sur la conception de l'Histoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 04 Sep 2004, 13:48

a écrit :Pour ceux pour qui l'histoire est une mine d'enseignements pour le combat politique des travailleurs, il y a peu à tirer de tout ça.


a écrit :ces "actions" sont toujours utilisés par le Pouvoir en place pour unir les populations autour de l'Etat et ses représentants.



Bonjour !

Je pense précisément que le nazisme est quelque chose d'unique.
C'est le gouvernement le plus trompeur de l'histoire et l'un de ses artifices consiste précisément à se déguiser en quelque chose de connu : tantôt le fascisme, tantôt l'autoritarisme patronal, etc., etc.

Le mouvement ouvrier, quand il réfléchit sur son échec à empêcher ce phénomène comme sur son impuissance à l'enrayer sans le concours essentiel de ses pires ennemis, est confronté à une question de base : fallait-il l'empêcher par tous les moyens ou travailler à faire la révolution comme si de rien n'était ?

La seconde réponse, face à un Mussolini, se discute. Elle était absolument irrecevable face à Hitler.

L'incendie du Reichstag en est une preuve, comparé par exemple à l'assassinat de Matteotti. Ici, Mussolini ramasse la mise laborieusement après avoir été visiblement très ennuyé. Là, Hitler est à l'initiative et prend tout le monde de vitesse.
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 05 Sep 2004, 10:07

a écrit :QUOTE 
Je pense précisément que le nazisme est quelque chose d'unique.




Dans ce cas là, à quoi bon se pencher sur un phénomène qui ne se reproduira pas?

Ce n'est pas que je crois que le nazisme soit "unique" mais simplement je mene jusqu'au but ta logique...

Tout phénomène politique d'importance d'ailleurs est unique et universel à la fois, il a des caractéristiques particulières propres à lui et à la fois représente une des classes sociales qui s'affrontent dans la lutte de classes général d'une société donnée. Et le nazisme n'echappe pas à cette règle.



Je croyais pourtant que c'était clair !

Le jour où une forte majorité des humains admet que le nazisme était un phénomène unique, promis, je passe à autre chose ! En attendant, il me paraît assez grave qu'on le mette à toutes les sauces pour justifier telle ou telle action politique ou militaire fort regrettable.

Il y a autre chose. Une intuition qui m'est venue il y quelques mois. Tout en étant unique et non reproductible, Hitler a donné à l'humanité une bien mauvaise habitude, dont notre époque montre le solide enracinement : la diabolisation de l'ennemi, sous la forme d'un comploteur mondial. Je sais, je sais, les religions monothéistes n'ont pas attendu le caporal bavarois pour inventer le diable et le baptiser "prince de ce monde"... mais il n'était pas vraiment mondial. Il le devient fin 1919 ou début 1920, avec la synthèse entre "le Juif responsable de la défaite" des premiers textes antisémites hitlériens de l'automne et les "protocoles des sages de Sion", traduits alors du russe en allemand et commençant leur carrière mondiale, avec le parti nazi comme porte-drapeau principal (il y a aussi, par exemple, le Times et Henry Ford, mais ils jettent l'éponge assez vite).

Cette diabolisation mondialisée va se retrouver dans la guerre froide, dans les deux camps (certes le communisme, dès 1917, est présenté comme une conspiration mondiale, mais de manière assez rhétorique, sans présupposer un esprit du mal à combattre par des légions d'archanges du bien; il faut attendre les années 47-48 pour en trouver une conception métaphysique, analogue à ce qu'était "le Juif" pour les nazis), et j'espère ne pas avoir besoin de vous faire un dessin pour montrer qu'elle prospère dans l'après-guerre froide.

Dévoiler la source est une condition certes insuffisante, mais sans doute nécessaire, pour lutter contre le phénomène.
Mais encore une fois le nazisme est unique, et la source caricaturée.
François Delpla
 
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Message par quijote » 05 Sep 2004, 14:20

L ' histoire ne se répète jamais . c 'est vrai .

Le Nazisme est un phénomène "unique " ?

Qu 'est -ce que tu veux dire , François Delpla ? Si je comprend bien , on ne peut selon toi , à te prendre au mot , le rattacher ni à une classe sociale , ni à une évolution historique , ni comme conséquence monstrueuse de la dégérescence du capitalisme , de ses crises ?

En disant " unique "on laisse entendre qu 'il y aurait des évènements " a-historiques " ?
Comme si le nazisme était une sorte de fatalité , une punition en quelque sorte , l 'expression du " mal absolu " : j 'ai entendu déjà cela .
" Unique" , ça a une connotation divine : ce serait une punition infligé à 'homme par dieu ou le résultat de la perversité naturelle de l ' homme , la nature humaine en quelque sorte
. ,
Ceux qui développent cette thèse du phénomène" unique " veulent faire oublier la part des rsponsabilités qu 'ont eu les " démocraties" européennes dans la montée du nazisme qu 'ils pensaient utiliser contre l' URSS entre autres ( Rappelle -toi : "plutôt hitler que le front populaire ")
Et les affaires ont continué avec ces horribles Nazis : je ne parlerai pas seule ment des banquiers suisses mais de bien d 'autres ...

Alors " Unique " ?

NON ! Car je crains que le capitalisme , si on ne le détruise pas ne nous réserve d 'autres plats autrement plus épicés
quijote
 
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Message par François Delpla » 05 Sep 2004, 16:34

a écrit :Le Nazisme est un phénomène "unique " ?

Qu 'est -ce que tu veux dire , François Delpla ? Si je comprend bien , on ne peut selon toi , à te prendre au mot , le rattacher ni à une classe sociale , ni à une évolution historique , ni comme conséquence monstrueuse de la dégérescence du capitalisme , de ses crises ?



Mais bien sûr que si !
Simplement il ne se REDUIT pas à cela.

Il est la seule entreprise de portée mondiale (je veux dire dans ses effets déstabilisateurs : dans le débat sur les buts du nazisme -domination mondiale ou européenne- je prends résolument parti pour la seconde solution) qui ait d'abord été rêvée, et soit mise en oeuvre à chaque étape, par un individu, suivant des modalités qui vraiment n'appartiennent qu'à lui (par exemple son admiration pour Wagner, qui déteint sur ses méthodes politiques et s'accompagne de la fréquentation assidue de la famille du compositeur).

Cf. par exemple ma critique du dernier et stimulant livre de Philippe Burrin :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=111

Ce qui d'autre part rend l'entreprise unique c'est la conjoncture mondiale : l'Allemagne connaissait, sur le plan industriel et scientifique, un relatif zénith (avec des potentialités qu’il s’agissait de cristalliser, ce que le nazisme réussit formidablement), alors qu’aucune puissance ne dominait le globe, ni n’était à même d’unir rapidement une coalition supérieure à l’Allemagne –du moins quand elle fut dirigée par ce diviseur hors pair.

Bush est à la tête d'un pays dont l'équipement militaire est égal à celui des 7 ou 8 suivants réunis : il peut bien être aussi raciste et cruel qu'il veut, cela n'en fera pas un Hitler, c'est-à-dire quelqu'un qui rassure sur ses intentions pacifiques en prétendant que son réarmement ne tend qu'à rattraper celui des autres.

Pour se situer face à un type pareil, comme face à Le Pen, etc., et doser les ripostes, c'est très important de savoir que le nazisme n'est pas reproductible.
François Delpla
 
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Message par quijote » 06 Sep 2004, 12:50

(François Delpla @ dimanche 5 septembre 2004 à 17:34 a écrit : [

Mais bien sûr que si !
Simplement il ne se REDUIT pas à cela.


Pourtant l ' essentiel est là : le nazisme , qui a pour cause l 'étouffement de l ' Allemagne , puissance impérialiste qui étouffait dans ses frontières , sans possibilité d 'empire colonial comme c 'était le cas pour l ' Angleterre et la France , a trouvé un parti revanchard , . Celui -ci revendiquait l 'effacement du traité de Versailles surtout recherchait le moyen d 'échapper à la crise économique

L ' Analyse de Daniel Guérin me parait très pertinente de ce point de vue .

Le reste : c'est -à-dire le goût de Hitler pour Wagner , sa mégalomanie , ne sont que des aspects secondaires , anecdotiques , accessoires .
Et ils ne peuvent contribuer qu ' à ajouter la confusion pour ce qui est de comprendre le Nazisme comme une des conséquence de rivalités inter impérialistes commencées bien avant.

Certes le phénomène ne peut se dévelpper de nouveau à l 'identique .

Mais il y a bien de formes de régression idéologique qui peuvent ressurgir à nouveau :
Dans certains endroits n 'assistons-nous pas de nouveau à une remontée de croyances de superstitions qu 'on croyait définitivement révolues .
Après tout Hitler n 'a rien inventé .

"Le ventre est encore fécond d' où peut jaillir la bête immonde"
quijote
 
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Message par Nadia » 06 Sep 2004, 13:54

(François Delpla @ dimanche 5 septembre 2004 à 17:34 a écrit : [Le nazisme] est la seule entreprise de portée mondiale (...) qui ait d'abord été rêvée, et soit mise en oeuvre à chaque étape, par un individu, suivant des modalités qui vraiment n'appartiennent qu'à lui (...).

Ce qui d'autre part rend l'entreprise unique c'est la conjoncture mondiale : l'Allemagne connaissait, sur le plan industriel et scientifique, un relatif zénith (...), alors qu’aucune puissance ne dominait le globe, ni n’était à même d’unir rapidement une coalition supérieure à l’Allemagne –du moins quand elle fut dirigée par ce diviseur hors pair.
Pour le premiser paragraphe, il me semble que les rêves de Napoléon sur l'Europe ou ceux de Bush junior sur le monde "araboïde" aient la même amplitude d'effets dans la réalité vraie.

Pour le second paragraphe, il me semble que l'Allemagne des années trente était... au contraire en pleine crise économique et sociale. 10-15 ans après l'écrasement des soviets, 10 ans après la crise de 23 et en plein dans la crise de 29... Les six millions de chômeurs et les manifestations de crève-la-faim et des mutilés de guerre n'ont probablement pas encore fini.
La première guerre mondiale a fait surgir les USA comme LA nouvelle super-puissance mondiale... :whistling:
Nadia
 
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Message par François Delpla » 07 Sep 2004, 15:43

Bonjour à tous


Je termine actuellement un livre à paraître au printemps, intitulé "Adolf Hitler : la part des femmes". D'où mes allusions chroniques à Winifred Wagner ou Leni Riefenstahl, qui peuvent surprendre.

Jusque là, notamment dans ma bio de 99, j'avais surtout insisté sur la manipulation. L'inventaire approfondi des relations féminines du Führer m'amène à prendre en compte, plus qu'avant, l'illusion, que non seulement Hitler crée, mais qu'il partage en partie. Par exemple Winifred et Leni, pour m'en tenir à elles, sont des personnalités du monde du spectacle qui toutes deux surgissent, sans que Hitler ait rien demandé, dans une période hyper-critique, à la veille d'une prise du pouvoir tentée (1923 pour Winifred) ou réussie (1932 pour Leni). Il y a de quoi conforter immensément le sentiment de sa "mission" et de ce point de vue ces deux créatures, qui ont fait de bien plus vieux os que lui et ont développé de longs plaidoyers auto-justificatifs, portent une responsabilité que personne n'a su leur reprocher avec exactitude.

Ces considérations n'excluent en rien les forces sociales. Ce que je refuse qu'on dise, c'est que Hitler a enrôlé les patrons (quand on ne dit pas qu'il les a suivis !) dans le génocide des Juifs (par exemple) en toute connaissance de cause. Mais bien sûr qu'il les a enrôlés, et bien sûr qu'ils ont marché pour des raisons qui ne les honorent pas, de la destruction des organisations ouvrières à la maximisation des profits.
Sur un autre forum, j'ai eu quelques difficultés à faire admettre qu'en un certain sens Hitler était libéral :

http://www.delpla.org/article.php3?id_article=86
François Delpla
 
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Message par Nadia » 07 Sep 2004, 15:58

(François Delpla @ mardi 7 septembre 2004 à 16:43 a écrit : L'inventaire approfondi des relations féminines du Führer m'amène à prendre en compte, plus qu'avant, l'illusion, que non seulement Hitler crée, mais qu'il partage en partie. Par exemple Winifred et Leni, pour m'en tenir à elles, sont des personnalités du monde du spectacle qui toutes deux surgissent, sans que Hitler ait rien demandé, dans une période hyper-critique, à la veille d'une prise du pouvoir tentée (1923 pour Winifred) ou réussie (1932 pour Leni). Il y a de quoi conforter immensément le sentiment de sa "mission" et de ce point de vue ces deux créatures, qui ont fait de bien plus vieux os que lui et ont développé de longs plaidoyers auto-justificatifs, portent une responsabilité que personne n'a su leur reprocher avec exactitude.
Rien compris.
Nadia
 
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