par Front Unique » 20 Déc 2006, 19:20
Informations Ouvrières N° 774- L'éditorial du 21 décembre
La gauche veut-elle vraiment battre la droite ?
On ne saurait douter que Ségolène Royal veuille être élue. Peut-on en conclure que la gauche veut, vraiment, battre la droite ?
Dans une interview accordée au Monde ce 19 décembre, François Hollande préconise :
- De maintenir les exonérations de cotisations à la Sécurité sociale pour les patrons, et même d’en rajouter. Il veut « moduler les cotisations sociales en fin de carrière » au prétexte que cela favoriserait l’emploi des seniors, et mettre en place « un nouveau mécanisme d’exonérations des cotisations sociales » pour favoriser « l’augmentation de la masse salariale ».
Comment le pillage de la Sécurité sociale — qui est, rappelons-le, du salaire différé rémunérant le travail au même titre que le salaire direct — peut-il augmenter la masse salariale ? Il y a là un vrai mystère ! Ce qui n’est pas mystérieux, en tout cas, c’est le résultat : depuis 1992, où elles ont débuté — en même temps que l’adoption du traité de Maastricht —, les exonérations, exigées par Bruxelles (1), ont détourné 170 milliards d’euros des caisses de la Sécurité sociale.
- De maintenir l’essentiel de la loi Fillon sur les retraites, et même de l’aggraver (2). Le taux de remplacement sera préservé à 75 % « pour les petites et moyennes retraites » (à partir de quel montant touche-t-on une « grosse retraite », selon Hollande ?). Quant aux régimes spéciaux de retraite, Hollande s’engage à les faire « évoluer », notamment « pour des personnes nouvellement embauchées ».
Résumons : tout le dispositif mis en place par Fillon, en application des directives européennes (3), restera en place : départ en retraite après 40, 41 ou 42 annuités, diminution des montants, et même promesse… d’« en rajouter » ! Quant aux régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF-GDF, mineurs, marins, clercs de notaire, Banque de France, etc.), dans le prolongement des mesures déjà prises par les gouvernements précédents en application des directives européennes (3), ils devront tous disparaître !
- Et en plus de créer « une sorte de CSG-retraite. Versée pour moitié par les salariés… » Donc, étendre et généraliser la fiscalisation de la protection sociale, conformément aux diktats de l’Union européenne.
Ainsi donc, dans un pays qui compte officiellement près de 7 millions de pauvres (en réalité bien plus), Hollande promet : moins de Sécurité sociale, moins de pouvoir d’achat, moins de retraites !
N’est-ce pas cela, la politique de la droite, c’est-à-dire du grand patronat, de la classe capitaliste, qui enfonce chaque jour davantage travailleurs et couches populaires dans la misère ?
Battre la droite… en appliquant sa politique ? C’est-à-dire la politique dictée par l’Union européenne et la Banque centrale européenne, qu’Hollande défend : « Avant de mettre en cause la BCE, il faut dénoncer la coupable, la négligence des gouvernements européens qui n’utilisent pas les compétences que les traités leur confèrent. »
Comme si — nous l’avons prouvé ici sur chacune des mesures annoncées par Hollande — les traités de Maastricht, Amsterdam, Nice donnaient aux gouvernements « d’autres compétences » qu’appliquer les directives antisociales et antidémocratiques, de misère et de chômage, rédigées par Bruxelles !
Faut-il s’étonner, dans ces conditions, que de larges secteurs de l’électorat ouvrier et populaire soient tentés par l’abstention ?
Il n’est qu’un moyen de battre la droite, pas seulement ses représentants officiels, mais sa politique : c’est de rompre avec l’Union européenne, ses plans, ses directives.
Telle est la question que, dans le théâtre d’ombres du « discours politique » officiel, chacun voudrait éviter.
Telle est la question que la candidature Schivardi met sur la place publique.
Daniel Gluckstein