue d’élections générales, sur la base du suffrage universel à partir de dix-huit ans. La bourgeoisie et les organisations réformistes ont beau bavarder sur les droits démocratiques, elles ont laissé le pouvoir entre les mains de cliques bourgeoises, souvent protégées par les baïonnettes alliées, sans consulter les masses ni recevoir de mandat de leur part. C’est pourquoi l’appel à des élections générales et à la convocation d’une Assemblée constituante doit jouer un grand rôle dans l’agitation de nos camarades aux premières étapes de la mobilisation révolutionnaire des masses.

Ces revendications doivent être liées à des mots d’ordre transitoires, dans les différentes industries et à chaque étape de la lutte. Nationalisation des banques sans compensation ! Saisie des mines, des chemins de fer, des cartels et des industries – sous contrôle ouvrier ! Expropriation des trusts qui collaboraient hier avec Hitler et collaborent aujourd’hui avec les impérialistes alliés ! Un plan de travaux publics ! L’échelle mobile des salaires et des heures de travail ! L’armement des travailleurs et la constitution de milices ouvrières !

Il n’est pas nécessaire de développer ici toutes les revendications que nous mettrons en avant au fil des développements de la situation, en suivant la politique de la IV° Internationale telle qu’elle est exposée dans le Programme de transition. Ces revendications n’entrent pas en contradiction avec le programme des soviets, ou des comités ouvriers, dans les usines et dans les rues. Mais sans elles, les groupes de la IV° Internationale risquent de dégénérer dans la stérilité et l’isolement sectaires. Ce sont des ponts qui nous relient aux masses, et sans lesquels nous aurons grand mal à organiser l’avant-garde.

C’est dans une telle période que se construira le parti de la IV° Internationale. Les partis staliniens et sociaux-démocrates ne retrouveront pas la stabilité d’avant-guerre. Ils seront confrontés à une série de crises et de scissions. Avec une tactique correcte, les sections de la IV° Internationale pourront grandir à leurs dépens. Néanmoins, d’éphémères courants et groupements centristes surgiront inévitablement dans de nombreux pays, étant données la faiblesse des organisations de la IV° Internationale et l’absence de porte-paroles faisant autorité comme Léon Trotsky. Mais notre autorité grandira à mesure que nos cadres apprendront à se former dans les luttes, et que les masses feront l’expérience du programme de la IV° Internationale.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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