(Byrrh @ vendredi 20 février 2004 à 13:35 a écrit : Jean Rouch est mort, c'était un grand cinéaste qui avait placé sa caméra aux côtés du peuple africain. Son court-métrage Les maîtres fous (1955), où il filme une cérémonie vaudou, est en fait un véritable document à charge contre l'oppression coloniale.
J'espère que ces films seront réédités en vidéo ou feront prochainement l'objet d'une rediffusion TV.a écrit :Jeudi 19 février 2004, 18h52
Décès de Jean Rouch "l'Africain blanc", pionnier du "cinéma vérité"
NIAMEY, Niger (AP) - De la chasse à l'hippopotame aux rites vaudou, il était "l'Africain blanc", qui avait filmé le continent noir à sa façon, entre ethnologie et fiction. Le réalisateur français Jean Rouch, pionnier du "cinéma vérité" et inspirateur de la Nouvelle vague, est mort à l'âge de 86 ans dans un accident de voiture au Niger.
Disciple de l'explorateur Marcel Griaule, le cinéaste est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi aux environs de Tahoua, à 500km au nord-est de Niamey.
Arrivé vendredi dernier au Niger pour l'inauguration de la Semaine du film nigérien, dont il était l'invité d'honneur, il rendait visite à un ami cinéaste nigérien habitant à Tahoua.
Selon la radio nationale nigérienne, la Mercedes dans laquelle voyageait Jean Rouch a percuté pour une raison inconnue un camion stationné sur la route. Le choc a tué le cinéaste et blessé sa femme ainsi que le réalisateur Moustapha Alhassane et l'acteur Damouré Zika, tous deux nigériens. L'ambassadeur de France au Niger, Denis Vène, arrivé sur le lieu de l'accident, a rapatrié le corps à Niamey.
Jean Rouch, né le 31 mai 1917 à Paris, tient le goût du voyage de son père, directeur du Musée océanographique de Monaco, qui, après avoir fait l'Ecole navale, s'embarquera pour l'Antarctique avec l'explorateur Jean-Baptiste Charcot.
En 1941, quand le ministère des Colonies embauche des ingénieurs pour construire des ponts en Afrique, Jean Rouch, diplômé des ponts et chaussées, part pour la première fois sur ce continent. Lors de ce premier voyage, il rencontre le naturaliste Théodore Monod, qui dirige alors l'Institut français d'Afrique noire à Dakar, et découvre le fleuve Niger sur un vieux bateau à roue.
En se liant d'amitié avec des Africains, il assiste à un rituel de possession. Ecumant le Sénégal, le Mali, le Niger et le Ghana dans le cadre de missions d'études, il commence à se passionner pour l'ethnologie. Encouragé par Monod, il écrit des articles, prend des photos -quelques 20.000 clichés qui seront légués au Musée de l'Homme- et commence à tourner à la fin des années 40. Il filme "en amateur" la vie quotidienne des Africains, mais aussi des danses, des rites et des scènes de magie dont beaucoup ont aujourd'hui disparu.
Après quelques courts métrages, Jean Rouch tourne en 1955 "Les maîtres fous" sur les rites vaudou, un film qui choquera certains par ses scènes de possession. "C'était un choc total, personne n'avait jamais vu ça", explique le réalisateur Julien Donada, auteur avec Guillaume Casset de "L'inventaire de Jean Rouch" (1993), un documentaire dans lequel le cinéaste réagissait face à des objets.
Les cinéphiles découvriront le réalisateur avec "Moi un Noir" (1958), qui sort en salles après avoir reçu le prix Louis-Delluc, le "Goncourt" du cinéma, en 1959, l'année où Jean-Luc Godard sort "A bout de souffle".
Le même esprit anime les deux films, note Julien Donada: "Moi un Noir", qui se déroule à Abidjan, "c'est un type seul qui rêve, qui se prend pour James Dean, un loubard à la Belmondo". La façon de tourner est aussi la même, "sans trop de production, caméra à l'épaule avec des dialogues improvisés et une espèce de liberté de ton".
Jean Rouch tournera d'autres longs métrages en France ou en Afrique comme "La pyramide humaine" (1959), "Chronique d'un été" avec Edgar Morin (1960), dans lequel il interpelle les passants parisiens, et qu'il décrit lui-même comme du "cinéma vérité", et le fameux "Cocorico M. Poulet" (1974).
Jean Rouch filme avec une caméra 16mm, en noir et blanc, "comme on faisait des reportages à l'ORTF", puis il passe à la couleur. Ses images sont belles comme filmées "presque par hasard", souligne Julien Donada. Son oeuvre partagée entre l'ethnographie et la fiction -certains de ses films "africains" sont scénarisés, tout en laissant la part belle à l'improvisation- se distingue par son aspect expérimental, son innovation qui inspirera les cinéastes de la Nouvelle vague comme Jean-Luc Godard ou François Truffaut.
Jean Rouch tournera plus de 120 films sans jamais se départir d'un "regard d'enfant, étonné tout le temps", d'un côté "amateur". Il avait "une espèce de jeunesse totalement étonnante par rapport à son âge et l'expérience qu'il avait", souligne Julien Donada.
Directeur de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et fondateur du Comité du film ethnographique, Jean Rouch avait également présidé la Cinémathèque française de 1987 à 1991. Dans un communiqué, le directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC) a salué "la mémoire d'un cinéaste d'exception mais surtout d'un homme dont l'oeuvre et la vie furent dédiées à une seule cause, la nôtre, celle de l'humanité".
Son dernier combat l'avait vu dénoncer le démantèlement des collections du Musée de l'Homme, au profit du futur Musée des Arts premiers, qui doit ouvrir ses portes en 2006 quai Branly à Paris. "J'ai honte d'être français, j'ai honte d'appartenir à un pays où on brade la culture", s'était-il emporté. AP
Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...
Utilisateur(s) parcourant ce forum : conformistepote et 0 invité(s)