CITATION PLATE-FORME 3
Contre le grand écart
Il n'est pas fréquent que la plate-forme majoritaire, celle du congrès prévu au printemps, éclate en plein débat préparatoire. C'est pourtant ce qui vient de survenir lors du dernier comité central (CC). Avec la résolution adoptée par ce CC sur les échéances électorales de 2004, une majorité de la direction a fait le choix d'annoncer sa volonté d'un accord avec Lutte ouvrière en acceptant, de facto, les préalables inacceptables grossièrement exposés par cette organisation dans les deux courriers qu'elle nous a adressés au mois de juillet.
Cette décision nous semble extrêmement dangereuse. Elle peut conduire notre organisation à désarticuler totalement sa politique : d'un côté, elle affiche en effet sa volonté de construire une nouvelle force anticapitaliste, large et pluraliste ; de l'autre, elle risque de s'enfermer dans un tête-à-tête avec LO, en consentant - comme l'exige LO - à exclure toute composante extérieure aux deux courants, y compris ceux qui partagent la même volonté de rupture avec le libéralisme et le capitalisme.
Répéter, contre toute évidence, qu'à gauche du Parti socialiste et des forces ralliées à sa politique sociale-libérale, il n'existe rien hormis LO et la LCR, c'est ignorer le mouvement social comme toutes les réalités politiques dont sont porteuses les mobilisations successives contre l'ordre capitaliste, en premier lieu les mouvements de mai 2003 et altermondialiste. Refuser, comme le revendique LO, que les listes régionales ne puissent concrétiser (sauf à la marge) la démarche nationale au moyen d'objectifs locaux, c'est non seulement ignorer l'existence de phénomènes nombreux de regroupement sur le terrain, mais encore contredire les acquis de nos précédentes campagnes régionales et municipales, obtenus grâce à la mise en place de listes 100% à gauche largement ouvertes. Céder aux pressions de LO pour renvoyer droite et gauche dos-à-dos, ne pas exiger de ce partenaire potentiel un engagement clair à faire barrage au Front national lors du deuxième tour des régionales, c'est accepter un discours de fermeture et d'isolement.
Vouloir à tout prix l'alliance avec LO, sans tenir compte des problèmes que posent son orientation politique et ses exclusives sectaires, c'est compromettre les relations que la LCR entretient avec beaucoup de militants et d'équipes qui constituent le tissu politique à partir duquel peut se construire la force nouvelle que nous voulons. Et tout cela avant même d'avoir engagé le débat et la bataille publique sur les points à partir desquels la LCR considère qu'un compromis équilibré serait possible avec LO, non contradictoire avec les orientations de chacune des organisations : une plate-forme commune pour les européennes comme pour les régionales ; l'ouverture réelle des listes à des groupes ou individus en accord avec ladite plate-forme ; l'élaboration avec ces derniers de parties locales des professions de foi ; un positionnement sans ambiguïté face au Front national!
Dans ces conditions, de tels choix sont en rupture avec la politique que nous avons menée ces dernières années, lors des municipales, puis avec la candidature d'Olivier Besancenot, et au lendemain de celle-ci, avec l'appel à une force nouvelle anticapitaliste. Pour prendre en compte les contraintes électorales, obtenir un maximum de voix et tenter d'avoir des élus, il faut certes rechercher des alliés. Mais cette démarche ne saurait s'opposer à notre politique d'ensemble. En clair : le problème n'est pas de récuser par principe un accord électoral avec LO, mais d'engager une confrontation publique sur les bases de celui-ci, afin que ne se trouve pas contredit terme à terme le projet global que nous défendons pour le mouvement ouvrier.
C'est donc, tout simplement, pour que la Ligue confirme à l'occasion de son congrès ses acquis des dernières années, et qu'elle ne prenne pas le risque d'un tête-à-queue nuisible à son image, que nous avons décidé de nous constituer en une nouvelle plate-forme.
Rouge 2032 25/09/2002
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