par quijote » 20 Oct 2003, 12:25
Emplacement de cet article :
Débats >
avec ceux qui luttent pour protéger les jeunes filles de l'oppression du voile
non au voile dans les lycées
réponse à une pétition apparue sur le réseau des bahuts
Le vendredi 17 octobre 2003.
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Je suis solidaire de la décision des collègues d'Aubervilliers
Je ne suis pas d’accord avec la pétition "Deux jeunes filles voilées exclues d'un lycée lettre ouverte aux enseignants Le mercredi 1er octobre 2003."
Premièrement : « « Nous comprenons que la vue du foulard islamique puisse provoquer un malaise, et nous savons que ce foulard peut véhiculer une vision inégalitaire du rapport hommes/femmes. Mais nous vous demandons de ne pas préjuger de sa signification avant de connaître les élèves qui le portent, et le sens qu'elles-mêmes donnent à leur vêtement ».
Mais quel autre sens que celui de la domination et l’oppression de la femme par l’homme le voile pourrait-il donc avoir pour les rédacteurs de cette pétition ? Ils ne nous le disent pas. N’ont-ils pas lu toutes celles qui l’ont porté contraintes en Iran, en Algérie, en Afghanistan etc ? Les rédacteurs nous disent que des adolescentes pourraient donner autre sens à ce voile (qu’ils appellent insidieusement foulard, mais nous savons tous clairement distinguer une femme qui porte un foulard d’une femme qui porte un voile). Mais quel est leur avis à eux ? Ils se cachent derrière ces adolescentes. On ne peut que douter qu’ils considèrent le voile comme un signe d’oppression, ce qui est grave, car les adolescentes qui ont un voile ont besoin qu’on leur disent ce qu’il signifie, et que ce voile est un mensonge. Le voile est là pour inculquer aux mineures qu’elles doivent avoir honte de leur corps, honte d’être des femmes, qu’elles doivent se soumettre aux hommes. Alors quand les rédacteurs de cette pétition sous-entendent que le voile peut signifier autre chose, ils confortent les jeunes filles inconscientes qui le mettent volontairement et ils désavouent cruellement toutes celles qui ici et ailleurs se battent contre le voile. Cela contredit évidemment un autre passage « leur proposer un enseignement laïque et féministe ». Mais comment un enseignement peut-il être féministe sans dire la vérité clairement sur ce que signifie le voile ?
Dire ce que signifie le voile, clairement, un signe d’oppression des femmes, est le premier devoir dans cette affaire. Les auteurs refusent de le faire, cela montre qu’ils ne sont pas du côté de celles qui se battent contre le voile qu’on veut leur imposer.
Deuxièmement. le sens qu'elles-mêmes donnent à leur vêtement ». Les auteurs sous-entendent que toutes les filles qui portent le voile le font à la suite d’un choix libre et en toute conscience. Qui peut croire que toutes les mineures (il s’agit parfois de fillettes de 10 ou 12 ans) qui ont un voile ici l’ont décidé volontairement ? Les auteurs ne veulent pas parler de celles-là. Ils ne parlent que d’Alma et Lila Lévy. Pensent-ils réellement que cela représente la majorité des filles voilées ici ? Je crois que si Alma et Lila reviennent avec leur voile au lycée, cela encouragera tous ceux qui veulent voiler leur fille, leur sœur, leur nièce sous la contrainte à le faire même au lycée. Ces filles n’auront même plus le lycée comme endroit où l’enlever. Elles seront prisonnière 24h sur 24. Et que pourrons-nous dire à leurs parent qui les contraignent, si Alma et Lilia le portent ? Sous-entendre qu’on ne discute que de jeunes filles qui mettent le voile volontairement, c’est abandonner toutes celles qui l’ont par suite de pressions, parfois insupportables. Je pense que la pétition des auteurs conduit à cet abandon. Même si celles qui l’ont par contrainte étaient minoritaires, et je pense que c’est loin d’être le cas, c’est de leur côté que nous devrions être à mon avis, pas de celui de deux jeunes filles inconscientes qui mettent en danger des milliers d’autres jeunes filles qui ne veulent pas du voile, et qui risquent de se le voir imposer jusqu’au lycée après de tels précédents.
troisièmement « Nous comprenons que la vue du foulard islamique puisse provoquer un malaise » La vue d’un foulard ne provoque aucun « malaise » chez nombre d’entre nous. Elle provoque une révolte, car nous sommes solidaire des femmes opprimées. En utilisant le mot malaise, les auteurs continuent de sous-entendre que le voile n’a pas une signification claire. ils sous-entendent toujours cette idée dans « Être attaché à la laïcité et à l'égalité hommes-femmes, ce n'est pas faire l'autruche en éloignant de nos regards tout ce qui heurte nos habitudes ou nos convictions ». Mais que vient faire l’habitude dans cela ? Ils mettent en balance ce mot avec conviction, pour mieux nier que s’opposer au voile st bien du à des convictions. C’est un procédé de rethorique, ou si l’on veut un procédé politicien. Par cette phrase ils cherchent à faire croire que les femmes et les hommes qui se battent contre le voile au lycée (c’est à dire pour des mineures) ne le feraient que pour des raisons de confort personnel. Cette idée des rédacteurs revient dans « Quelles que soient les difficultés du métier, que nous connaissons bien, et qui sont à l'origine de nombreuses luttes communes, nous vous appelons à ne pas opter pour la solution de facilité qui consiste à se trouver un bouc émissaire ». Mais où ces auteurs ont-ils vu que se battre pour que des jeunes filles enlèvent leur voile, ou à défaut et après d’âpres semaines de discussions qu’elles soient exclues, est la facilité ? N’est-il pas évident que la facilité, c’est de laisser les filles voilées entrer en cours avec leur voile ? La facilité est de leur côté, tous ceux qui se battent contre l’oppression des jeunes filles le savent.
Quatrièmement Par cette phrase « Quelles que soient les difficultés du métier nous vous appelons à ne pas opter pour la solution de facilité qui consiste à se trouver un bouc émissaire , ils cherchent à déplacer encore l’objectif de la lutte contre le voile au lycée. Ils disent par cela que les enseignants qui la mènent le font pour résoudre des problèmes de discipline ou autre. Mais qui dit cela ? Ils inventent une fausse discussion et prêtent à mon avis très malhonnêtement des objectifs aux profs d’Aubervilliers (ou d’ailleurs) qui n’ont rien à voir avec les vrais. Je pense qu’ils montrent encore ainsi qu’ils ne veulent pas discuter du vrai problème, l’oppression des femmes. « En réintégrant Lila et Alma Lévy, et en les traitant comme des élèves plutôt que comme des terroristes potentielles ». Il s’agit là exactement du même procédé. Mais qui dit que les filles voilées sont des terroristes potentielles ? ce n’est pas au nom de ce phantasme que leur exclusion est demandée, si on en juge par les déclarations et interviews des enseignants. Les auteurs montrent à mon avis par ces procédés qu’ils ne sont pas honnêtes dans la discussion.
Cinquièmement « nos élèves, quelles que soient leurs origines sociales ou nationales, et quelles que soient leurs croyances ou leur incroyance, adhèrent tous ou presque aux principes de liberté, d'égalité et de laïcité. Et c'est au nom de ces principes qu'ils vous jugeront en cas d'exclusion, avec la plus grande sévérité ». Non. Beaucoup de nos élèves garçons, et même des filles, ne partagent pas l’idée qu’une fille est l’égal d’un garçon. C’est une évidence pour qui discute avec ses élèves. Pour ceux qui ne discutent pas avec leurs élèves, il est possible de comprendre ce que vivent les filles dans les cités en lisant le livre de fadela Amara « ni putes ni soumises ». J’éspère que beaucoup de jeunes filles jugeront cette exclusion comme une protection pour elles contre les pressions quotidiennes qu’elles subissent, entre autre pour porter le voile. Cette exclusion sera un moyen pour elles de dire « au lycée, c’est interdit » à leur père, leur frère, aux intégristes, aux caïds des cités.
Sixièmement « vous éviterez de vous mettre hors-la-loi commettre une violence lourde de conséquences à l'encontre de deux adolescentes susciter un profond et légitime sentiment d'injustice chez la grande majorité de vos élèves. » La violence lourde de conséquences dont ne parlent pas les auteurs, c’est celle infiniment plus répandue et plus forte, que subissent toutes les filles dans les cités, au collège et au lycée, pour porter le voile ou pour bien d’autres choses. Le sentiment d’injustice légitime, c’est celui que nous devrions tous avoir face à cette situation, mais je pense que les auteurs ne l’ont pas.
Enfin « Continuons de nous battre pour une école laïque qui offre à tous et toutes un enseignement de qualité et des chances égales de réussite. C'est le seul combat qui vaille. Ne nous trompons pas d'ennemis ! ». Les auteurs opposent manifestement le combat que nous avons mené en mai-juin et celui pour l’égalité et la dignité des femmes. Pourquoi ? Je pense que toute l’histoire syndicale et politique a montré qu’on pouvait et devait mener ces combats de pair. Les auteurs semblent ignorer toutes les luttes du mouvement syndical et politique pour le droit à l’avortement et à la contraception (contre l’église catholique à cette époque : les auteurs auraient-ils taxé les féministes de cette époque de « catholicophobes » ?). Et en quoi celles-ci ont-elles empêché les autres luttes ? Au contraire, ces luttes se sont toujours renforcées l’une l’autre.
Le combat pour la dignité et la fin de l’oppression des femmes n’est-il pas un combat qui vaille ? Je pense que non pour les auteurs de cette pétition, tout le montre. Mais il l’est pour moi et je pense pour nombre d’entre nous, femmes et hommes, quelles que soient nos origines, et plus encore pour les femmes maghébines ou Iraniennes.
C’est au nom de cela - et pas d’autres motifs que voudraient nous prêter les auteurs de cette pétition - que je suis solidaire de la décision des collègues d’Aubervilliers, et de bien d’autres sûrement qui mènent ce combat difficile dans l’anonymat, ici en France, mais aussi dans des conditions beaucoup plus dures ailleurs dans le monde.
Franck. LP Painlevé, Courbevoie, 92
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