a écrit :Réponse de la LCR à LO
Montreuil, le 22 février 2008
Cher(e)s camarades,
Sans doute ne manquerez-vous pas de vous étonner d’une réponse aussi rapide de notre part à votre courrier du 14 février mais votre orientation politique sur la question des municipales, la crise politique, les luttes actuelles nous semblent justifier une réelle discussion entre nos deux organisations. Les enjeux sont d’importance. Notre lettre précédente n’avait pas d’autre objectif que de vous rappeler notre disponibilité pour constituer, avec vous, des listes unitaires, ouvertes, pour les municipales. Vous confirmez votre refus déjà confirmé dans les faits, et par vos nouvelles alliances, en invoquant un seul et unique argument : « nous ne voulons ni participer ni paraître associés à la construction du parti que vous envisagez ni cautionner les bases sur lesquelles vous voulez le construire ». Vous consacrez deux pages à des citations pour prouver que nous associons « la construction » de nos listes et notre « campagne avec le projet de construction de ce parti ». Nul besoin de faire tant de citations, nous en convenons. Bien évidemment, la LCR défend son orientation y compris pendant la campagne des municipales. Est-ce à dire que nos partenaires, car plus de la moitié de nos listes sont des listes unitaires, cautionnent, approuvent ou appuient la démarche définie dans les thèses de notre congrès ? Non, bien évidemment. Nous avons toujours expliqué que nous ne faisions pas de la question du nouveau parti une condition pour des listes unitaires. Par contre, nos partenaires ne nous demandent pas de taire nos positions. Nous avons fait accord aux municipales sur la base d’une plate-forme politique dans le respect des divergences. C’est un débat ouvert, public. Si vous aviez fait des listes unitaires avec nous, vous auriez eu la pleine liberté et possibilité, est-il besoin de le dire, de défendre la conception du parti qui est la vôtre. L’unité entre nous, une unité ouverte sur les autres courants politiques locaux et nationaux, se situant en rupture et en totale indépendance avec le parti socialiste et la politique d’union de la gauche, ne vous aurait nullement associés à une orientation que vous ne partagez pas, à condition bien sûr que vous acceptiez le débat démocratique et public. Nous pouvions unir nos forces dans le respect des différences. A notre sens, votre participation à des listes d’union de la gauche dans le cadre d’un front électoral va à l’encontre des nécessités et possibilités du moment. Pour ne pas « cautionner » notre politique vous préférez « cautionner » celle du PS ou du PC ! D’ailleurs, dans les trop rares cas où vous avez fait des listes avec nous, pensez-vous avoir plus servi de point d’appui à notre orientation qu’à la vôtre ? Avec le PC, comme à Vigneux, ou avec des militants du PC, comme à Alfortville, ces listes sont-elles uniquement « un point d’appui pour que naisse, enfin, la force anticapitaliste dont le monde du travail a tant besoin » pour reprendre une des citations que vous faites ? Vous ont-elles empêché de défendre votre propre orientation ? Comment ne pas évoquer le sectarisme à propos de votre attitude quand on lit vos arguments qui définissent nos divergences sur la question du parti. « Vous ne renoncez pas seulement à vous réclamer d’un nom, vous renoncez aussi à toutes les analyses, à toutes les positions que Trotski a pu faire et prendre entre 1924 et 1940 », écrivez vous après nous avoir reproché de renoncer aussi à Marx, Lénine…Votre profession de foi d’orthodoxie a quelque chose de dérisoire quand on sait toutes les interprétations voire les caricatures auxquelles la pensée des révolutionnaires a donné lieu. Non seulement nous ne renonçons à rien mais nous avons même l’ambition de repenser l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier et révolutionnaire à la lumière de nos tâches nouvelles, de l’évolution du capitalisme, des luttes de classes. Vous le dites vous mêmes, le trotskisme a donné lieu à bien des interprétations. Peut-être serait-il d’ailleurs utile de relire la critique de Trostky des fronts électoraux avec les réformistes ce qui sûrement nourrirait votre réflexion sur vos alliances avec un parti qui a renoncé à être réformiste, ou plutôt qui est devenu un parti des réformes libérales. Revenant sur vos divergences avec nous à propos du parti, Arlette Laguiller déclarait sur France 2, après s’être félicitée des 60 listes d’union de la gauche auxquelles vous participez : « A mon avis ce sera un parti réformiste radical qui pourra sans doute jouer un rôle. Tant mieux et je regarde ça avec sympathie mais ce n’est pas le type de parti que l’on veut construire". C’est une opinion mais qui n’est guère conforme à ce que notre congrès a décidé. Vu le nombre de citations que vous faites de nos propres textes, vous n’êtes pas sans avoir lu l’adresse adoptée très largement par notre congrès. Mais peut-être vous a-t-elle échappé ? Il y est dit clairement : « Nous sommes nombreuses et nombreux à vouloir cet outil : un parti utile aux mobilisations d’aujourd’hui. Un parti pour préparer un changement radical, révolutionnaire de la société c’est-à-dire la fin du capitalisme, de la propriété privée des principaux moyens de production, du pillage de la planète et de la destruction de la nature ». Bien sûr, ce ne sont que des écrits qui, par eux-mêmes, ne peuvent suffire... Certes, mais, camarades, cette polémique publique qui caricature notre politique n’est pas très... sympathique ? Et comment ne pas évoquer l’opportunisme quand on lit vos arguments pour justifier que vous militiez pour des listes d’union de la gauche. « Vous nous reprochez, écrivez-vous, d’accepter de participer, dès le premier tour des municipales, à des listes composées par le PC, ou le PC et le PS ».La question n’est pas que vous acceptiez mais que vous militiez pour des listes d’union de la gauche en regrettant la division, que vous repreniez à votre compte la politique du PC regrettant les divisions de la gauche institutionnelle et gouvernementale. Cette politique vous conduit, parfois, à voter le budget ce que jusqu’alors vous ne faisiez pas. Et il semble que, dans bien des cas, vous souteniez le candidat du PC aux cantonales. Nous ne pouvons que nous étonner que vous ne compreniez pas la différence entre militer pour des listes d’union de la gauche au premier tour et envisager des « accords techniques » au second tour, ou d’envisager d’appeler à voter, toujours au deuxième tour, pour des listes de gauche contre la droite. Nous ne vous accuserons pas « d’hypocrisie », nous vous laissons cet étrange plaisir qui consiste à déplacer le débat politique sur le terrain de la morale, mais pour le moins d’aveuglement. Ce que nous vous reprochons, et surtout que nous regrettons, c’est que vous ayez fait le choix de soutenir une politique qui n’est pas la vôtre, qui n’est pas celle des travailleurs pour, parallèlement, diviser notre camp. Par delà les raisonnements des uns et des autres, il y a les faits politiques, qui, comme chacun sait, sont têtus. Vous tentez de banaliser votre virage politique, alors que vos nouveaux partenaires eux-mêmes en notent l’importance. Pour notre part, il nous inquiète. Ce que vous présentiez au début comme simplement tactique est devenu un axe politique, militer pour des listes d’union de la gauche. Il nous faudra poursuivre la discussion, confronter nos politiques, nos analyses, faire les bilans à l’issue de cette importante séquence que représentent les élections municipales. Cela pourrait être l’occasion d’une nouvelle rencontre. C’est la proposition, qu’en conclusion, nous vous faisons.
Avec nos salutations révolutionnaires
Le bureau politique de la LCR