par abounouwas » 04 Sep 2011, 16:01
je pense que ta dernière question est à reprendre,
peut-on tirer un trait d'égalité entre adversaires ?
Que penses-tu des révoltes de palais, des luttes de faction, c'est-à-dire de batailles politiques qui ne sont pas révolutionnaires au sens où elles n'impliquent pas qu'une classe va déposséder une autre de son pouvoir ?
Ces mêmes guerres intestines entre clans dirigeants utilisent la lutte de classes, la détestation qu'inspire le régime en place, le chômage et la misère, l'absence de perspectives pour une génération (même chez les petits bourgeois), elles dévoient cette énergie opposée au clan dirigeant à leur intérêt propre.
De ce point de vue, je pense qu'on peut tirer ici un trait d'égalité entre adversaires. La clique Kadhafi a utilisé des composantes sensiblement équivalentes : tribalisme, nationalisme, mais aussi islamistes conservateurs affiliés au régime (cf. la da'wa islamiyya, pour ne citer qu'elle, qui essaime en Afrique), gauchismes grand-écartistes, il ne manquait que les nostalgiques royalo-senoussistes, mais là, c'est assez lié à la Cyrénaïque et le coup d'État de 1969 a rassemblé tous ceux qui voulaient dégager Idris.
Moi, je veux bien qu'on compare les deux adversaires, ça ne me gêne pas. Tu mets en avant - et fort justement - les inclinations des impérialistes dans cette guerre. LO insiste - fort justement - sur le fait que ces mêmes impérialistes n'ont pas été gênés outre mesure par Kadhafi pendant quatre décennies, loin s'en faut. Ils s'en sont très très bien accommodés.
Petit rappel : la première répression de Kadhafi quand il a senti qu'il pouvait s'imposer au niveau du Commandement révolutionnaire (disons, env. 1e moitié des 1970s), il l'a dirigée contre les socialistes nassériens, les quelques communistes, bref, contre son aile gauche. Il a incarné le courant anti-soviétique (à la différence de Jalloud, pro-Moscou). Kadhafi, c'est un ennemi mortel des travailleurs. L'économie étatisée, c'est une phase de transition qui lui a permis de faire main basse, au fil des années, sur le surplus dégagé dans le pays sous couvert de plein emploi etc. Sauf que dans les faits, le même Kadhafi et son clan privatisent et licencient à tour de bras depuis au moins cinq ans. À la Sadate, quand il a promu l'Infitâh. En face, le CNT, direction auto-proclamée (et adoubée par la France et la Grande-Bretagne qui vont sucrer à l'Italie bien des marchés en Libye) rassemble caciques opportunistes, islamistes sur le retour et quelques petits-bourgeois (avocates, journalistes, etc.) pour le vernis. Voilà pour les cliques, on prend les mêmes et on recommence. Au départ, il y aura peut-être du pluripartisme, mais rien n'est sûr.
Ensuite, tu contestes le terme mouvement populaire. Tu as raison de mettre en avant le rôle des services occidentaux dans l'histoire, il n'est pas à négliger. Alors "peuple libyen révolté", je ne dis pas ça. La population rejette massivement la dictature de Kadhafi, oui. Une frange non négligeable de la jeunesse s'est lancée dans la lutte armée, oui. Les manifs de soutien à Kadhafi, j'en ai vu pas mal, c'est les Comités révolutionnaires qui font des descentes dans les écoles et dans les administrations et tout le monde est prié d'aller applaudir le Guide. Encore une fois, à part les "récolutionnaires" (lijân thawriyya) et tous les cancrelas apparatchiks, j'ai jamais entendu un commentaire favorable au Guide. Mais bon...