Dans l'article du journaliste sur le livre de Tort.
a écrit :On retrouve ici la formule presque magique de forclusion du nom du père, prêt-à-penser dont notre société a passablement usé et abusé depuis quelques décennies, que ce soit à propos des enfants de mères célibataires ou des jeunes-de-banlieue chez lesquels l'absence de père expliquerait tout ou presque de leur devenir.
Eh oui.
Que certains "psychananalystes" ou prétendus tels aient dérapé ou dérapent encore en reflétant dans leurs pratiques et leurs idées les préjugés réactionnaires ambiants est une chose à peu près aussi inévitable que les dérapages de certains darwiniens...
En effet, il faut vraiment méconnaître l'histoire (ne parlons même pas du marxisme..) pour ignorer que rien n'est nulle part fixé pour toujours dans le monde des humains, pas plus le statut de la "mère" que celui du "père", ni même le "nom-du-père".
Sauf que le "père" et la "mère", ça vient quand même de l'évolution des espèces, vu qu'on n'est pas des amibes, ce sont des personnes qui sont aussi des "fonctions" (sociales). Et l'un et l'autre ne se recouvrent pas toujours pareillement chez tous les individus. Et une fonction, ça fonctionne justement : un peu, beaucoup... le (ou les) pères n'est pas la même chose que le papa, ni la (les) mères que la maman... et tous les sexes se croisent dans cette affaire...
Dans f(x), x peut être beaucoup de choses différentes... et f aussi...
La fin du dogme paternel n'est pas celui de la fonction paternelle... et "la psychanalyse" ne défend nullement l'idéal de la famille petite bourgeoise.
Certains de ses plus stupides représentants médiatiques peut-être... mais à ce compte-là, on peut aussi aller chercher dans les autres écoles qui dit quoi sur quel sujet... c'est sans intérêt.
a écrit :que reste-t-il de la psychanalyse si on lui detruit méchamment tous ses mythes fondateurs ?
Il faudrait lui demander, puisqu'il me semble qu'il est toujours "psychanalyste".
En tous cas, un livre qui invite à se pencher sur l'histoire et qui secoue les conservatismes d'une profession peu recommandable et socialement très typée dans son ensemble est toujours utile, s'il est bien fait.
Ici, la présentation que l'éditeur fait du livre.
a écrit :
Le discours sur le " déclin du père " est devenu un lieu commun. Ce diagnostic sur la faillite de la fonction paternelle est porté au nom de la psychanalyse, qui statuerait sur les atteintes aux fonctions symboliques vitales pour le psychisme humain et leur déstructuration actuelle. La montée du pouvoir redoutable des Mères mettrait en péril la bonne traversée de l'Œdipe. La tâche de la psychanalyse est plutôt d'interpréter ce discours angoissé, en renversant les termes du problème. " Le Père " est une construction historique, solidaire des formes traditionnelles de la domination masculine, qui assure aux pères le monopole de la fonction symbolique. Cette figure patriarcale, en crise depuis le début de la modernité, est en passe de céder la place, dans les sociétés démocratiques actuelles, à de nouveaux arrangements des rapports de parentalité. Mais la fin d'un père, le " Père " du patriarcat occidental, est la fin d'un monde - pas la fin du monde. Les formes du devenir-sujet et l'exercice des fonctions du père qui y participent sont historiques et elles sont le lieu de relations de pouvoir entre les sexes. Ce changement de perspective ne va pas sans un réexamen critique des constructions de Freud et de Lacan sur le père, qui reposent sur la soumission à un potentat " séparateur ". On peut alors jeter les bases d'une histoire positive de la paternité, en cessant de broder nostalgiquement sur le récit édifiant d'un déclin permanent. Du mouvement anti-paternel de la jeunesse au milieu du XXe siècle, dont " 1968 " demeure le symbole, à la mise en cause des violences paternelles, il s'agit de repérer les principaux aspects de la décomposition de la " solution paternelle ", ses tentatives de restauration par le bricolage d'un " ordre symbolique " chargé de résister à la liquidation de l'ordre ancien ; mais aussi de discerner l'invention de nouveaux modes de paternité, liés aux nouveaux rapports de genre et de sexe.
Biographie de l'auteur
Michel Tort est psychanalyste, professeur à l'université de Paris-VII. Il dirige avec Éric Fassin et Michel Feher le séminaire " Actualité sexuelle " à l'ENS/Paris-VII. Il est notamment l'auteur du Désir froid. Procréation artificielle et crise des repères symboliques, La Découverte, 1992.
a écrit :Ce changement de perspective ne va pas sans un réexamen critique des constructions de Freud et de Lacan
Est-ce la même chose qu'un abandon ? Le réexamen critique est nécessairement inscrit dans "la pychanalyse", qui est une théorie organiquement liée à une pratique (sociale et "médicale") et réciproquement.
C'est la différence entre tenir le fil et couper le fil...
Si le fil historique était rompu, ce serait une perte considérable pour la psychiatrie, et donc pour les malades. Ce serait une régression dans la compréhension du sujet humain, et cela s'accompagnerait nécessairement de la réaction politique.
En revanche, pour que le fil soit tenu, il faudrait injecter aux "psychanalystes" une bonne dose marxisme, et de fréquentes piqûres de rappel, c'est incontestable.