L'Affaire Dreyfus et le mouvement ouvrier

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par pedro » 14 Oct 2006, 21:23

(Harpo @ jeudi 5 octobre 2006 à 02:11 a écrit : D'accord avec Canardos.

Je me permets une comparaison, peut-être un peu tirée par les cheveux, mais pas tellement finalement :

Quand le capitaine Dreyfus a été condamné injustement, certains socialistes (y compris Jaurès je crois) ont considéré d'abord que ce n'était pas leur affaire. Un officier d'une armée qui quelques années auparavant avait écrasé la Commune dans le sang et qui sévissait alors sur le terrain des conquêtes coloniales, un bourgeois, ça ne valait pas la peine d'être défendu. Des écrivains comme Marcel Proust ont tout de suite compris la gravité de cette infamie et l'ont défendu sans arrière pensée. Ils avaient raison (et heureusement les dirigeants socialistes ont compris assez vite qu'ils avaient eu tort).

Monsieur Redeker n'a pas, dans l'écrit en question, eu de propos racistes. Est-il nécessaire de rappeler que les indonésiens, les pakistanais, les albanais, les bosniaques... ne sont pas des arabes ? Cette accusation est non fondée.

Son anti islamisme est bien sûr partial. On préférerait qu'il s'en prenne à toutes les religions car, même plus ou moins assagies momentanément, comme certaines versions du christianisme, elles n'en demeurent pas moins tout aussi dangereuses potentiellement. Et pour assagir un peu le catholicisme romain, il a fallu quand même couper la tête à pas mal de curés à la fin du 18ème siècle, et (sans mauvais jeu de mots), ça ne l'a pas complètement empêché de relever la tête et de montrer encore tout son pouvoir de nuisance, sous Franco ou pendant la deuxième guerre mondiale comme soutien à Hitler et aux fantoches qu'il avait mis en place en Croatie ou en Slovaquie (là, le fantoche c'était un archevêque) par exemple ; ou encore actuellement en Afrique dans les pays où ils sont encore assez influents pour interdire les préservatifs (les brûler parfois) et favoriser l'expansion de l'épidémie de SIDA, quand ce n'est pas comme au Rwanda pour fermer les yeux devant un génocide, quand ce n'est pas y participer directement comme l'ont fait certains prêtres. Ne pas voir l'abjection quand elle vient du christianisme ou de l'hindouisme n'est pas bien malin pour un philosophe. Ceci n'empêche pas qu'il y ait de quoi être scandalisé par l'emprise que prennent les islamistes sur une partie de la société et par les idées réactionnaires et haineuses que l'islam développe. Monsieur Redeker s'en prend à l'islam et est menacé de mort, on ne peut que le soutenir. Il le fait maladroitement, peut-être même pas honnêtement (on ne sait pas), ça n'y change rien.
Les salauds là-dedans, ce sont (en vrac) ceux qui voilent les femmes, ceux qui marient les gamines, ceux qui massacrent les "infidèles" des tours du WTC, ceux qui veulent tuer l'un des plus grands écrivains actuels (Rushdie), ceux qui lapident les femmes, les marabouts qui sévissent au Sénégal et les religieux d'Iran qui rançonnent la population, ceux qui proclament la "guerre sainte" et font de tous les "infidèles", et particulièrement des juifs, des victimes potentielles de leur délire, ceux qui profitent de la misère qu'engendre le capitalisme pour enrôler les plus pauvres dans la guerre qu'ils mènent pour se tailler une part substancielle du gâteau. Ce n'est pas monsieur Redeker, petit philosophe sans envergure et aux idées tellement étroites qu'il ne voit pas que l'hindouisme, entre les mains de l'extrême droite au pouvoir en Inde, fait actuellement plus de victimes et a un pouvoir rétrograde au moins aussi néfaste que l'islam. Lui n'a tué personne pour l'instant et n'a pas vendu de gamines à de vieux pédophiles. Alors il a droit à notre soutien.

Qu'il y ait des musulmans (la majorité) qui n'emboîtent pas le pas à ces salauds et que certains cherchent à faire prévaloir une autre lecture du Coran, c'est tout à leur honneur et ils ont aussi droit à notre soutien car certains prennent peut-être encore plus de risques que monsieur Redeker. Mais cela ne nous empêchera pas de faire le constat que toute religion et l'idée même d'un dieu se prètent à tous les dérapages, à toutes les manipulations, est capable de justifier toutes les tueries. L'histoire humaine l'a amplement démontré et il serait temps d'en finir avec ça.
Non, Jaurès à défendu Dreyfus. C'est Jules Guesde qui considérait que ce n'était pas l'affaire des socialistes.
pedro
 
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Message par artza » 15 Oct 2006, 09:46

(Harpo a écrit :Non, Jaurès a défendu Dreyfus. Cest Jules Guesde qui considérait que ce n'était pas l'affaire des socialistes.


La condamnation de Dreyfus en décembre 1894 fait l'unanimité dans l'opinion.

Ce n'est qu'une banale affaire d'espionnage. Il y en avait d'ailleurs bien une.
L'espion n'était pas Dreyfus mais un officier débauché Esterhazy.

"L'Affaire" n'éclate en fait que trois ans plus tard après l'acquitement du fameux Esterhazy.

LE 13 janvier 1898 Zola publie "J'accuse".

Guesde salut cet article comme "le plus grand acte révolutionnaire du siècle". Le groupe parlementaire socialiste se borne à exiger toute la lumière et appelle le prolétariat à ne s'enroler "dans aucun des clans de cette guerre civile bourgeoise" mais à pousser "un triple cri de guerre : guerre au capital juif ou chrétien, guerre au cléricalisme, guerre à l'oligarchie militaire".

Pendant la campagne électorale de 1898 Guesde et le Parti ouvrier français sont les seuls dans leur manifeste à condamner explicitement l'antisémitisme mais leur campagne est muette sur l'Affaire.

En juillet 1898 le Conseil national du POF déclare: "les prolétaires n'ont rien à faire dans cette bataille qui n'est pas la leur...".

Lafargue critique cette politique en fait abstentionniste,"inexcusable et inexplicable(...) le Parti ouvrier (...) ne peut se désintéresser des questions politiques qui agitent le pays (...) un Parti socialiste d'action qui n'agit pas se suicide...".

Guesde avait une hantise tout à fait louable de voir au nom de la défense républicaine le prolétariat réduit à une force d'appoint de la gauche gouvernementale bourgeoise. Il le dit à Jaurès, " fallait-il coudre le prolétariat à cette queue de la bourgeoisie emprisonneuse qui avait derrière elle la bourgeoisie fusilleuse de 1871?".

Dans l'éphéméride d'aujourd'hui Rosa Luxemburg discute de tout ça avec pertinence mais de l'extérieur et après coup.

Il est de mode de taper sur Guesde.
Certes il sombra dans l'opportunisme puis la collaboration de classe et devint un pot de fleur dans le gouvernement d'Union nationale en 1914.

Mais Guesde fut avant bien autre chose. Introducteur du marxisme en France. Initiateur du premier parti politique socialiste ouvrier et de la première fédération nationale des syndicats ouviers... C'était ça son "sectarisme" reproché par les socialistes "ministérialistes" et les syndicalistes apolitiques anars et réformards.
artza
 
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Message par Apfelstrudel » 15 Oct 2006, 11:09

Un fil avec un texte de Jaurès et un de Jules Guesde Sur le sujet :
http://forumlo.cjb.net/index.php?showtopic...=guesde+dreyfus

edit : il me semblait que c'était dans ce texte que Guesde parlait de Dreyfus en disant un truc du genre : il a eu la chance de pouvoir accéder à la culture aux études, il aurait pu s'en servir pour faire prgresser la connaissance, pour pour moderniser des techniques, mais il a préféré s'en servir pour massacrer ses semblables...
Je ne retrouve pas ça dans le texte, quelqu'un voit-il à quoi je pense ?
Apfelstrudel
 
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