L'édito de cette semaine de
L'Etincelle (ex-Fraction) traite en gros le même thème.
a écrit :
De la contagion dans l’air
Une fois n’est pas coutume, il y a comme un petit air d’anxiété du côté patronal. Pas vraiment d’inquiétude pour leurs profits, stock-options, paradis fiscaux et autres parachutes dorés. Mais à force d’aligner les plans de licenciements, certains d’entre eux ont fait connaissance de plus près avec les futurs licenciés.
Cela a commencé il y a une quinzaine de jours avec le PDG du groupe Pinault-Printemps-Redoute. Un gros poisson, assis sur fortune de 7,6 milliards. Les salariés de la FNAC et de Conforama, en bataille contre 1 200 licenciements, l’ont coincé dans sa voiture une heure durant et il a dû supporter le slogan « Pinault sale escroc, la crise elle a bon dos », jusqu’à ce qu’une intervention policière vienne le tirer de cette mauvaise passe. Puis ont suivi des “séquestrations”, plus exactement des retenues de quelques heures sur site, de directeurs d’usines ou de cadres sup’ que les travailleurs avaient sous la main. Chez Scapa (dans l’Ain), une poignée de cadres ont dû passer la nuit à l’usine. Il y a eu aussi Sony (Landes), 3M (Loiret), Caterpillar (Isère)… Sans compter les œufs reçus par le patron de Continental. Ou Faurecia, dans l’Essonne, où trois cadres ont été retenus cinq heures pour une discussion un peu serrée. Bref, ces messieurs ont dû faire quelques heures sups non payées ou renoncer à passer la nuit en famille, ni plus ni moins que le quotidien de bon nombre de salariés ! Certains ont même un peu cédé sur le nombre de licenciements annoncés et de meilleures indemnités de départ.
En fait, les patrons « séquestrés » s’en sont tirés avec tout au plus une petite frousse, juste de quoi payer gentiment, une fois dans leur vie, leur dévouement à appliquer les pires décisions des actionnaires. Ils ont été soumis à une petite contrainte, sans aucune mesure avec la violence quotidienne de l’exploitation et la violence cynique des plans de licenciements.
Sans commune mesure non plus avec la violence de l’enrichissement d’une infime minorité au détriment de la majorité. Car la rage des riches à s’enrichir, en temps de crise, n’a pas disparu : ils voudraient avoir le plus de milliards possibles à jeter dans l’arène si jamais une reprise économique s’annonce. En 2009, sur les 40 entreprises françaises les plus importantes (donc cotées au CAC40), seules trois d’entre elles ne comptent pas verser de dividendes à leurs actionnaires.
Mais à force, trop c’est trop. Voilà que les salariés demandent des comptes à ces gens-là. Et ce qui leur fiche la trouille, à tous ces patrons et leurs commanditaires, ce n’est pas tant les quelques heures de retenue à la boîte, ni même les lancers d’œufs, mais la contagion de la colère, surtout dans un contexte où la population approuve la réaction des salariés. Il a suffi de voir, ce week-end, la popularité des gars de Continental défilant en vélo devant le peloton de Paris-Roubaix lors de la traversée de Compiègne.
Quant à Sarkozy, il n’a pu résister à une nouvelle boulette en prétendant qu’il ne « laisserait pas faire » face à la vague de séquestrations. Sa déclaration n’a fait que renforcer la détermination des salariés de Caterpillar qui avaient retenu quatre cadres. Ils ont d’ailleurs décidé de ne pas se rendre à l’invitation que leur a faite le président.S’il ne s’agissait que de la liberté des cadres sup’ à aller et venir, le grand patronat et le gouvernement ne seraient pas tant inquiets. Mais c’est la contagion qui les angoisse.
Les grévistes en colère d’une usine qui licencie pourraient fédérer autour d’eux d’autres salariés eux-mêmes en danger. Et si tout le monde s’y mettait, nous serions en mesure d’imposer la solution : l’interdiction des licenciements avec maintien intégral des salaires, sans parler de toutes nos autres revendications.Oui, le moindre conflit qui pourrait s’étendre et se transformer en grève générale les panique ! À juste titre. Car le rapport des forces serait alors en notre faveur, et le monde du travail pourrait enfin imposer ses règles et non plus subir l’arbitraire, la dictature et l’injustice du capital !