Décès de Pierre Broué

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par artza » 28 Août 2005, 13:56

Sur les travaux de P. Broué je partage le point de vue d'Ottokar. Par contre sur PB n'aimant pas beaucoup LO, la Ottokar est bien gentil à moins qu'il ne litote.

Non seulement PB ne fut pas solidaire de LO face aux calomnies de la presse mais il joua son petit rôle et fut même un précurseur par une petite brève parue dans la feuille de chou PS de l'inspecteur Filoche.
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Message par eruditrotsk » 05 Sep 2005, 17:19

Je suis entièrement d'accord avec Artza sur ce qu'il précise dans sa brève.J'ajouterai que la "feuille de chou" de Filoche est quand même un organe de tendance au sein du PS, où pendant des années Broué a eu le droit de dire ses humeurs et, en l'occurence, d'écrire un écho de caractère policier contre LO. (Et s'il se démarque de la "gauche socialiste" dans son texte sur le référendum, c'est aussi à cause de cette période de collaboration avec Filoche).

Par ailleurs, je ferai remarquer à tous ceux qui font grand cas de Broué - il y a du monde dans le landernau trotskyste - que la tâche qu'il s'était fixé initialement c'était de publier les oeuvres de Trotsky, ce qu'il a cessé de faire en... 1989. C'est-à-dire depuis quinze ans pour se consacrer à "son oeuvre"... à lui.

Il existe un texte de Trotsky, peu connu, qui raconte comment Engels avait fini par se brouiller avec Kautsky qui ne pensait qu'à publier ses propres livres (sans tenir compte des critiques d'Engels), alors qu'Engels, qui se cherchait un successeur, avait vu initialement celui qui poursuivrait l'oeuvre d'Engels dont la priorité n°1 était, après la mort de Marx, de publier les textes de son ami. Finalement, Engels avait abandonné l'idée que Kautsky, trop occupé par "son oeuvre", puisse être l'homme qui publierait Marx, et il s'était tourné vers Bebel, qui n'avait d'ailleurs pas plus assuré. J'ai tendance à faire un parallèle entre les deux cas...

Et, curieusement, ce texte est absent da la période 1933-1940, dont PB avait "assuré" la publication, pour finalement laisser en rade la deuxième série 1927-1933.
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Message par pelon » 05 Sep 2005, 19:07

Oui, bémol sur Broué. Il fut un historien utile et même précieux pour les trotskystes. Par contre, sur le plan politique il n'était qu'un nain (ou un universitaire dans le mauvais sens que lui donnait Marx) au-dessus des contingences du moment.
Je me souviens d'un débat à la télé il y a longtemps (années 70 ou début des annés 80) sur Trotsky où il était resté historien, très peu politique, là où il aurait pu placer, le débat le permettait, l'actualité du trotskysme. Je me souviens de la colère d'un camarade de l'OCI le lendemain : "on va demander des comptes".
Plus récemment, il est intervenu dans l'émission de France Culture et je n'ai pas aimé sa manière de baver sur son ex-organisation. Il y a une manière politique de critiquer une orientation; il y a une manière cancannière de parler d'une organisation. C'est cette dernière qu'il avait choisi pour raconter ses souvenirs sur Lambert et Just d'une façon que je n'ai pas apprécié. J'ai le script mais je ne tiens pas à propager ses propos.
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Message par eruditrotsk » 06 Sep 2005, 23:24

J'ai également vu l'émission évoquée par Wolf. C'était un dossier de l'écran en deux parties sur la lutte de l'opposition de gauche contre Staline... avec Virlojeux dans le rôle de Trotsky et débat à l'issue de la deuxième partie (un mardi soir je crois). Intervention de Broué : Virlojeux ne va pas pour le rôle, il est trop petit, Trotsky était grand (il existe un texte de Malraux sur Trotsky du même tonneau où il pérore sur le fait que Trotsky avait... de petites dents !). Là-dessus intervient un historien soviétique, si on peut dire, en fait un partisan de Gorbatchev qui attaque en disant - je résume - que, selon lui, Lénine, Trotsky, Staline, on met tout cela dans un bateau et on le coule, et le monde ne s'en portera que mieux. Que répond Broué à cette attaque anti-communiste. Il se plaint que l'historien en question ne respecte pas les conventions passées entre le participants au débat où il était question de faire l'impasse sur la suite de l'histoire de l'URSS et plus rien...

Je rappellerai encore aux camarades sa complaisance vis-à-vis de Paul Lévi dans la "révolution allemande" qu'il défend contre l'avis de Lénine et Trotsky qui l'avait exclu pour sa passivité contre les partisans de l'action de mars 1921 à laquelle il se disait - à juste titre - opposé.

Enfin, obsédé comme il l'était par l'échec des trotskystes à faire la révolution à la fin de la seconde guerre mondiale (plusieurs numéros sur le sujet dans les cahiers donnant beaucoup la parole à Van Heinjenoort qui, de New York, n'avait certainement pas les moyens de comprendre la situation en Europe et qui ne fit pas long feu dans le mouvement une fois l'après-guerre passé), Broué explique dans son livre sur Rakovski que le raisonnement d'Engels annonçant la possibilité d'une révolution à la fin de la guerre était une stupidité, cela alors que Rakovsky appartenait justement à une génération qui, elle, avait connu une vague révolutionnaire à la fin de la guerre.

Enfin dans le livre sur Trotsky, outre que j'ai tendance à penser que sa vision de la personnalité de Trotsky ait quelque peu entachée par son hostilité personnelle à Lambert, il se mêle de régler les affaires de famille de Trotsky avec sa fille Zina, reprochant à Trotsky de ne pas avoir donné à Zina, qui le lui aurait demandé (cette jeune fille malade nerveusement rêvait, selon Broué, d'être un autre Léon Sedov au près de son père, le chiffre qui permettait à Trotsky et Sedov de communiquer avec leurs contacts en Russie. Et Broué de traiter Trotsky de mauvais père pour avoir protégé ses communications secrètes où des vies étaient en jeu. Au fou !

Donc... un très gros bémol.
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Message par pelon » 06 Sep 2005, 23:46

Complaisance aussi pour Largo Caballero même s'il s'agit d'un personnage haut en couleurs. Dans une guerre civile, ce n'est pas cela qui compte.
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Message par artza » 07 Sep 2005, 13:46

Par la publication de plusieurs ouvrages historiques et biographiques où ses sympathies politiques étaient clairement affirmées P. Broué avait acquis un certain statut d'historien référent du trotskysme.
Cette position honorable pour lui aurait du l'inciter à avoir le sens de l'intérêt général du mouvement trotskyste, de ses militants et de ses courants.

Tout au contraire il a trop souvent utilisé cette notoriété pour régler des comptes personnels et groupusculaires n'hésitant à reprendre à son compte n'importe quel ragot malveillant n'importe quelle anectote ridicule.
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Message par eruditrotsk » 14 Sep 2005, 15:34

Je suis moins d'accord avec ce que dit ici Artza. il est difficile (sinon impossible) pour un dirigeant révolutionnaire de faire carrière dans le monde bourgeois en parallèle. Universitaire c'est une chose, mais publier des livres, aller les vendre à droite et à gauche pose problème. Je crois que dès le départ des travaux historiques de Broué, il y avait un problème et je me souviens que son premier livre avait fait discuté, et pas qu'en bien, dans "Informations Ouvrières" (la publication des Lambertistes, alors ronéotée). Et, avec le temps, les choses ne se sont pas arrangées.

La reconnaissance qu'a reçu Broué de multiples groupes trotskystes qui l'invitaient un peu partou (qui payait les déplacements...) tout cela n'a certainement pas arrangé les choses chez un homme déjà passablement vaniteux. J'incline à penser que tout cela à plutôt joué dans le mauvais sens. (Réciproquement, beaucoup de ces groupes, enmal de reconnaissance, se faisaient de la mousse en l'invitant à des causeries.)

Broué supportait très mal qu'on critique ses livres et il sanctionnait par son absence. Je crois que c'était cela l'important pour lui, son statut d'historien spécialiste de Trotsky (dont il a livré une édition incomplète, tronquée et assez mal traduite !). Et s'il réglait des comptes politiques, c'était aussi parce que comme beaucoup d'intellectuels en retraite, il s'imaginait lui avoir mieux compris que les "boeufs" qui restent dans des groupes. J'ai d'autres noms à citer... car Broué n'était (est) malheureusement pas le seul !

On aurait des intellectuels (mêmes en retraite) plus modestes, plus compétents et plus sérieux, le mouvement y gagnerait.
eruditrotsk
 
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Message par pelon » 14 Sep 2005, 18:54

(eruditrotsk @ mercredi 14 septembre 2005 à 16:34 a écrit :
On aurait des intellectuels (mêmes en retraite) plus modestes, plus compétents et plus sérieux, le mouvement y gagnerait.
Un petit Victor Serge par exemple ?
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Message par eruditrotsk » 27 Sep 2005, 15:16

Je pensai plutôt à des gars genre Rudolf Klement, prêt à se taper les besognes les moins gratifiantes, sans rechigner. les travaux de Serge sont estimables mais pas son sens politique, ni même ses méthodes organisationnelles.
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