Finalement, ce topic essaie d'éclairer la vision matérialiste de l'histoire.
Bon. Pour te donner un exemple très concret pain grillé de l'influence de l'économie sur la société, je vais essayer de développer très vite les concept de fétichisme de la marchandise et de réification (=chosification, "res" en latin c'est la chose). En fait, tu seras surement d'accord avec moi que les marchandises ne tombent pas du ciel, qu'elles sont le produit d'un rapport social : les hommes travaillent dans des unités de production différentes, mais au final leur travail combiné fait naître une certaine masse de marchandises. De fait, les marchandises sont directement le résultat de l'activité humaine. Le problème, c'est que cette activité humaine est aliénée par le salariat, et l'appropriation privée du travail humain. Alors que la transformation de la nature par le travail est toujours une activité du genre humain, elle devient une activité oppressive pour le salarié, et celui-ci se trouve face à d'autres hommes et à des produits du travail humain qui le dominent. Cette division fondamentale crée ce que l'on appelle des "fétiches". Comme le produit du travail humain n'apparaît pas comme tel, comme un rapport entre tous les hommes, leur produit acquiert un caractère fétiche : la marchandise semble avoir une existence indépendante de l'être humain. Les hommes ont l'impression d'être mis en relation par des CHOSES alors que ces mêmes choses sont le produit de leur relation sociale dans l'activité productive. Le monde est totalement renversé dans le capitalisme.
Cette simple inversion qui prend ses racines dans le travail aliéné, le salariat, a des conséquences énormes. Comme les êtres humains deviennent des marchandises, des objets que l'on place à un endroit où à un autre de la chaîne de production rationalisée, ils perdent leur position de sujet conscient, tandis que les marchandises semblent avoir un pouvoir sur nous : le paradoxe de ce fétichisme est vraiment visible quand on sait que les chaussures de marque très chères, et très prisées, sont produites par des enfants vivant dans la misère. L'échange marchand voile complètement le rapport d'exploitation inhérent à la marchandise elle-même. Cela conduit à une fausse conscience. Une conscience "réifiée" comme dirait Lukacs : tous les rapports humains se transforment en choses autonomes, qui ont leurs propres lois, immuables et naturelles. L'exploitation salariale n'est plus un produit de l'histoire humaine, mais une réalité comme une autre, séparée de l'homme. Ce phénomène a lieu dans tous les domaines : la sexualité, l'organisation de la production, la propriété privée, la technologie, etc... Tous les domaines perdent la caractéristique essentielle, qui est le fait d'être un produit de l'histoire humaine, ce qui induit qu'elles n'ont ni début ni fin.
Ensuite, je suis bien d'accord avec toi Pain Grillé sur le fait que le rapport idéologie et structure économique-sociale ressemble au dilemme de la poule et de l'oeuf. Cependant, Marx y a répondu et avec brio dans les thèses sur Feuerbach. Marx montre que c'est dans la praxis (=pratique) révolutionnaire que l'homme se transforme réellement : il commence par lutter pour un objectif simple, mettons son salaire. Puis, dans la lutte, il apprend que l'on peut travailler collectivement, que ses collègues de travail sont de bons camarades, qu'ils peuvent fonctionner démocratiquement, que le patron a besoin d'eux...mais qu'ils n'ont pas nécessairement besoin de lui. Bon, je schématise, mais il faut le comprendre comme ça : l'individu change un peu ses conditions d'existence, les nouvelles conditions transforment sa mentalité, l'individu, à partir de là, rechange ses conditions d'existence, ces dernières le changent, etc... Tout ceci n'est pas spontané, il faut un parti qui donne un sens aux actions des travailleurs et des travailleuses, mais le parti n'est pas une élite éclairée qui va faire la révolution prolétarienne à la place des prolétaires.
a écrit :III
La doctrine matérialiste qui veut que les hommes soient des produits des circonstances et de l'éducation, que, par conséquent, des hommes transformés soient des produits d'autres circonstances et d'une éducation modifiée [1], oublie que ce sont précisément les hommes qui transforment les circonstances et que l'éducateur a lui-même besoin d'être éduqué. C'est pourquoi elle tend inévitablement à diviser la société en deux parties dont l'une est au-dessus de la société (par exemple chez Robert Owen [2]).
La coïncidence du changement des circonstances et de l'activité humaine ou auto-changement ne peut être considérée et comprise rationnellement qu'en tant que pratique révolutionnaire.
Thèses sur Feuerbach de Karl Marx