Ce qu'entend ici Trotsky par ultra-gauche - de manière à mon avis trop amalgamante -, ce ne sont pas les gauches communistes italiennes et germano-hollandaises, qui différent fondamentalement l'une de l'autre - la première adhérant au parti de type bolchevik et la seconde le critiquant ; mais les ex-bureaucrates staliniens que caractérisent bien artza.
a écrit :Et effectivement des groupes d'ultra-gauches, qui sont critiques de la révolution d'Octobre, sont allés jusqu'à entretenir des liens assez troubles avec l'extrème opposé du spectre politique.
A quels groupes exactement cette allusion peut s'appliquer ? Aux marginaux nationaux-bolcheviks du KAPD, dont l'évolution nationaliste et réactionnaire rejoint finalement l'évolution générale du stalinisme. A une certaine collusion, avec l'affaire de la « Vieille Taupe », entre des gens dont l'obsession sera de nier les caractéristiques spéciales du fascisme dans le but - justifié par ailleurs - de démontrer son caractère capitaliste et des révisionnistes.
Mais, fondamentalement, il s'agit de gens isolés et absolument pas représentatifs de l'opposition de gauche non-trotskiste au stalinisme, qu'on regroupe sous le terme générique - assez faux - d' «ultra-gauches». Et leur évolution ne s'explique pas - comme cette phrase peut le laisser penser - par le fait qu'ils sont critiques «de la révolution d'Octobre» - ce qui n'est d'ailleurs que rarement vrai - mais par le contexte historique plus général, et par leur isolement de toute vraie lutte politique de la classe.
Le «refus de l'antifascisme» mériterait également d'être nuancé. Différentes tendances, parfois contradictoires, s'opposent au moment de la montée du fascisme, et notamment au cours de la révolution espagnole. Si toutes soulignent - comme les trotskistes - l'affrontement de deux camps bourgeois dans la guerre civile espagnole, préparant la guerre impérialiste ; certains voient dans la montée du prolétariat en espagne les prémisses d'une véritable révolution prolétarienne, tandis que d'autres nient toute possibilité révolutionnaire pour la période, en l'absence d'un parti.
L'«antifascisme» est un terme bien trop vague et bourgeois pour définir une politique ; dénonçant l'antifascisme comme idéologie d'un front commun avec la bourgeoisie, les ultra-gauches n'entendaient certainement pas soutenir la bourgeoisie italienne et allemande, mais propager le défaitisme révolutionnaire qui seul pouvait renverser mondialement le capital, et en finir avec les bases sociales du fascisme.
On comprend que Trotsky ne parle pas d'eux, mais une telle formulation semble les assimiler à ces ex-staliniens alliés à des «fascistes plus ouverts», ce qui n'est pas vraiment judicieux ...
Pour l'anecdote, aprés le commencement de la guerre impérialiste, certains «dilletantes ultra-gauches», bordiguistes et trotskistes se retrouvent ensemble dans une usine-planque qu'ils dirigent collectivement à Marseille.
En réalité, la question de «comprendre le monstre stalinien» en lui appliquant un terme aussi générique que «capitalisme d'état», «centrisme» (Bordiga), ou «état ouvrier dégénéré» [on peut d'ailleurs noter que toutes ces acceptions ne sont pas fondamentalement contradictoire» n'était à ce moment là pas plus important que de le combattre concrètement et efficacement, et un terrain d'accord pour un travail commun eût sans doute été possible à trouver sans le sectarisme réciproque des uns et des autres. C'est ce que feront d'ailleurs, un peu plus tard, les uns et les autres, notamment dans les camps de travail staliniens, où trotskistes, anarchistes, «communistes chrétiens» mystiques et autres farfelus ultra-gauche n'attendront pas la résolution de leurs conflits idéologiques pour former des comités clandestins.