Plus de 20.000 manifestants à travers la France pour le droit au voile
PARIS (AFP) - Plus de 20.000 personnes ont manifesté samedi à travers la France pour dénoncer le projet de loi sur la laïcité à l'école, tandis que des manifestations avaient également lieu à Londres, Bruxelles, Berlin et dans plusieurs pays musulmans pour soutenir le droit des élèves à porter le voile à l'école.
La mobilisation a été moins importante qu'annoncé à Paris, où la manifestation a été marquée par les dérapages populistes et antisionistes du président du Parti des musulmans de France (PMF), Mohamed Latrèche.
Les organisateurs parisiens ont annoncé 20.000 personnes et la police 10.000, un chiffre que de nombreux journalistes sur place ont trouvé surestimé.
La réputation sulfureuse du PMF, à l'origine de cette manifestation, semble avoir dissuadé une bonne partie des associations musulmanes d'Ile-de-France de se joindre au cortège.
L'assistance était composée de groupes compacts et dynamiques de jeunes filles voilées - de noir le plus souvent - encadrées par un service d'ordre masculin, de mères de famille, d'hommes de tous âges qui ont applaudi sans sourciller aux propos de Mohamed Latrèche sur les juifs qui ont "tout" et les musulmans qui n'ont "rien.
"Vous avez dit, M. Chirac, que les juifs sont en France depuis 2.000 ans, croyez-vous que nous allons attendre 2.000 ans pour ouvrir notre bouche?", a lancé le président du PMF.
"Le sionisme est une idéologie d'apartheid, nous le combattons comme nous combattons le nazisme", a-t-il encore déclaré.
Les slogans et les banderoles visaient le président de la République Jacques Chirac, coupable d'avoir "trahi" les musulmans, et proclamaient "un voile, une voix", en allusion aux prochaines échéances électorales.
L'atmosphère est cependant restée plutôt bon enfant et la manifestation, qui s'est déroulée durant près de quatre heures de la place de la République à la place de la Nation, n'a été marquée par aucun incident notable.
Le judoka Djamel Bouras a fait une apparition au début de la manifestation mais a confié à l'AFP sa déception de se retrouver "entre musulmans". "J'aurais espéré que chrétiens, juifs, musulmans manifestent ensemble", a-t-il déclaré.
L'ambiance était très différente en régions où les manifestations étaient organisées par des collectifs d'associations, et notamment celles liées à l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans).
Le Conseil français du culte musulman (CFCM), l'instance représentative musulmane, n'avait pas appelé à manifester et son président, Dalil Boubakeur, avait même déconseillé aux musulmans de le faire. Mais l'UOIF, pourtant partie prenante du CFCM, avait laissé ses associations locales libres de manifester.
Ainsi à Lille, où 4.000 personnes - selon la police - ont répondu à l'appel d'un collectif de femmes "pour le libre choix", plusieurs figures locales de l'UOIF ont participé à un défilé à la tonalité très "tricolore.
A Marseille, quelque 1.800 personnes ont manifesté à l'appel d'une coordination. Des manifestations ont également eu lieu à Bordeaux, Nantes, St-Etienne, Annecy, Poitiers, Mulhouse, Besançon, Toulouse et à Nice, où le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy se trouvait pour signer une convention avec le conseil général.
Le ministre a réaffirmé à cette occasion que "ce n'est pas en manifestant qu'on fait avancer les choses". "Personne ne doit se sentir désigné ou victime, ni agressé" par le projet de loi, a-t-il ajouté.
Pendant ce temps, quelque 200 militants associatifs musulmans, émules de l'intellectuel genevois Tariq Ramadan, ont tenu des "assises nationales" à Saint-Denis (Seine St-Denis) où ils avaient invité des associations laïques.
L'objectif: dépasser la question du voile pour agir ensemble contre les "discriminations" de toutes sortes.
A l'étranger, plusieurs manifestations ont eu lieu en Europe, notamment à Londres et Berlin. Dans le monde musulman, des rassemblements ont été organisés à Beyrouth, Gaza et Naplouse, Amman, Khartoum ainsi qu'au Koweit.