Lutte de classes en Bolivie

Dans le monde...

Message par artza » 15 Fév 2009, 09:09

(Crockette @ samedi 14 février 2009 à 20:03 a écrit :



jamais un indien depuis 1830 n'vait été au pouvoir en Bolivie. :dry:

Un indien président de la Bolivie!

Un métis afro-américain président des Etats-Unis!

Un 1/2 hongrois et 1/4 juif de Salonique est président de la république française!

On vit une époque formidable.

Dans ce domaine aussi les révolutions furent de sacrés précurseurs .

La révolution française permit l'ascension d'un petit officier corse et la révolution russe permit l'usurpation du pouvoir à un ancien séminariste géorgien fils de cordonnier. :w00t:
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Message par Matrok » 15 Fév 2009, 12:20

(artza @ dimanche 15 février 2009 à 08:09 a écrit :La révolution française permit l'ascension d'un petit officier corse

:whistling_notes: C'était pas spécialement un petit officier (sinon physiquement), et il était issu de la noblesse d'origine Génoise, celle-là même contre laquelle les Corses s'étaient soulevés un demi siècle plus tôt...

a écrit : et la révolution russe permit l'usurpation du pouvoir à un ancien séminariste géorgien fils de cordonnier. :w00t:

Alors là, par contre je ne me permettrais pas de nier cette preuve indéniable de l'immense progrès apporté par la révolution ! :248:
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Message par Vérié » 15 Fév 2009, 17:59

a écrit :
mais un autre indien (ou plutot incas je crois) qui avait passé déjà 5 ans en prison était aussi un leader de la révolte et indirectement concurrent de Morales...qui lui est apparu bcp plus consensuel vis vis des exploiteurs blancs...
peut être grace à cela il est mieux passé ds les urnes.

qui était ce gars ? j'ai pas pu entendre son nom..


Il s'agit de Felipe Quispe, ex guérilléro du MRTK (Mouvement révolutionnaire Tupac Katari), et diirigeant de la CSUTCB, confédération syndicale paysanne indigéniste, qui a scissionné en deux parties : une pro-Morales, une toujours dirigée par Quispe.

Quispe est aymara, l'ethnie indienne majoritaire en Bolivie. La seconde ethnie (par son importance numérique) est l'ethnie quechua, majoritaire au Pérou, donc l'ethnie des Incas. (Mais les Incas dominaient la Bolivie, après avoir vaincu les Aymaras, aussi appelés Collas.)

Quispe n'est donc pas "Inca", mais se revendique de la partie bolivienne de l'empire inca : le collasuyu. Il voulait d'ailleurs que la Bolivie adopte ce nom... (L'empire des Aymaras était antérieur à celui des Incas, et plus avancé sur le plan technologique, semble-t-il. Les Boliviens nationalistes en sont donc très fiers... A l'inverse des Péruviens nationalistes. La connerie nationaliste va se nicher jusque dans l'histoire pré-hispanique...)

Quant à Morales, il n'est ni Aymara, ni Quechua, mais métis. (Ce dont on se fout royalement évidemment, mais pas Quispe...) Morales ne parle ni quechua ni aymara, ce que lui reproche Quispe. Ces langues sont encore parlées en Bolivie par une bonne partie de la population. Dans certains villages, les gens parlent à peine ou pas espagnol.

Il y a donc eu surenchère de démagogie indigéniste entre Morales et Quispe. Mais Morales a réussi à avoir l'appui d'autres forces sociales regroupées dans le MAS : coopératives, artisans, PME, syndicats et associations diverses, cocaleros etc. C'est pourquoi Quispe n'a eu que 5 % des voix.

La propagande sur le symbole représenté par Morales vise à substituer la lutte
Indiens contre Blancs à la lutte de classes, alors que la tradition de la Bolivie était depuis longtemps la lutte de classe, avec pour fer de lance les mineurs.

L'indigénisme, qui plait beaucoup aux tiers-alter-mondialistes (1) doit donc être dénoncé pour ce qu'il est : de la pure démagogie. Morales a beau assister à des fêtes en costumes traditionnels et faire des sacrifices de lama (filmés pour la TV) dans son palais, concrétement, il refuse une vraie réforme agraire et s'opppose aux paysans sans terre.
__
Notamment à Hervé Do Alto, correspondant de Rouge et du Monde Diplomatique
en Bolivie.
Vérié
 
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Message par artza » 15 Fév 2009, 22:17

(Vérié @ dimanche 15 février 2009 à 17:59 a écrit :

L'indigénisme, qui plait beaucoup aux tiers-alter-mondialistes (1) doit donc être dénoncé pour ce qu'il est : de la pure démagogie. __
Notamment à Hervé Do Alto, correspondant de Rouge et du Monde Diplomatique
en Bolivie.
Pour ce qui concerne les alter-tiers-mondi(al)istes, je veux bien te suivre.

Mais, est-ce que ça suffit à faire le tour de la question?

Je crois qu'il existe un mépris voir un racisme vis-à-vis des indiens.

Les paysans sans-terres ce sont des indiens? Ou est-ce plus mélangé que ça?

Et les mineurs, quelle langue parlent-ils?

Dans le passé le PC, les trotskystes ont-ils dit des choses particulières à ce propos?

Merci pour tes réponses.
artza
 
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Message par Vérié » 16 Fév 2009, 08:33

Il existe bien entendu un racisme envers les Indiens, en particulier dans les régions riches de l'Oriente où sévissent divers groupes fascistes.

Pour donner une idée de ce racisme, dans les années soixante-soixante-dix, un Indien (ou assimilé) devait laisser sa place à un Blanc dans le bus à La Paz !

Autre exemple, dans les années soixante-dix/quatre-vingt, les fachos et certains militaires avaient conçu un plan dément pour "blanchir" la Bolivie en stérilisant les femmes indiennes et en faisant venir des colons de Rhodésie, d'Afrique du Sud et d'autres pays...

Les paysans sans terre sont en majorité des Indiens des diverses ethnies : Aymaras, Quechuas, mais aussi Guaranis etc. Les proportions "officielles" sont
50 % d'Indiens, 30 % de métis. La société bolivienne est très hiérachisée : la très grande bourgeoisie est blanche et descend directement des conquistadors. Parmi les travailleurs, par exemple dans les mines, les petits chefs et travailleurs qualifiés sont généralement métis, les peones (manoeuvres) sont indiens, notamment les enfants qui triment parfois à partir de 8-10 ans.

Les traditions culturelles indiennes, sur lesquelles s'appuient les indigénistes, sont très fortes : cérémonies coutumières, religions, médecines (il y a des "hôpitaux traditionnels" où on soigne avec des plantes etc). Certaines tribus se revendiquent aussi d'un droit de propriété coutumier sur des terres accaparées par des latifundiaires, ou des terres riches en minerais et hydrocarbures.

A ma connaissance, la COB, comme les trotskystes et le PC bolivien, ont toujours dénoncé le racisme, mais mis en avant la question de classe et non la question "de race". C'est d'ailleurs ce que leur reprochent les Indigénistes (dont fut Garcia Lienea vice-président, ex guérillero lui aussi du MRTK). En gros, leur discours, relayé par divers intellectuels, c'est :"La lutte de classe, c'est ringard. Ca pouvait encore se comprendre à l'époque où les mineurs étaient des centaines de milliers et pouvaient faire la révolution, mais maintenant il n'y a plus de classe ouvrière en Bolivie. La COB est une coquille vide. Ceux qui peuvent changer les choses, ce sont les Indiens." Ce discours est non seulement "nationaliste-indigéniste", mais il est faux : si les effectifs des mineurs ont en effet fondu, d'une part leur rôle reste important, d'autre part il y a bel et bien un prolétariat et même une classe ouvrière en Bolivie, en particulier à El Alto, la plus forte concentration prolétarienne du pays, avec des usines dont certaines emploient 3000 personnes, des syndicats et des associations de quartiers puissantes. Comme ce prolétariat est venu souvent récemment de la campagne, il est sensible lui aussi au discours indigéniste, les gens gardent des liens avec leur région d'origine. Morales et les indigénistes jouent beaucoup là-dessus.

Conclusion : le racisme et la dignité indienne sont sans aucun doute des éléments à prendre en compte, mais les Indigénistes sont de dangereux ennemis du prolétariat. Aujourd'hui, dans la presse du POR MASAS et de la LOR CI, on trouve une dénonciation systématique du racisme, mais les problèmes sont toujours posés en termes de classes.

Le projet des indigénistes est "interclassiste", puisque c'est l'"indianité" qui compte : patrons et ouvriers indiens et/ou métis doivent s'unir. C'est ainsi que Garcia Linéa, vice-président de Morales, affirme ouvertement vouloir développer le "capitalisme andin".

Il y a diverses catégories d'Indigénistes. Quispe par exemple critique Morales parce qu'il est métis et se dit fier de sa pure indianité. Il est difficile de savoir quel impact a son discours, mais il n'a pas empêché que la moitié environ de son syndicat paysan se rallie tout de même à Morales (qui a l'avantage d'avoir le pouvoir, donc d'attribbuer postes et prébendes auxquels les Indigénistes ne sont pas plus insensibles que les autres. (Victor Hugo Cardenas, lui aussi ex du MRTK) avait accepté le poste de Vice Président (potiche) de Sanchez de Lozada, qui fut chassé honteusement par la révolte populaire...

J'ai eu l'occasion de discuter avec un prof d'université, qui compte parmi les théoriciens des Indigénistes. Son projet était de revenir à l'Empire aymara d'avant les Incas avec une sorte de socialisme étatique s'appuyant sur les communautés paysannes, un peu dans le genre des SR russes. Ca parait assez barge, vu d'ici, mais il se prenait très au sérieux et trouvait des étudiants pour l'écouter et l'apporuver..
Vérié
 
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Message par Crockette » 17 Fév 2009, 12:45

en tous cas t'en connait un rayon c'est vachement interessant, moi qui croyait que Morales était "internationaliste socialiste" du fait qu'il participe à un contre pouvoir avec le Venezuela, l'équateur et Cuba en développant une zone d'échange économique voir une monnaie à contre courant des USA...

bon eh bien c'est sur que les travailleurs ne seront pas encore les gagnants.

conclusion : quel est le meilleur allié du capitalisme ?
non pas l'argent mais la connerie nationaliste et chauviniste, concept qui n'existait meme pas au 18ème siècle, ça sert bien à endormir les masses et surtout à se tirer ds les pattes.

les nationalismes c'est un peu aux travailleurs du monde entier ce que sont les entretiens individuels d'évaluation pour les salariés des entreprises : divisez vous et cassez voius du sucre sur le dos les uns avec les autres !!! :dry:

double conclusion : la petite masse des exploiteurs (avec leur cortège de petits chef) est pour l'instant plus intelligente et plus stratégique que la masse des exploités, triste de dire cela.
Crockette
 

Message par jeug » 17 Fév 2009, 12:56

Oui, effectivement, merci à Vérié d'alimenter ce fil de manière si détaillé.
jeug
 
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Message par Vérié » 18 Fév 2009, 15:13

RENCONTRE MORALES SARKO

Toute la presse bolivienne se félicite de la rencontre à Paris de MOrales et Sarko (mardi) et affirme que Sarko apporte tout son appui à Morales.

Sarkozy a présenté à Morales son pote Bolloré. Objectif de la rencontre : essayer d'obtenir pour Bolloré l'exploitation des gisements de minerai de lithium qui viennent d'être découverts dans la région (misérable) d'Uyuni. Gisements très convoités, en particulier par des compagnies nord américaines.

Sarko a promis à Morales :
-La création d'une école de fonctionnaires sur le modèle français à La Paz (on ne précise pas si la formation de policiers fait partie du deal...)
-L'ouverture de crédits pour l'achat de matériels civils et militaires dont des hélicos.

Sarko se rendra en Bolivie prochainement.

Cette visite vient après celle de Morales à Poutine qui lui a aussi vendu des hélicos et d'autres matériels.
___
Sinon :
-Arrestations de collaborateurs de Ramirez, le président ripou de l'YFPB
-Affrontements entre mineurs et municipaux à la Joya (région d'Oruro). Les mineurs exigent que soit tenue la promesse de l'Etat de les salarier en CDI. Réponse du gouvernement : cette intégration se fera "petit à petit". Des forces de la police militaire occupent la Joya.
___
Sarko serait-il gagné par l'indigénisme ?


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Message par com_71 » 24 Fév 2009, 11:53

(artza @ dimanche 15 février 2009 à 22:17 a écrit :
Dans le passé le PC, les trotskystes ont-ils dit des choses particulières à ce propos?


Il traîne sur le net un texte à ce sujet, que je ne renonce pas à retrouver, d'un fondateur du trotskysme sud-américain. Gainsborg ? Justo ?

Il y a aussi des articles de H.Blanco (avant son tournant "indigéniste") dans IVe Internationale.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par pelon » 24 Fév 2009, 12:13

La référence a longtemps été "Sept essais d'interprétation de la réalité péruvienne", écrit dans les années 20, de Mariategui qui décrit, d'un point de vue marxiste, la réalité économique et sociale du Pérou (mais une partie de l'analyse vaut pour d'autres régions de l'Amérique latine comme la Bolivie). Un des 7 essais traite du problème indien.

http://www.marxists.org/francais/mariategu...ategui_1928.htm
pelon
 
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