le stade suprême de la barbarie ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Louis » 12 Nov 2002, 19:06

(pelon @ Tuesday 12 November 2002, 11:16 a écrit :
(stef @ Monday 11 November 2002, 21:38 a écrit :

L'essentiel n'est pas de plaire à la petite bourgeoisie. L'essentiel est de liquider ce qui reste de trotskysme, de marxiste révolutionnaire au sein de la LCR. Bref d'adapter sa théorie à sa pratique.

Dans ce cas, quelle est sa pratique ? Liquider le trotskysme, cela ne veut rien dire.
Je te dirai, de manière générale, que je n'apprécie pas que l'on décerne des brevets de marxisme ou de trotskysme.
Personne n'a une autorité reconnue, au-delà de son groupe, qui lui permette d'avoir le tampon "trotskyste".
La critique est ouverte et on peut déduire ce que l'on veut mais il vaut mieux en rester à la discussion argumentée, en s'appuyant bien entendu sur nos théoriciens préférés mais sans dogmatisme.
Je sais que l'on peut, sous couvert de modernisme, balancer tout par dessus bord. D'un autre côté, il n'est pas forcément toujours judicieux de calquer certaines situations anciennes à celles d'aujourd'hui. Et les bolchéviks étaient les premiers à reprocher à certains communards d'avoir voulu tout copier sur la révolution française comme par exemple le Comité Révolutionnnaire qui n'avait pas grand sens en 71.
Alors discutons, critiquons même durement, telle ou telle position, orientation mais ne cataloguons pas définitivement les autres militants d'organisations révolutionnaires. Je n'apprécie pas l'évolution de la LCR (mais également celle du mouvement lambertiste) mais je me garderai bien de leur dénier la qualité de trotskystes.

Je suis absolument d'accord avec cela : Le probleme n'est pas d'avoir une estampille "trotskyste" assurant que nous avons toujours eu raison en tout temps et en tout lieux. Qui, doté d'un minimum d'honnéteté intellectuelle peut dire cela ?

D'autre part, j'ai dit ici une fois que je ne "respectait" pas Trotsky, Marx, Lenine, que sais-je. Cela ne voulais pas dire que je voulais jeter tous ces auteurs aux orties. Mais pour moi, on est dans la position du physicien vis a vis de Einstein. Personne n'a vu un physicien "respecter" Einstein, et considérer ce qu'il a dit comme parole d'évangile.

Aussi, j'ai lu quelque part que la "tendance piquet" etait liquidatrice du Trotskysme. Il est vrai que la section Ceylannaise a eu une évolution qui l'a écartée de la révolution et du communisme. Mais c'est un risque qu'on prend tout autant avec un respect exagéré de la LETTRE du trotskysme, comme l'éxemple du SWP américain nous l'a montré. Pour l'instant ce pronostic est complétement hypothétique. Et il me semble qu'il ne faut pas exagerer la tendance piquet dans la ligue

D'autre part, les tendances de la ligue ne sont pas des fractions figées sur des positions eternelles (mais il reste effectivement des tendances lourdes). Je me rapelle avoir fait partie de plusieurs tendances bien différentes (disons qu'en 15 ans je suis passé de R! à Piquet, mais je n'exclue pas un retour)

Juste une chose pour conclure : je pense rojo que tu te trompe quand tu dis

a écrit :
Face à cette bourgeoisie ne reculant devant aucun procédé, aussi abject et barbare qu'il soit, il nous faut une direction forte et implacable. Et non pas se dire que devant la barbarie, il faut chercher des alliances "au dessus des classes" ou "par dela les classes"


Je pense au contraire qu'il faut des alliances entre classes Mais ne pas les placer sous le signe d'un "humanisme bourgeois" qui a fait la preuve historique de son impuissance
Louis
 
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Message par Louis » 12 Nov 2002, 19:15

(Byrrh @ Tuesday 12 November 2002, 12:22 a écrit :J'aimerais revenir sur le texte de Traverso, auquel LCR fait apparemment allusion ("Auschwitz, Marx et le XXe siècle"). Que pensez-vous des passages suivants ?


Nous en arrivons là aux limites de la discussion possible dans ce forum. C'est effectivement à ce texte que je faisait allusion. J'ai des points d'accords et de désaccords avec ce texte. Disons, pour reprendre une citation célèbre, qu'il pose les bonnes questions mais apporte les mauvaises réponses. Mais vraiment, je me pense pas qu'on puisse discuter sérieusement de ce texte dans un forum sur internet dans les conditions où nous le faisons actuellement.

Maintenant, j'adopte inconditionnelement la conclusion de ce texte
a écrit :
Je propose donc d'assumer Auschwitz comme un paradigme. Auschwitz nous oblige à une relecture critique de Marx et à une distinction qualitative entre les différentes traditions théoriques que son oeuvre fondatrice a engendrées. En même temps, le marxisme ne pourra pas se renouveler s'il se révèle incapable de penser Auschwitz, la barbarie moderne. Désormais, il nous faudra apprendre à ne plus considérer le seul Marx, selon une célèbre formule de Sartre, mais aussi Auschwitz, comme l'horizon indépassable de notre époque.
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Message par com_71 » 13 Nov 2002, 00:45

J'ai cité la LCR au départ de ce thread, c'était par facilité, pas pour limiter la discussion au SU (dont j'ignore complètement si E. Traverso est membre) ou à la LCR (où C.Piquet n'est pas dans la majorité). Les textes cités représentent une tendance, mais je ne crois pas que la Ligue présente déjà ces positions comme parties intégrantes de son programme.
Ces positions sont représentatives de l'opinion d'un milieu relativement large, de gauche comme d'extrème-gauche qui partage avec Traverso sa vision du marxisme comme étant à soumettre à "une relecture critique" car
a écrit :l'alternative n'est plus entre le socialisme et le déclin de l'humanité, mais plutôt entre un socialisme conçu comme une nouvelle civilisation et la destruction de l'humanité.

Et le "socialisme conçu comme une nouvelle civilisation" est synonyme d'abandon de la référence à la classe ouvrière, à sa prise du pouvoir, à la socialisation des moyens de production...
a écrit :Par les représentants de cette tradition, la suppression du capitalisme était vue comme la fin de l'exploitation, rendue possible par la socialisation de l'économie, mais certes pas comme une remise en cause radicale du type de développement connu par l'Europe et le monde occidental depuis la révolution industrielle


Pour en revenir au "judéocide" des courants d'extrême gauche cèdent à une pression d'intellectuels de gauche (par ex Vidal Naquet) qui met au compte du marxisme révolutionnaire les divagations du négationisme, comme si P. Guillaume n'avait pas rompu avec les idées révolutionnaires et comme si Bordiga avait publié "Auschwitz ou le grand alibi" pour dédouaner les nazis de leurs crimes. Certains ont cédé (N.Weinstock auteur du sionisme contre Israël). Il faut au contraire défendre notre programme qui n'est pas de concéder :
(lcr @ . a écrit :Je pense au contraire qu'il faut des alliances entre classes
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 13 Nov 2002, 01:17

(LouisChristianRené @ Tuesday 12 November 2002, 19:06 a écrit :Mais pour moi, on est dans la position du physicien vis a vis de Einstein. Personne n'a vu un physicien "respecter" Einstein, et considérer ce qu'il a dit comme parole d'évangile.


Les évangiles et Einstein, ;) . Penses-tu sérieusement qu'il existe ne serait-ce qu'un physicien qui ne respecte pas Einstein ?

Ce sujet "remonté" en sujet séparé dans la tribune libre....
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par faupatronim » 13 Nov 2002, 12:00

(LCR @ ici même a écrit :Maintenant, j'adopte inconditionnelement la conclusion de ce texte

Je propose donc d'assumer Auschwitz comme un paradigme. Auschwitz nous oblige à une relecture critique de Marx et à une distinction qualitative entre les différentes traditions théoriques que son oeuvre fondatrice a engendrées. En même temps, le marxisme ne pourra pas se renouveler s'il se révèle incapable de penser Auschwitz, la barbarie moderne. Désormais, il nous faudra apprendre à ne plus considérer le seul Marx, selon une célèbre formule de Sartre, mais aussi Auschwitz, comme l'horizon indépassable de notre époque.


Le noeud du problème est là justement.
Faut-il avoir une relecture critique de Marx à cause du nazisme, ou de la chutte du mur, ou de la mondialisation, etc. ?
Mais ceux qui posent cette question, comment expliquent-ils les évènements ? En utilisant la vieille marmite de l'idéologie, voir de la psychologie. Les nazis étaient des fous ? Certainement pour nombre d'entre eux. Mais celà permet-il de comprendre qu'ils aient été en mesure de prendre le pouvoir, de s'y maintenir et même d'entrainer une fraction de la population jusque dans les rouages administratifs des camps de concentration ? C'est le même non-raisonement que lorsqu'on traite les terroristes du 11/09 de fous. On n'explique rien, on ne comprend rien. Par contre on ne met pas en avant les responsabilités, flagrantes et premières, du capitalisme.
Je pense justement que les marxistes, c'est à dire les trotskistes pour la période dont nous parlons, sont les seuls à avoir une analyse du nazisme qui ne soit pas que morale. Et ils n'avaient pas attendu le nazisme pour poser l'alternative "socialisme ou barbarie".

Pour aller un petit peu plus loin, présenter le nazisme comme une fin de l'histoire est là aussi une imposture. C'est une forme d'état bourgeois, certes la plus barbare et parfois la moins rationnelle, mais qui a géré les intérets de la bourgeoisie allemande.

Sur la politique et l'évolution de la LCR, je pense qu'il serait pas mal d'initié un sujet séparé ? En gros je suis quand même d'accord sur ce qu'en dit Stef.
faupatronim
 
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Message par pelon » 13 Nov 2002, 13:27

Reprendre les idées selon lesquelles "la shoah n'est pas compréhensible en terme de classe", c'est à dire que le marxisme est incapable de l'expliquer, ne font que reprendre les vieilles conceptions suivant lesquelles la "question juive" n'était pas, elle non plus, compréhensible par le marxisme.

Pour ceux qui ne l'ont pas lu, je ne saurait trop vous conseiller la lecture de l'éblouissant "La conception matérialiste de la question juive", d'Abraham Léon, qui montre définitivement que le marxisme est bien la méthode scientifique qui permet de comprendre ces problèmes.

Je précise que ce livre a été écrit sous l'occupation, alors que A. léon était dans la clandestinité et qu'il est mort en camp de concentration. Définir une politique juste pour les communistes révolutionnaires (c'est à dire avoir du phénomène une compréhension juste) était pour lui à l'époque une question très concrète.
pelon
 
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Message par stef » 13 Nov 2002, 14:25

Byrrh demandait ce qu'on en pensait... Voilà ce que MOI j'en pense (vite fait) :

a écrit :Le marxisme « scientifique » - celui qui fut canonisé en idéologie officielle de la Deuxième et de la Troisième Internationales et codifié sur le plan théorique par Kautsky et Plekhanov, Lénine et Boukharine - n'avait jamais conçu le socialisme comme une rupture profonde et radicale avec la civilisation bourgeoise.

Voilà qui annonce la couleur...


a écrit :
Par les représentants de cette tradition, la suppression du capitalisme était vue comme la fin de l'exploitation, rendue possible par la socialisation de l'économie, mais certes pas comme une remise en cause radicale du type de développement connu par l'Europe et le monde occidental depuis la révolution industrielle.

La socialisation de l'économie ne serait donc pas une "remise en cause radicale"... que lui manque-t-il donc ? quant au "type de développement", faut-il ui rappeler qu'à cette époque, on mourrait de faim en Russie - ce qui amène à poser les problèmes de façon plus concrète (Le socialisme, c'est les soviets + l'électricité. Lénine) ?

a écrit :Remplacer la loi du profit par les besoins de l'humanité (une « humanité » souvent réduite à la seule classe ouvrière mâle) ne signifiait absolument pas, pour eux, bouleverser les fondements d'une société identifiée à l'industrie, à la technique, à la science et au Progrès.

Bref, le matérialisme dialectique est une utopie... Quant à la "classe ouvrière mâle", qu'il relise Engels !

a écrit :Avec l'idée de Progrès, Auschwitz a définitivement balayé la conception du socialisme comme issue naturelle, automatique et inéluctable de l'histoire.

Moi je croyais que Marx avait dit "Socialisme ou barbarie"... et que la guerre impérialiste mondiale de 40-45 avait montré combien il avait raison. J'avais du trop picoler.

a écrit : Le défi d'Auschwitz au marxisme est donc double : il s'agit, d'une part, de repenser l'histoire sous le signe de la catastrophe, du point de vue des vaincus,

Non. Les "vaincus", ça ne veut rien dire - sauf pour les idéologues. C'est une conception morale, pas politique. Auschwitz, ça signifie que la prise du pouvoir par la CLASSE OUVRIERE est indispensable pour éviter la catastrophe (cf la situation actuelle de l'Afrique). Parce que seule la CLASSE OUVRIERE peut renverser l'ordre des choses.
a écrit :et, d'autre part, de repenser le socialisme comme civilisation radicalement autre, non plus fondée sur le paradigme du développement aveugle des forces productives et de la domination de la nature par la technique, mais sur une nouvelle qualité de la vie, sur une nouvelle hiérarchie de valeurs, sur un rapport différent avec la nature, sur des relations égalitaires entre les sexes, les nations et les « races », sur des relations sociales de fraternité et de solidarité entre les peuples et les continents.

Bref, il s'agit de transformer le marxisme en une "morale" à dominante écologique... Au lieu du combat pour le gouvernement ouvrier, condition nécesaire au changement des rapports sociaux, il faut changer ce qu'il y a dans nos têtes. On appelle ça de l'idéalisme peint en vert.
Il faut quand même avoir du coffre pour oser écrire ça à une époque où toute une partie de la planète crève de faim au sens propre (Afrique, Argentine...). Au moment où le renversement de l'impérialisme est une tâche vitale au sens propre pour des millions d'hommes !
a écrit : Marx concevait le développement du capitalisme comme un processus dialectique dans lequel la « mission civilisatrice » (la croissance des forces productives) et la « régression sociale » (l'oppression de classe, nationale, etc.) étaient indissociables. Cette dichotomie était destinée, à ses yeux, à s'approfondir, jusqu'à déboucher sur une rupture révolutionnaire. Le XXe siècle montrera, en revanche, que cette dialectique pouvait aussi prendre un caractère négatif : au lieu de briser la cage de fer des rapports sociaux capitalistes, la croissance des forces productives et le progrès technique deviendront la base des Behemoths totalitaires modernes, tels que le fascisme, le national-socialisme et, sous une autre forme, le stalinisme.

Faux. Marx n'était pas un mécaniste, un objectiviste qui voyait la victoire de la révolution comme inéluctable (et encore moins Lénine et Trotsky : "La crise de l'Humanité se réduit la crise de direction révolutionnaire"). Encore fallait-il une force apte à remporter le morceau, ce n'était pas gagné d'avance. D'où la formule "socialisme ou barbarie".
Par contre il est faux de dire que le barbarie a été engendrée par le progrès. Le progrès n'est que ce que la société en fait. Le fascisme découle de ce que ça a été la seule issue de ce système en ruine une étape donnée de son histoire. Bref, c'un facteur politique et non économique. Mais il faut bien dire ça pour faire passer la suite :
a écrit : Aujourd'hui, après Auschwitz, Hiroshima et la Kolyma, l'alternative n'est plus entre le socialisme et le déclin de l'humanité, mais plutôt entre un socialisme conçu comme une nouvelle civilisation et la destruction de l'humanité.

Bref du combat pour le socialisme conçu comme inscrit dans le mode de fonctionnement du capitalisme, on passe à une espèce de morale...

D'où sort l'auteur de ce chef d'oeuvre ?
stef
 
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Message par Louis » 13 Nov 2002, 18:38

(com_71 @ Wednesday 13 November 2002, 02:17 a écrit :
(LouisChristianRené @ Tuesday 12 November 2002, 19:06 a écrit :Mais pour moi, on est dans la position du physicien vis a vis de Einstein. Personne n'a vu un physicien "respecter" Einstein, et considérer ce qu'il a dit comme parole d'évangile.


Les évangiles et Einstein, ;) . Penses-tu sérieusement qu'il existe ne serait-ce qu'un physicien qui ne respecte pas Einstein ?

La pensée scientifique n'a pas le mot respect dans son vocabulaire. Je pense que adopter la méthode largement répendue du respect "religieux" des concepts (ie le trotskysme pour ce qui nous concerne) est anti scientifique
Louis
 
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Message par stef » 13 Nov 2002, 22:04

Es tu en train de me dire que l'auteur de cette prose inoubliable est toujours à la LCR ?
:cry:
stef
 
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