de toute façon, il peut se passer pas mal de temps entre l'ingestion d'un produit possiblement cancérigéne (10/20 ans) et le fait de développer un cancer ! De toute façon, pour le moment, la relation entre ces pesticides et le taux extremement élevés de cancers de la prostate n'est pas établi
Voila une présentation du livre qui a fait "éclater le scandale"
("rfi" a écrit :En mars 2007, les Martiniquais Raphaël Confiant et Louis Boutrin avaient publié à l’Harmattan Chronique d’un empoisonnement annoncé. Le scandale du chlordécone aux Antilles françaises (1972-2002). Ce livre-enquête sur l’utilisation de ce pesticide très nocif, utilisé dans les bananeraies durant près de trente ans, avait permis aux auteurs de pousser un cri d’alarme et d’interpeller les candidats à la présidentielle ainsi que l’opinion publique.
Une substance toxique
De 1972 à 1993, un produit antiparasitaire de lutte contre le charançon du bananier et dont la matière active était le chlordécone, insecticide organochloré, a été utilisé par les producteurs de banane de Martinique et de Guadeloupe. Le chlordécone est une substance toxique, persistante, qui se dégrade difficilement et a tendance à s’accumuler dans les sols et les graisses.
Breveté en 1952 aux Etats-Unis, puis interdit 24 ans plus tard, le chlordécone est provisoirement autorisé sur le marché français par le ministère de l’agriculture dès 1972. Malgré la toxicité de l’insecticide et son action cancérogène, les autorités françaises l’autorisent sur le marché à partir de 1981. Dès lors, des centaines d’agriculteurs l’utilisent et contaminent sans le savoir les terres bananières, les rivières, les sources et, par extension, l’eau potable.
Empoisonnement
Selon Raphaël Confiant et Louis Boutrin, les autorités publiques connaissaient la toxicité du produit depuis les années soixante-dix mais n’avaient pas jugé utile d’en informer la population et les élus. Les prélèvements actuels montrent qu’il existe plus de 120 kg de pesticides par hectare et que 22 500 hectares en Martinique sont contaminés à 90 %.
Pourtant, dès 1977, le rapport Snégaroff, issu d’une mission de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) démontre la réalité de cette pollution et préconise un plan d’urgence. En 1980, le rapport Kermarrec soulignait quant à lui la bioaccumulation des organochlorés dans l’environnement.
Il relevait notamment l’accroissement de la concentration en perchlordécone dans la chaîne alimentaire, et attirait l’attention sur la nécessité d’effectuer des recherches sur une molécule voisine, le chlordécone.
Interdiction
Or, à l’époque, rien n’est fait pour mettre un terme à la commercialisation du produit, seulement interdit en 1993. En 1998, une mission interministérielle d’inspection relative à l’évaluation des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires en Guadeloupe et en Martinique est menée par MM. Balland, Mestre et Fagot, à la demande du ministre de l’agriculture et de la ministre de l’environnement.
La mission conclut à l’existence d’un « risque potentiel pour tous les compartiments du milieu et pour les utilisateurs, compte tenu [...] d’une possibilité d’exposition supérieure à ce qu’on peut trouver en métropole [et] des dangers particulièrement élevés, à la fois pour l’homme et l’environnement ». Mais là encore, pas un seul plan d’urgence n’est mis en place par les autorités.
Pire, les services sanitaires retrouvent, en 2003, plus de 9 tonnes de chlordécone stockées dans un hangar en Martinique.
Conséquences sur la santé
Pour Louis Boutrin et Raphaël Confiant, les conséquences sur l’environnement sont effectivement catastrophiques. Mais elles ne le sont pas moins pour la santé des Antillais. Les bananeraies contaminées se situent principalement au Sud de Basse-Terre en Guadeloupe et dans le Nord de la Martinique, deux zones qui sont en quelque sorte les châteaux d’eaux de ces régions. Or en Martinique par exemple, 91 % de l’eau potable provient des rivières et ces rivières trouvent leur source dans ces zones.
Selon des études internationales mentionnées par les auteurs, l’exposition au chlordécone peut provoquer des anomalies congénitales, des troubles immunitaires, des troubles de la reproduction, une perte de la fertilité, favoriser les maladies de Parkinson et d’Alzheimer ainsi que des cancers de la prostate.
Les départements des Antilles connaissent d’ailleurs une véritable explosion des cancers de la prostate depuis quelques années, soit 244 nouveaux cas par an pour la Martinique et 266 cas en Guadeloupe. Aujourd’hui, 50 % des cancers des hommes en Martinique concernent la prostate, ce qui représente le 2ème taux mondial après les Etats-Unis, par ailleurs premier consommateur de pesticides au monde.
Responsabilités
Dans leur enquête, les auteurs accusent l’Etat de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour résoudre la crise. Les « latifundistes békés », en l’occurence les propriétaires des grandes plantations de banane, y sont également désignés, à la fois comme les importateurs des produits phytosanitaires responsables de la contamination, de leur commercialisation et de leur mise sur le marché via l’administration locale.
En 2005, une mission d’information parlementaire, dirigée notamment par les députés Joël Beaugendre (Guadeloupe) et Philippe Edmond-Mariette (Martinique), a remis un Rapport sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne qui établit la découverte de la contamination par la Direction de la santé et du développement social (DSDS), en 1999. Une découverte tardive malgré les rapports scientifiques cités plus haut, qui concluent tous à la « présence significative de pesticides dans l’environnement ».
Réparations
Devant l’absence de réactions des autorités, Louis Boutrin et Raphaël Confiant évoquent une « véritable omerta ». Les auteurs demandent donc que les responsabilités soient clairement établies et que des enquêtes bactériologiques soient menées par des experts indépendants.
Ils préconisent également une décontamination des sols et l’indemnisation des agriculteurs. Aujourd’hui, ce travail d’enquête semble avoir porté ses fruits puisque la justice s’empare du dossier et devrait commencer à enquêter de son côté sur cette pollution des champs de banane malgré les ravages du cyclone Dean.