(El convidado de piedra @ mercredi 25 mars 2009 à 12:36 a écrit : En fait, pour moi, toute cette histoire se ressemble à celle du type qui perdait ses cheveux.
A quel moment il est "dégarni" ou " abondant" et à quel moment il passe à "chauve" oblige à une observation constante.
Cette comparaison est souvent utilisée. Le problème, c'est qu'en principe (marxiste-léniniste) un Etat ne change pas de nature progressivement sans qu'on s'en s'aperçoive.
L'Etat bourgeois doit être détruit par le prolétariat, de même a priori que l'Etat ouvrier par la bourgeoisie. Et (toujours en principe marxiste-léniniste) sans faire preuve de dogmatisme, l'Etat ouvrier, c'est la classe ouvrière organisée sur le modèle de la Commune de Paris. Ce qui n'a existé que quelques années en URSS, où l'Etat ouvrier n'a pas été détruit par la bureaucratie ou la bourgeoisie, mais s'est effondré jusqu'à ce que ne reste plus en place qu'un appareil d'Etat traditionnel, même si ses dirigeants continuaient à se revendiquer du communisme.
Ni en 1991, ni en 1928 l'Etat n'a été détruit brutalement. Et encore moins en 1956 avec Khroutchev. Mais je pense qu'on peut situer le saut qualitatif en 1928, car la bureaucratie s'affirme alors comme une "classe pour soi", avec son programme "le socialisme dans un seul pays", les plans quinquennaux etc. Jusqu'alors, le pouvoir restait encore entre les mains d'un parti préconisant et agissant pour la révolution internationale. Bien entendu, le choix de cette date - 1928 -est un peu arbitraire, c'est un choix "intellectuel", "conceptuel", puisque le saut qualitatif n'est pas aussi évident que pour l'écrasement de la Commune de Paris. La contre-révolution stalinienne va se poursuivre dans les années trente, avec une rare violence. C'est la période la plus sanglante de l'histoire de l'URSS, à part la guerre civile.
Pour ceux qui attribuent un caractère de classe à la planification, évidemment, le saut qualitatif "final" est en 1991. La position de LO (la contre-révolution n'est pas terminée) n'est pas défendable. Et LO ne se risque plus guère sur le terrain de l'analyse théorique de l'Etat, en faisant référence aux principes marxistes-léninistes...
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Mais cette discussion ne portait pas sur la nature de l'URSS mais sur le bilan de son économie. Tu remarques que l'économie commence à stagner, puis à régresser après la mort de Staline. Et cela te convient car, de toute évidence, tu reste influencé par les thèses maosites qui voient en Khroutchev un contre-révolutionnaire, restaurateur du capitalisme etc. (Tout cela en réalité parce que la Chine avait rompu avec l'URSS...)
Mais les raisons de cette baisse de régime de l'économie de l'URSS ne sont pas liées au fait que le régime de Khroutchev aurait été moins "communiste" que celui de Staline. Les raisons de fond de la crise qui va culminer dans les années quatre-vingt sont :
-Le passage du développement extensif au développement intensif. Il ne suffit plus de mettre davantage de gens au travail et de construire de nouvelles usines dont la production est médiocre, voire inutilisable, pour augmenter la production globale.
-La terreur n'est efficace que pour la réalisation de taches relativement simples. Les perspectives de promotion sociale se réduisent du fait de l'arrêt du développement extensif qui donnait des places d'ouvriers aux paysans et des places de petits bureaucrates à une partie des ouvriers etc. (Mais, dans la période extensive, la planification est indissociable de la terreur. Elle ne peut être effiace sans la terreur dans une société comme celle de l'URSS de 1930, même si la terreur n'est pas le seul moyen, car s'il y a le baton, il y a aussi la carotte : travail aux pièces, promotions, privilèges etc.
-Le régime perd peu à peu de l'autorité comme toute dictature vieillisannte et pourrit sur pied à partir des années 70.
En 1990, la situation de l'économie et des travailleurs est si désastreuse que personne ne lévera le petit doigt pour défendre le régime. Il faut donc croire que les travailleurs n'ont pas estimé qu'il y avait des acquis à défendre. Car, dans tous les pays du monde sans exception, quand on leur retire leurs acquis, les travailleurs réagissent avec plus ou moins de vigueur, comme par exemple les salariés de la SNCF contre la réforme des retraites, ou les mineurs anglais contre Thatcher etc. Les travailleurs russes qui ne sont pas plus stupides que les autres, malgré la vodka, ne sont donc même pas sentis aussi concernés en 1991 que les cheminots français en 2007 ou les mineurs anglais dans les années 70.
D'ailleurs, aujourd'hui, aucune organisation, même petite, ne préconise de revenir à l'ancien régime, sauf peut-être le parti national-bolchevik de Limonov. :33: , en dépit de la dégradation des conditions de vie d'une partie de la population.