Hitler et la place de la femme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Pascal » 15 Jan 2005, 13:54

(François Delpla @ samedi 15 janvier 2005 à 09:41 a écrit : Relisons :

a écrit :conformément à ce qu’il pensait de leur rôle dans la société et à l’usage qu’il faisait d’elles dans sa propre vie, il [Hitler] protégeait relativement les femmes des aspects les plus violents de son régime. Du côté des bourreaux s’entend, car en tant que victimes des génocides, au contraire, elles étaient la cible principale



C'est clair, non ?
Clair ? Peut-être...

Effectivement, il y avait plus d'hommes que de femmes parmi les SS qui surveillaient les camps (à l'exception de Revensbrück).

Oui, l'armée allemande était très majoritairement masculine.

Mais que les hommes soient largement plus nombreux dans les corps de répression et dans l'armée n'est en rien une spécificité de l'Allemagne nazie !!

D'autant que le principe nazi pour les femmes était de reprendre les fameux "trois K" (kindern, Küche, Kirsche = Enfants, Cuisine, Eglise) chers à tous les réactionnaires.

Cela n'a rien à voir avec une "protection particulière" vis-à-vis des femmes !
Pascal
 
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Message par pelon » 15 Jan 2005, 14:18

Peut-être que cette protection particulière est celle de la "génitrice", dans le cadre d'une politique nataliste.
Il est dans ce cas, maladroit de parler de protection des femmes à moins de ne les réduire qu'à une fonction de reproductrices. Reproduction de la chair à canon.
Il est vrai que FD est plus précis que cela et parle de protection "des aspects les plus violents de son régime". Si c'est pour dire qu'elles étaient moins nombreuses que les hommes à Stalingrad, il ne s'agit pas, comme le dit Pascal, d'une spécificité du régime nazi.
pelon
 
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Message par François Delpla » 15 Jan 2005, 15:59

Bon, alors ce n'était pas tout à fait assez clair... Puisque quelques uns des plus pondérés de mes interlocuteurs semblent avoir besoin d'une explication de texte, la voici (je pense que dans le contexte du livre entier, ce sera plus clair).

Les "aspects les plus violents de son régime", ce n'est pas Stalingrad ou la guerre en général, puisque effectivement ce sont choses qui sont épargnées aux femmes (du moins en position combattante; précision ajoutée pour couper l'herbe sous le pied des grincheux à l'affût) dans la plupart des régimes.

Ce dont je veux parler, c'est de la spécificité du nazisme, avec ces deux aspects qui ne sont que deux versants d'une même réalité : d'une part, la place centrale de la guerre dans ses projets; d'autre part, le rôle cardinal du racisme dans son idéologie comme dans ses actions.

La conversation de 1936 avec Speer (après trois heures passées à embobiner l'Eglise allemande par l'intermédiaire de son principal prélat) mélange les deux choses : si je réussis je serai grand, si j'échoue je serai damné, voilà une allusion claire aux guerres d'agression projetées ainsi qu'aux massacres raciaux en puissance.
Et même si ce n'est pas tout à fait limpide pour Speer, c'est tout de même à un homme qu'il dit cela et jamais, du moins d'après les nombreux textes que je viens de lire ou de relire pendant des mois, à une femme.

Voici, pour l'illustrer, une autre citation du futur livre. Il converse avec Leni Riefenstahl au printemps 1938 :

a écrit : (...) Il est également question, brièvement, de politique. Hitler n’avoue pas qu’après l’absorption toute récente de l’Autriche il va s’en prendre à la Tchécoslovaquie et défier les grandes puissances, mais prétend seulement vouloir

créer une Allemagne forte et indépendante, une forteresse contre le communisme. Et cela n’est possible que de mon vivant. Après moi, plus personne ne sera capable de s’en occuper.

Belle contradiction ! A cette époque l’Allemagne nazie, en plein réarmement et forte de plusieurs triomphes diplomatiques, n’a vraiment rien à craindre, ni de son parti communiste réduit à quelques équipes pourchassées, ni d’une URSS en proie à la désorganisation des grandes purges. Si elle a un besoin aussi absolu de Hitler c’est bien pour faire tout autre chose que de se défendre. Il ment donc, tout en laissant deviner à un esprit en éveil –mais si peu le sont- ses immenses projets de conquête. Leni lui demande d’où il tire sa conviction d’être indispensable et il répond :

C’est une vocation que je sens chaque jour se renouveler en moi, une contrainte intérieure qui me fait agir de cette manière, et pas autrement.


Donc il dit au fond la même chose à ses deux artistes favoris, mais "protège relativement" celui des deux qui est une femme.
François Delpla
 
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Message par manu31 » 15 Jan 2005, 18:58

(François Delpla @ samedi 15 janvier 2005 à 15:59 a écrit : Ce dont je veux parler, c'est de la spécificité du nazisme, avec ces deux aspects qui ne sont que deux versants d'une même réalité : d'une part, la place centrale de la guerre dans ses projets; d'autre part, le rôle cardinal du racisme dans son idéologie comme dans ses actions.
Je ne pense pas que "la place centrale de la guerre dans ses projets" soit une spécificité du nazisme. En effet le traité humiliant de Versailles ne laissait à la bourgeoisie allemande d'autre choix que la voie du réarmement et de la guerre. On peut donc affirmer que n'importe quel régime parvenu au pouvoir à l'époque aurait réarmé l'Allemagne et aurait pour cela dû être autoritaire, nationaliste, et prêt à écraser la société sous une barbarie féroce.

Pour ce qui est du racisme, était-il strictement nécessaire à la bourgeoisie? Dans l'absolu, non, mais l'influence de l'Eglise était-elle absolument nécessaire à la bourgeoisie espagnole? Pourtant, Hitler a choisi le racisme comme instrument et Franco le catholicisme. Donc on peut toujours parler de spécificité du nazisme sur ce point, mais on pourrait trouver ce genre de spécificités pour n'importe quel régime autoritaire.

Quant à la conversation de Hitler et Speer, vous la résumez ainsi:
a écrit :si je réussis je serai grand, si j'échoue je serai damné, voilà une allusion claire aux guerres d'agression projetées ainsi qu'aux massacres raciaux en puissance.


Je crois que vous extrapolez beaucoup. Ce genre de phrase peut être mis dans la bouche de n'importe quel chef militaire (cf. la phrase de Joffre: "Je ne sais pas qui a gagné la bataille de la Marne mais je sais qui l'on aurait accusé de l'avoir perdue"). Je ne vois pas où les projes racistes y apparaissent.
manu31
 
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Message par François Delpla » 15 Jan 2005, 20:50

a écrit :Je ne pense pas que "la place centrale de la guerre dans ses projets" soit une spécificité du nazisme. En effet le traité humiliant de Versailles ne laissait à la bourgeoisie allemande d'autre choix que la voie du réarmement et de la guerre. On peut donc affirmer que n'importe quel régime parvenu au pouvoir à l'époque aurait réarmé l'Allemagne et aurait pour cela dû être autoritaire, nationaliste, et prêt à écraser la société sous une barbarie féroce.


tout cela me paraît à la fois bien fataliste, et frénétiquement assimilationniste. Le nazisme voulait doubler au bas mot le territoire allemand vers l'est, en traitant les Slaves comme des Indiens (esclavagisés ou refoulés vers les terres les plus inhospitalières), sans même parler des Juifs. Les projets bourgeois n'étaient ni aussi énormes, ni aussi précis.
François Delpla
 
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Message par ravine chien » 15 Jan 2005, 23:10

(François Delpla @ samedi 15 janvier 2005 à 20:50 a écrit : Le nazisme voulait doubler au bas mot le territoire allemand vers l'est, en traitant les Slaves comme des Indiens (esclavagisés ou refoulés vers les terres les plus inhospitalières), sans même parler des Juifs. Les projets bourgeois n'étaient ni aussi énormes, ni aussi précis.
Tout faux
"Deutchland über ales " ne date pas de la naissance du nazisme, mais de la victoire contre la france en 1870. La "germanisation" de la pologne, de la lorraine de la partie non germanophone de l'autriche-hongrie... était une des volontés politique de Guillaume II. Cette politique avait un nom: le pangermanisme et ce n'est pas une création nazi, même si ils s'en sont largement inspirés.
Dès la fin du XIXème, les pangermanistes préconisaient le regroupement de tous les peuples germaniques dans un vaste Etat dirigé par les Allemands. Cette extension de la domination allemande à toute l'Europe centrale (la Mitteleuropa) était d'autre part justifiée à leurs yeux par la poussée démographique de l'Allemagne et son besoin de débouchés. Pour réaliser cette expansion. les pangermanistes ne craignaient pas la guerre, dans laquelle ils voyaient "le seul jugement équitable".

Tout ça pour dire que Hitler n'a fait que reprendre sur cette question les projets bourgeois de ses prédécesseurs au pouvoir.
ravine chien
 
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Message par François Delpla » 16 Jan 2005, 06:32

a écrit :Tout faux


Mazette !

Voilà une bien professorale assurance.



a écrit :"Deutchland über ales " ne date pas de la naissance du nazisme, mais de la victoire contre la france en 1870.


c'est qui qu'a parlé de ce truc ?


a écrit :La "germanisation" de la pologne, de la lorraine de la partie non germanophone de l'autriche-hongrie... était une des volontés politique de Guillaume II.


pas vraiment ce que l'interlocuteur précédent avait appelé "doublement du territoire vers l'est" et aux dépens des seuls Slaves



a écrit :Cette politique avait un nom: le pangermanisme et ce n'est pas une création nazi


dont acte !


a écrit :, même si ils s'en sont largement inspirés.
Dès la fin du XIXème, les pangermanistes préconisaient le regroupement de tous les peuples germaniques dans un vaste Etat dirigé par les Allemands.



c'est leur problème

a écrit :Cette extension de la domination allemande à toute l'Europe centrale (la Mitteleuropa) était d'autre part justifiée à leurs yeux par la poussée démographique de l'Allemagne et son besoin de débouchés. Pour réaliser cette expansion. les pangermanistes ne craignaient pas la guerre, dans laquelle ils voyaient "le seul jugement équitable".


Hitler en attendait beaucoup plus et beaucoup mieux : avant tout une accoutumance de son peuple radicalement "déjuivé" à une violence barbare, à un mépris seigneurial pour la personne et la vie des "inférieurs", propre à "effacer 2000 ans de christianisme"

a écrit :Tout ça pour dire que Hitler n'a fait que reprendre sur cette question les projets bourgeois de ses prédécesseurs au pouvoir.


dire est une chose, démontrer une autre
François Delpla
 
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