(jeug @ dimanche 16 décembre 2007 à 16:40 a écrit : Que se passerait-il si un pouvoir en place (droite ou gauche), quelqu’en soit la raison, faisait voter une loi à l’encontre de l’intérêt de la classe dominante ?
C'est un poil plus complexe. Il y a les interets immédiats de la bourgeoisie et il y a ses interets à plus long terme. Et il y a aussi différentes catégories de la bourgeoisie qui peuvent avoir des interets contradictoires, meme si toutes se retrouvent contre la classe ouvrière.
Un gouvernement bourgeois, avec un appareil d'Etat bourgeois, peut donc, dans certaines circonstances prendre des mesures qui nuisent à l'interet immédiat de la bourgeoisie ou d'une partie importante de la bourgeoisie. Par exemple les 40 heures, les congés payés et les augmentation de salaires et 36, ou les fameux acquis sociaux de la Libération (Sécu, Comités d'entreprises etc), mesures adoptées par De Gaulle.
Soit une partie importante de la bourgeoisie et de la classe politique est consciente que des concessions provisoires permettent d'assurer la paix sociale et d'éviter le pire, soit un pouvoir fort - genre De Gaulle) parvient à échapper à la pression immédiate de la bourgeoisie et à lui imposer des concessions, en s'appuyant plus ou moins sur la classe ouvrière. (C'est ce que Marx définissait comme le "Bonapartisme", un jeu d'équilibre entre les classes.) Ce fut le cas de Peron, peut-etre celui de Chavez etc.
Mais bien entendu, aucun gouvernement, dans le cadre du système, ne peut prendre des mesures allant complètement à l'encontre des interets de la bourgeoisie, par exemple l'expropriation générale de la bourgeoisie au profit des classes pauvres, et surtout des mesures allant dans le sens de l'affaiblissement de l'Etat bourgeois, telles que le désarmement de l'armée et de la police, pour armer les travailleurs. Et aucun n'a jamais tenté d'en prendre.
Ce qui a été reproché à Allende par la bourgeoisie chilienne, ce n'est pas d'avoir pris des mesures innaceptables pour elle, c'est surtout son incapacité à maintenir l'ordre social et à calmer les travailleurs, en dépit de tous ses efforts. Car, en période de mobilisation ouvrière et populaire, le jeu d'équilibre est évidemment délicat à mener.
Sinon, sans aller jusqu'au putsch, la bourgeoisie dispose d'innombrables moyens et relais pour empêcher l'adoption d'une loi qui la dérange : lobbies de députés et sénateurs, conseil constitutionnel, Cour suprème aux Etats-unis etc. Les constitutions bourgeoises sont étudiées pour cela : éviter qu'un gouvernement un peu audacieux prenne des mesures gênantes - cas pourtant improbable.
Le coup d'Etat à la Pinochet, c'est vraiment en dernier ressort. D'autant que, en Amérique latine, la situation est encore plus compliquée : Pinochet agissait non seulement pour le compte de la bourgeoisie chilienne, mais pour celui de l'impérialisme américain qui a financé et encadré le coup d'Etat.