par eruditrotsk » 17 Juin 2005, 11:47
Le camarade Clavez reconnait au moins une chose, c'est qu'il est brouillon. L'analogie sur Thermidor qui lui pose problème n'est pas une invention de Daisy, Jaquemart, Ottokar et les autres... mais des révolutionnaires russes effectivement nourris de révolution française (c'est ce qu'il y avait de mieux à étudier en leur temps en matière de révolution) et notamment de l'histoire politique de ctte révolution écrite par un certain Aulard (dans les milieux anars, on lisait plutôt Kropotkine). les révolutionnaires russes des différentes oppositions (Trotsky mais aussi les autres, le groupe ouvrier ou celui du "centralisme démocratique") ont effectivement à chaque pas en arrière de la révolution russe discuté pour savoir si elle avait franchi l'étape de Thermidor, qui leur parlait à eux mais pas à Clavez visiblement, et pendant un temps Trotsky a résisté à l'idée que Thermidor avait eu lieu, il y fait allusion dans son texte de 1934. Puis, avec les réserves déjà relevées ici, il a estimé que l'étape de Thermidor était franchi. Une seule solution pour Clavez : réétudier tout cela en se considérant plutôt comme un élève que comme un maître.
(En passant, Trotsky a remis cela là-dessus au moement où il rédigeait son Staline où il y a un long développement sur Thermidor, notamment en demandant aux trotskystes français de l'aider en lisant "les thermidoriens" de Georges Lefebvre, et en lui proposant des extraits, ce qui fut fait notamment par Barta, notamment !)
Pour ce qui est de 1848, que ce soit une date "point de départ" pour opposer la notion de classe ouvrière à celle vague et escroc de "peuple" est une chose, mais cela n'est pas le sujet ici. Les révolutions du 19e siècle qui ont suivi la "grande révolution" de 1789-1793, 1830, 48..., que l'on peut étudier sous l'angle des intérêts généraux du prolétariat, ont toute contribué, parallèlement, à améliorer la machine étatique de la bourgeoisie. C'est un certain Marx qui le dit dans ses écrits historiques (inutile de m'engueuler ensuite, Clavez).
Ce qu'il y a de vrai dans le raisonnement de Clavez, c'est que la bourgeoisie française a mis du temps à prendre conscience qu'elle était désormais une classe dominante et à ne plus se draper, dans ses apparences, dans les oripeaux, de la classe noble, que ce soit dans le fait qu'au XIXe siècle, elle faisait volontiers appel à du personnel politique rescapé de l'ancien régime (type Talleyrand) ou encore ses tendances à marier ses filles avec de rejetons de la noblesse (ruinée économiquement... et politiquement lors de la "grande révolution"). Ou encore, les demeures bourgeoises que se faisaient construire les bourgeois ont longtemps imité les châteaux d'ancien régime (pensez à Presles...). Mais l'impulsion initiale et déterminante avait été donnée en 1789-1793.
Enfin, dernier point, que les événements de 1848 aient entraîné Michelet à étudier la révolution française est une chose, mais je crois quand même que les hommes et femmes de cette génération, en tout cas dans le camp "progressiste" (qu'on me passe cette expression) étaient dans leur chait et leur conscience des enfants de la révolution française et de la légende napoléonienne et tout cela était aussi vif dans leurs souvenirs que pour ceux qui ont connu Juin 36 et-ou Mai 68 (toutes proportions, ou plutôt disproportions, gardées). Je pense notamment au romancier Erckman (et son compère Chatrian, qui ne tenait pas la plume mais avait des idées) qui fait passer le souffle de la révolution française notamment dans "Histoire d'un paysan" parce que ce souffle est encore vivant dans sa mémoire et ses tripes. Et, d'ailleurs, des gens comme cela on en trouvait encore parmi les participants de la Commune de Paris, ceux qui n'étaient pas dans l'AIT mais qui rêvaient encore à travers elle de la commune des sans-culottes.
Clavez doit retourner à ses chères études et ne pas prêter sa confusion aux autres.