Bon, alors ce n'était pas tout à fait assez clair... Puisque quelques uns des plus pondérés de mes interlocuteurs semblent avoir besoin d'une explication de texte, la voici (je pense que dans le contexte du livre entier, ce sera plus clair).
Les "aspects les plus violents de son régime", ce n'est pas Stalingrad ou la guerre en général, puisque effectivement ce sont choses qui sont épargnées aux femmes (du moins en position combattante; précision ajoutée pour couper l'herbe sous le pied des grincheux à l'affût) dans la plupart des régimes.
Ce dont je veux parler, c'est de la spécificité du nazisme, avec ces deux aspects qui ne sont que deux versants d'une même réalité : d'une part, la place centrale de la guerre dans ses projets; d'autre part, le rôle cardinal du racisme dans son idéologie comme dans ses actions.
La conversation de 1936 avec Speer (après trois heures passées à embobiner l'Eglise allemande par l'intermédiaire de son principal prélat) mélange les deux choses : si je réussis je serai grand, si j'échoue je serai damné, voilà une allusion claire aux guerres d'agression projetées ainsi qu'aux massacres raciaux en puissance.
Et même si ce n'est pas tout à fait limpide pour Speer, c'est tout de même à un homme qu'il dit cela et jamais, du moins d'après les nombreux textes que je viens de lire ou de relire pendant des mois, à une femme.
Voici, pour l'illustrer, une autre citation du futur livre. Il converse avec Leni Riefenstahl au printemps 1938 :
a écrit : (...) Il est également question, brièvement, de politique. Hitler n’avoue pas qu’après l’absorption toute récente de l’Autriche il va s’en prendre à la Tchécoslovaquie et défier les grandes puissances, mais prétend seulement vouloir
créer une Allemagne forte et indépendante, une forteresse contre le communisme. Et cela n’est possible que de mon vivant. Après moi, plus personne ne sera capable de s’en occuper.
Belle contradiction ! A cette époque l’Allemagne nazie, en plein réarmement et forte de plusieurs triomphes diplomatiques, n’a vraiment rien à craindre, ni de son parti communiste réduit à quelques équipes pourchassées, ni d’une URSS en proie à la désorganisation des grandes purges. Si elle a un besoin aussi absolu de Hitler c’est bien pour faire tout autre chose que de se défendre. Il ment donc, tout en laissant deviner à un esprit en éveil –mais si peu le sont- ses immenses projets de conquête. Leni lui demande d’où il tire sa conviction d’être indispensable et il répond :
C’est une vocation que je sens chaque jour se renouveler en moi, une contrainte intérieure qui me fait agir de cette manière, et pas autrement.
Donc il dit au fond la même chose à ses deux artistes favoris, mais "protège relativement" celui des deux qui est une femme.