a écrit :Ouest France 15 novembre 2007 : (journal de droite)
Sur la voie d'un compromis
Bien malin, évidemment qui peut prédire la fin du conflit enclenché contre la réforme des régimes spéciaux. Les trains de la grève, on sait toujours quand il démarrent à la SNCF, jamais vraiment quand ils s'arrêtent. Pour une raison évidente entre toutes, à savoir que Sud - Un syndicat radical bien implanté- ne met, à priori, aucun frein réformiste à sa démarche revendicative. Ce qui limite, certes, sa crédibilité, mais pas son pouvoir d'entrave et de blocage de l'entreprise.
Il n'empêche. Les feux oranges ont plutôt tendance à virer au vert, les signaux de détente à prendre le dessus sur ceux de la crispation. Le reflux de la mobilisation par rapport au 18 octobre dernier n'en est que l'illustration la plus tangible. pas forcément la plus déterminante.
Paradoxalement, le véritable évènement de ces dernières 48 heures, ce n'est pas le lancement quasi inévitable d'une grève qui reste fortement perturbatrice, mais la montée en ligne de la CGT au front de la négociation d'entreprise. Le terminus du compromis est encore semé d'embuches, mais en proposant de discuter régime spécial par régime spéciale, Bernard Thibault a fait un geste hautement significatif pour débloquer la situation, et ouvrir la voie à une sortie de conflit assez rapide. En entrainant utilement dans son sillage les syndicats modérés qui n'attendaient sans doute, que la bonne occasion pour abandonner une ligne contestataire plus subie que choisie.
A partir du moment ou le syndicat leader montre la voie, c'est plus facile pour les autres de suivre sans risquer un procès en réformiste suspect...
A vrai dire la position de la CGT n'est pas une vraie surprise. Depuis le début des hostilités, ellle a le pied sur le frein. Après avoir opté pour un discours syndical des plus modérés, pris soin de ne pas dénoncer frontale ment la réforme et mis en avant des revendications plus globales - notamment le pouvoir d'achat - la confédération n'a cessée de poursuivre une forme d'aggiornamento "réformiste". Elle a tout particulièrement récusé, avec une netteté inédite, l'éventualité de troubles convergence avec le mouvement étudiant. Elle l'a renvoyé sans ménagement dans ses campus, prié, en tout cas de dégager la voie des cheminots.
Privés de relais politiques crédibles et soucieux d'éviter l'instrumentalisation par l'extrême gauche, coupés de l'opinion et conscients de la fragilité du rapport de force, les dirigeants de la CGT n'ont apparemment pas envie de partir à l'aventure dans un conflit long aléatoire, incontrôlable. Tirant la leçon de l'échec contre la réforme Fillon des retraites, en 2003, ils veulent au contraire capitaliser sur un mouvement bien métrisé et efficace. Montrer si possible avec la complicité objective du ministre du Travail, qu'ils sont à la fois les vrais patrons syndicaux des transports publics et une organisation préoccupée de l'intérêt général. Adeptes d'un syndicalisme généraliste et ouvert pas seulement catégoriel et branché secteur public. Exigeants, mais responsable.
Bernard Thibault a mené les fameuses grèves de 1995, il connait donc mieux que personne les arcannes d'une entreprise SNCF qui a largement renouvelé ses effectifs depuis. On peut penser qu'en vieux renard syndical, il n'avance pas en découvert, ni coté gouvernement ni coté salariés. Il reste cependant à vérifier que le premier est prêt à lui accorder les contreparties tangibles nécessaires pour faire passer la pilule des 40 annuités. Et que les seconds partagent sa vision de la sortie de conflit. bref, que les jambes militantes suivent bien les têtes dirigeantes. C'est vrai à la CGT, comme dans les autres syndicats d'ailleurs.
Paul BUREL. :huh1: